posté le 23-06-2009 à 23:30:32
The Beatles
La carrière des futurs Beatles démarre à Liverpool en juin 1956
lorsque, après quelques expériences dans des groupes de lycée, John
Lennon (guitare et chant), leader du John Lennon Group, embauche Paul
McCartney (basse et chant) dans son groupe de skiffle — style musical
d’inspiration folklorique qui emploie une instrumentation éclectique
(planche à laver, guimbarde, etc.). Devenus les Quarry Men Skiffle
Group, ils sont rejoints par George Harrison (guitare) et, en 1960,
Pete Best (batterie), remplacé en 1962 par Richard Starkey, alias Ringo
Starr. D'abord influencé par le rock and roll américain (celui de Bill
Haley et Elvis Presley), le groupe peine à trouver des engagements ;
ils changent successivement leur nom en Johnny and the Moondogs, Silver
Beetles, puis Beatles — référence au beat (ou « rythme »), aux beatniks
américains de la beat generation et à Buddy Holly et ses Crickets.
En août 1960, les Beatles se rodent dans les clubs crasseux de
Liverpool et de Hambourg (l’Indra, le Kaiserkeller, le Top), où ils
jouent tous les soirs de la semaine, parfois six heures d’affilée. Ils
fréquentent les prostituées, s’enivrent, se battent, et accessoirement,
trouvent leur voix et leur style. Leur bassiste du moment, Stuart
Stucliffe, sort avec une jeune photographe allemande qui donne aux
Beatles des conseils de mode venus de Paris ; elle est notamment
responsable de leur coupe de cheveux « à la française ».
En Allemagne, ils enregistrent en tant qu’accompagnateurs de Tony
Sheridan un titre — « My Bonnie » — que les premiers fans cherchent en
vain à acheter dans la boutique de disques de Brian Epstein à
Liverpool. Intrigué, celui-ci déniche le groupe dans un club, la
Cavern. Séduit, il devient leur manager et l’artisan principal de leur
succès ; il les présente ainsi à George Martin, un producteur du label
EMI qui va orienter et définir leur son et les accompagner de 1962 à
1970 — on le surnomme, non sans raisons, le « cinquième Beatles ». Avec
l’arrivée de Ringo Starr, le groupe de légende est au complet.
Les Beatles rentrent en studio le 11 septembre 1962 pour enregistrer «
Love Me Do » et « P.S. I Love You ». Avec « Please, Please Me »
(bientôt suivi d’un album éponyme), « She Loves You », « I Want To Hold
Your Hand » et « From Me To You » (trois titres qui atteignent le
sommet des hit-parades en 1963), le groupe déchaîne les passions dans
son pays. Il donne bientôt son premier concert devant la famille
royale. C’est la naissance de la « Beatlemania » : les disques se
vendent à plusieurs milliers d’exemplaires et les concerts provoquent
des crises d’hystérie.
En février 1964, les Beatles débarquent à New York où les attend une
foule de fans au bord de l’émeute. Leur prestation au Ed Sullivan Show
est regardée par 75 millions de spectateurs et leur tournée de concerts
draine des foules considérables dans chaque ville. Cette brèche dans le
marché de la musique populaire américaine est baptisée British Invasion
(soit « invasion britannique ») et ouvre la voie aux autres groupes
britanniques, tels les Animals et les Rolling Stones. Parallèlement, le
groupe devient l’objet d’une intense campagne marketing destinée à
populariser plus encore son image.
Le public américain apprécie au plus haut point les talents de
compositeurs de Lennon et McCartney, deux Anglais qui tirent profit de
tout ce que les États-Unis ont produit de meilleur musicalement :
harmonies vocales typiques des Everly Brothers et des Beach Boys, chant
agressif à la Little Richard et sens de la mélodie qui rappelle l’école
du Brill Building et celle de Tamla Motown (voir musique soul). De
Please Please Me (1963) à Help (1965), leurs albums restituent sous la
forme de compilations de 45 tours le meilleur du rock and roll, de la
pop et de la soul blanche avec une évidence incomparable. Les Beatles
tournent également sous la direction de Richard Lester deux films qui
illustrent leurs deux albums éponymes A Hard Day’s Night (1964) et Help.
En 1965, le quatuor de Liverpool s’investit dans d’épuisantes tournées
à travers le monde qui lui valent une gloire universelle. C’est à cette
période que John Lennon prononce sa phrase demeurée célèbre : « Nous
sommes désormais plus célèbres que le Christ ». L’album Rubber Soul
(1965), plus introspectif et plus raffiné, marque toutefois un
changement de cap ; avec autant de perfectionnisme qu’auparavant, le
groupe, qui n’a (déjà) plus rien à prouver, subtilise sa manière,
introduit de nouveaux instruments (sitar sur « Norwegian Woods ») et
aborde des thèmes inédits. En 1966, les Beatles donnent leurs derniers
concerts en mai à Wembley en Angleterre et en août à San Francisco.
S’ouvre alors une période de mutations où ces musiciens « d’obédience »
pop vont se transformer en artistes complexes, et où le groupe va
basculer de l’unité à une somme d’individualités. La métamorphose est
parachevée par la mort tragique de leur manager, Brian Epstein,
personnalité-clé indissolublement liée aux Beatles de la première
époque.
La rupture est consommée en 1966 avec la parution de Revolver, un album
pleinement en phase avec l’air du temps : il y est question de L.S.D.,
de méditation transcendantale — les Fab Four (surnom désormais admis
des Beatles, contraction de Fabulous Four) suivent l’enseignement du
gourou Maharishi Mahesh, alors maître à penser de George Harrison — et
de réalité politique, l’influence des propos de Bob Dylan se révélant
décisive, surtout pour John Lennon.
En 1967, Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band est le chef-d'œuvre
de pop avant-gardiste que personne n’attendait. L’album donne le ton à
une époque et notamment au mouvement psychédélique (voir mouvement
hippie), avec son patchwork de sonorités électroniques ou insolites
(sitar, orgue de Barbarie, collage de voix) et ses arrangements très
complexes.
Ce sommet est aussi le début de la fin, car la belle unité d’antan se
lézarde. L’album The Beatles (1968), communément appelé « Double Blanc
», en témoigne par sa richesse et sa diversité au goût d’inachevé ;
s’il est considéré comme le dernier véritable album du groupe, cela ne
les empêche pas de sortir à peu près au même moment l’un des plus beaux
45 tours de leur carrière : « Lady Madonna » / « Hey Jude ».
Malgré la création de leur propre maison de disques, Apple, les
tensions au sein du groupe augmentent, chacun travaillant sur des
projets personnels, musicaux et extra-musicaux : dans le cas de John
Lennon, il s’agit de son histoire d’amour haute en couleurs avec une
artiste japonaise d’avant-garde, Yoko Ono. La maison de disques, ses
studios coûteux et hors d’état de fonctionner, de même que la récente
boutique de vêtements londonienne deviennent vite un gouffre financier
auquel il est mis un terme en 1970.
Sorti en 1969, Abbey Road (faubourg de Londres où sont installés leurs
studios), dont la pochette énigmatique a connu depuis sa parution les
plus invraisemblables interprétations relatives à l’implication, la
présence ou l’absence de chacun des musiciens, est le produit d’une
association de circonstance (la seconde face est un long collage de
bouts de chansons), à l’instar du dernier album du groupe, Let It Be
(1970).
Le film Let It Be et sa bande originale (où les rapports désastreux du
groupe éclatent au grand jour) constituent le « chant du cygne » pour
les Beatles, assurément le groupe le plus influent de toute l’histoire
du rock. Chacun des quatre membres entreprend une carrière solo et
connaît des fortunes diverses : Paul McCartney forme le groupe Wings
avec sa femme Linda ; John Lennon se rend célèbre autant par ses
activités d'agitateur politique et ses happenings avec sa femme, que
par ses disques — notamment deux albums très aboutis, Plastic no Band
en 1970 et Imagine en 1971 ; George Harrison se convertit à
l'hindouisme et grave un excellent album (All Things Must Pass, 1970,
remasterisé en 2001) — le guitariste disparaît en 2001 après avoir
enregistré une chanson avec son fils, prélude à la sortie d’un album
posthume (Portrait of A Leg End) regroupant des compositions récentes
et des morceaux écrits dans les années 1980 — tandis que Ringo Starr se
lance dans le cinéma et enregistre des albums en hommage aux vieilles
gloires du jazz. On continue cependant de spéculer sur une éventuelle
reformation du groupe, jusqu'à la mort de John Lennon, assassiné par
l’un de ses fans, le 8 décembre 1980 à New York.
Contrairement aux prévisions des membres du groupe The Clash — « All
that phoney beatlemania has bitten the dust » (soit « cette beatlemania
bidon a mordu la poussière ») —, les Beatles sont toujours l’objet
d’une nostalgie planétaire, comme en témoignent les trois volumes de
leur Anthology vendus à plusieurs millions d’exemplaires et
l’exceptionnel succès de la dernière compilation en date — One (2000) —
regroupant tous leurs numéros un aux hit-parades anglais et américain.