L'homme et l'étranger le regardèrent, haussèrent les épaules, finirent leur thé le plus naturellement du monde et sortirent.
"Laisse-le faire," fit l'étranger en armant son arbalète.
L'homme fit la moue puis voyant le groupe conséquent de personnes s'approchant en titubant dans la longue rue principale, il se ravisa.
Une nouvelle fois ses yeux se fermèrent, son visage redevint blême un instant, son souffle paru s'arrêter comme si tout était figé hors du cours du temps.
Puis il expira à nouveau, peu à peu son visage repris des couleurs et ses yeux se rouvrirent révélant à nouveau leurs couleurs de glace. Il tira deux épées courtes de fourreaux aménagés sur les flancs de sa moto.
« Reste derrière. »
Une trentaine de morts marchaient dans leur direction. L'étranger retint l'homme par l'épaule.
« Attend juste un instant. »
Il fouilla dans un sac et en tira un objet rond, gros comme un petit melon dont il alluma une mèche à l'aide d'un briquet. Il compta lentement jusqu'à dix et lança l'objet dans le groupe se trouvait à une dizaine de mètres.
En retombant au sol, l'objet explosa et embrasa tout ce qui se trouvait alors dans un rayon de cinq mètres autour de son point d'impact.
Les morts, brûlés par les flammes, blessés par le souffle de l'explosion et surpris par cette attaque, marquèrent un temps d'arrêt qui permit à l'homme de plonger sur eux alors qu'ils étaient immobiles.
En quelques instants, ceux qui n'auraient jamais dû quitter le repos éternel l'avaient rejoint brutalement.
L'homme remis ses lames à leur place tourna vers l'étranger.
« Et maintenant ?
- On a plus le choix..., commença l'étranger. De toute façon, je crois que nous ne sommes pas les bienvenus. »
Les villageois les dévisageaient obstinément, serrant toute une panoplie d'armes plus ou moins improbables contre leur poitrine - pioches, haches, fourches, masses, rouleaux à pâtisserie, couteaux, fourchettes, petites cuillères, et caetera...
« Effectivement... » L'homme leva les yeux au ciel. « Quelle heure est-il ?
- Environ 18 heures.
- Le soleil va décliner rapidement à présent et avec les nuages, ils ne le craignent déjà plus.
- Tu penses qu'ils vont se déplacer ici ?
- Je ne pense pas, je vois, » répondit l'homme en indiquant les deux personnes habillées de long manteau noir qui s'approchaient.
« Un chacun, ce serait jouable si les villageois n'étaient pas là. Ils vont se faire exterminer.
- Il faudrait les faire rentrer dans l'église, répliqua l'étranger.
- Pas la peine, ils y courent. »
Les villageois fuyaient effectivement de manière désordonnée vers l'établissement religieux.
L'homme et l'étranger leur emboîtèrent le pas et entrèrent in extremis dans la massive salle de prière.
Instinctivement, selon une méthode bien rodée, ils attrapèrent le premier banc et le placèrent contre la porte afin de la condamner quelque temps.
Remis de leurs surprises, les villageois firent de même avec les deux portes latérales. Puis l'un d'eux courut bloquer l'entrée de la sacristie. Il s'arrêta sur le pas de la porte qui y donnait et poussa un cri de frayeur.
Immédiatement, les deux compères s'élancèrent.
Le villageois pointait du doigt l'intérieur de la pièce, incapable de parler. L'homme l'écarta sans ménagement tandis que l'étranger plongeait dans la sacristie arbalète en main.
Un corps y gisait, décapité, un pied de chaise plantées dans le coeur. L'homme inspecta sommairement l'endroit tandis que l'étranger étudiait rapidement le cadavre.
« C'en est un, dit-il en se relevant.
- Il nous suit donc toujours, de loin ? grogna l'homme.
- Toujours semble-t-il, murmura l'autre en le voyant perdu dans ses pensées.
- Le Perse pense qu'il est simplement comme nous et qu'il nous suit pour trouver des proies.
- C'est vraiment ce qu'il a dit ? questionna l'étranger en fouillant la dépouille.
- J'ai simplifié, » répondit l'autre.
L'étranger leva les yeux et sourit. S'ils n'avaient été des ennemis ancestraux, l'association unique de ces deux spécialistes aurait pu faire d'eux l'un des personnages les plus importants de l'Histoire. Mais le destin est rageur et sans tomber, vaincu par un héros, la pointe au coeur, ils s'étaient totalement détachés de leur temps. Pour son plus grand plaisir, néanmoins, car il était indubitablement plus sur de voyager avec eux que seul. Il admirait ainsi celui qui les suivait car ils n'avaient jamais réussis à le prendre il les avait souvent sortis d'un certain nombre de mauvais pas par une action chirurgicale et décisive.
« Comme ce soir, » songea-t-il.
Cette affirmation le troublait à chaque fois qu'il y pensait. Il semblait disposer à chaque rencontre d'un coup d'avance, comme s'il était au-dessus de la mêlée, comme s'il savait à l'avance où le bât blesserait.
La porte était close. Ils s'assurèrent de sa solidité et la renforcèrent de quelques bancs. Ce fut alors que les villageois crièrent...