Chaps se reposait tranquillement dans la salle du dojo pendant que Pierce, Hans et John s’entraînaient. Il bailla paresseusement et se releva lentement.
« Arrêtez-vous ! Shô vient ici.
_Qu’est-ce qui se passe ? Que veux-tu, Chaps ?
_Ils sont nuls.
_Trop aimable, on peut savoir pourquoi, s’enquit Hans.
_Tous les arts martiaux sont complémentaires hors ils vous manque quelque chose pour pouvoir vous battre dans la même cour que Shô, Shin ou moi. Et cette chose, c’est la détermination à tuer et cette qualité primordiale pour maîtriser n’importe quel art martial est la base suprême du kendo.
_Mais un sabre n’est-il pas forgé pour protéger la vie ? demanda innocemment Pierce.
_Oui et non, le sabre est un instrument de mort, le kendo un art de tuer. Quelles que soient les belles paroles que l’on raconte pour l’expliquer, telle est sa profonde vérité. Vos propos sont ceux de personnes qui n’ont jamais été contraint à donner la mort. Ce n’est donc qu’un idéal utopique même si j’ai tendance à le préférer à sa véritable nature. Si vous voulez être prêt pour le tournoi, vous devrez maîtriser le sabre et pour cela vous aurez à réussir une épreuve. »
Il passa dans une pièce attenante et en ressortit avec trois shinais en main. Il les lança à chacun des trois puis s’éclaircie la voix.
« Vous devrez parvenir à toucher Shô au moins une fois, vous avez une semaine. Commencez ! »
Tous se regardèrent pendant que Chaps se rasseyait pour dormir. Shô se racla la gorge bruyamment et se mit en garde.
« Allez, amenez-vous ! »
Les trois prirent leur katanas à deux mains et se jetèrent sur Shô qui les renvoya dans leurs plates bandes en trois coups.
« Trop lents, trop faibles, trop rigides. »
« Il est toujours égale à lui-même, se dit Chaps dans son for intérieur. Ses élèves ont toujours étaient les plus endurants car ses leçons sont les plus éprouvantes physiquement. S’ils arrivent à le toucher dans la semaine alors le tournoi sera vraiment intéressant. » La porte coulissa et Shin entra suivi de Nicolas. Chaps se leva et prit son shinai.
« On commence le cours, petit frère ?
_D’accord.
_Je suis dans la pièce d’à côté, » indiqua Shin.
Bientôt des bruits de courses et de sauts irréguliers se firent entendre de cette pièce. Un long silence se fit alors entendre. Tous tendirent l’oreille puis une bourrasque sembla passer et après un court instant Shin en émergea et silencieusement il s’assit dans un coin.
« Les techniques de l’école sont bien difficile à maîtriser, n’est-ce pas Shin ? » La réflexion de Chaps le fit sourire.
La leçon de Shô s’acheva une petite vingtaine de minutes plus tard lorsque la sonnerie marqua le début des cours de la journée, de toute façon aucun des trois n’auraient tenu plus cinq minutes. Avant que les élèves quittent le dojo, Chaps prit Hans, Pierce et John à part.
« Une dernière petite chose, les sabres ont tous une âme qui se cristallise dans le nom que lui donne celui pour lequel la lame est forgée. Réfléchissez chacun à un nom et à une forme pour votre katana pour la fin de la semaine. Comprenez bien qu’une lame sans nom ne pourra jamais dépasser un sabre nommé. »
Shô approuva d’un signe de tête et ils se séparèrent.
« Tu crois qu’ils arriveront à te toucher une fois chacun avant le fin de la semaine ?
_Franchement ? Non. Ils sont nuls et complètement à côté de leurs pompes quand ils essaient de se battre et en plus ils ne tiennent même pas correctement leur katana.
_Tu aurais pu leur apprendre, non ?
_Et puis quoi encore ? S’ils veulent devenir des hommes, ils devront se réaliser par eux-mêmes.
_Si j’avais été pareil je serais mort.
_Mais tes élèves avaient du potentielle, en tous cas l’un d’eux.
_Qu’est-ce qui faut pas entendre. Allez à ce soir. »
Aspidistra se pencha sur Shin est lui souffla tendrement à l’oreille :
« Shin, Shin, Shiiin, tu dors ?
_Hummm…
_Imbécile heureux, on est en cours d’histoire avec la prof la plus sadique à l’Ouest de l’Atlantique ! Réveilles-toi !
_Je retiendrai pour votre appréciation du trimestre votre engagement à dynamiser cette classe, Miss West. Mais dans l’immédiat, la prof la plus sadique à l’Ouest de l’Atlantique vous dit : dehors ! Et le travestit transsexuel comateux avec. »
Et ils se retrouvèrent dehors, accoudés aux murs froids et parallèles du couloirs. Cette attristante vision de l’oppression professorale n’ayant strictement que peu d’intérêt pour discussion ésotérique, Shin préféra garder le silence jusqu’à leur « délivrance. »
Il se servit de ce moment de silence pour récapituler la liste de ses professeurs : Sœur Josette de Lacroixgamer en Histoire et Géographie, Mr Philip Mocambe – surnommer foufou-good ou Dark Macumba ou encore Iron Mocambe par ses élèves – en Economie, Mr Peter Aubaint – dit Aubinator – en Droit, Mr James-Andrew Psychko – sans jeu de mot de circonstances – en Mathématiques, l’exquise Miss Amanda Labbédoquine en Langue et Civilisation Anglaise, Mr Francis Maldinpert en Français et Art Théâtral, le « magnifique » – et minuscule – Mr Hai Lathan en Physique-Chimie et la « surprenante » Miss Juliette Rancoul en Biologie. « Une belle brochette de personnes qui aime leur métier à s’en faire interner, » pensa-t-il.
L’attitude hostile de Sœur Josette remontait au début de septembre quand il avait osé remettre en cause une idée qu’elle défendait avec acharnement. Malgré des résultats plus que corrects, il ne parvenait pas à revenir en odeur de sainteté. Il se désintéressa de cette idée et entra dans la salle de cours. Il passa devant la Sœur en chantonnant une musique de film très connue quand elle l’attrapa par le col et le remit à la porte.
Le cours qui suivit était celui de Biologie. Mlle Rancoul était à la fois paranoïaque, schizophrène, névrosée, psychotique et portée à avoir des poussés de colère noire et incontrôlable. Ce cours-ci ne fut pas une exception : d’abord parce qu’il commença par un violent excès de fureur, tout autant motivée par un excessif « amour » de ses élèves et par une constante désagréable à noter trop sévèrement – et trop souvent – ces derniers, et qu’il se poursuivit par une énième interrogation surprise.
La troisième heure fut celle de la Physique Chimie avec Mr Lathan. Celui-ci fut égal à lui-même. Quelques interjections plus tard, il lançait une bordée de ses phrases cultes entrées dans la légende du lycée :
« Je lis dans ton esprit… Gros dégoûtant ! » ou alors « Je vais répondre dans quelques secondes à ta question. – quelques secondes plus tard – C’était ça ? Non ? Quel était ta question, jeune néophyte ?
_Est-ce que je peux allez aux toilettes ?
_Oui. »
Et beaucoup d’autre comme cette inoubliable :
« Ma discipline est comme ces quatre murs quand on rentre dedans on se fait mal ! »
Le cours de cet honorable enseignant n’aurait d’ailleurs sans cela qu’un intérêt médiocre, se résumant à la compréhension par une minorité nantie d’un cerveau moyen en état de marche de quelques théories physico-chimiques régissant une partie de la vie sur Terre. Ce qui en convenait l’impassible majorité silencieuse eut été peut-être préférable dans un certain sens.
Mais le summum du paroxysme de l’effort intellectuel quotidien que devait fournir en offrande aux dieux capitalistes du travail les forçats de la 2-7 n’était pas à chercher durant une heure de cours mais plus à l’intercours précédant la leçon de Mr Mocambe. Il était en effet difficile même pour un groupe aussi soudé de fainéants de ne pas faire le travail demander si gentiment par le Maître. Cependant, et pour des raisons encore obscures, ce dernier n’était pas dupe.
Pendant la pause de midi, Mike Streenningam – chanteur, guitariste et leader des Red Diamonds, un groupe de rock amateur du lycée – vint voir Jimmy pendant sa pause déjeuner.