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Titre du blog : Littérature assassine...
Auteur : LazloSprand
Date de création : 23-11-2008
 
posté le 01-10-2011 à 16:32:03

Nouvelle été 2011 partie 2

Ils se réveillèrent dans une chambre sale et poussiéreuse, emplie d’affaires défraîchies et présentement inutilisables à moins de passer pour rien la crasse antédiluvienne qui les caractérisait au plus haut point. Une rame de métro passa en trombe à une vingtaine de mètre de la fenêtre faisant trembler légèrement la vitre mais il n’entendit rien.

« Silencieux ton appart, on en oublierait le métro.

-Je l’ai fait insonoriser mieux qu’un studio, comme ça les voisins me laissent tranquille.

- Le bruit ?

- Non, les odeurs.

- T’es super crade quand on y pense.

- Merci du compliment.

- On se lève ?

- T’as un truc à faire ?

- Trouver du boulot, un club où jouer ou un truc dans le genre…

- Du boulot, ce n’est pas la peine pour l’instant, aucune boîte ne te prendra, un club, reconnaissons-le, t’es un has-been sans chanson, sans groupe et sans expérience de la scène depuis une éternité.

- Que n’ai-je écrit mes propres titres quand je partageais mes talents entre Paul McCartney, Mickael Jackson et Sting, fit-il avec un air affligé à moitié ironique.

- « On ne vit plus son passé, seulement les lambeaux de futurs que l’on a la force de se bâtir » disait mon père quand mon bulletin était mauvais et que ma mère me forçait à dire que j’aurais pu faire mieux.

- Fin psychologue en définitive.

- Ouais, j’ai quand même quitté l’école à dix-sept ans sans que ça lui pose de problème de conscience et je suis parti de la maison à dix-huit pour revenir à New York sans qu’il ne me fasse le moindre commentaire…

- Vrai ?

- Bon, je suis parti à minuit, un soir d’orage en descendant la gouttière qui passait le long du mur de la maison à côté de la fenêtre de ma chambre en emportant un jean, deux chemise, un pull, deux paires de chaussettes et un caleçon en plus de ce que je portais, mes économies et un harmonica avec ma carte d’identité et mon diplôme de fin d’étude.

- Comment t’as fait le chemin ?

- Avec ma moto que j’ai d’abord poussée pendant près d’un kilomètre avant d’être sûr que personne ne m’entendrai démarrer.

- Légèrement stressé le môme, dis-moi.

- J’aurais voulu-t-y voire, entre un père ancien militaire rentré handicapé du Viêt-Nam et une mère qui fait plus d’heures au boulot que tout le reste de l’entreprise réuni, le seul point commun entre les deux, c’était qu’ils adoraient passer de bonne nuit de sommeil. »

            Il se releva, s’assit sur le bord du lit puis écarta la couette et se passa ses grandes mains calleuses sur son long visage endormi. Le ciel gris et froid de ce mardi matin poussait à croire que le soleil ne considèrerait pas nécessaire de se lever complètement pour déchirer les moutonneux nuages qui couvraient le cadran d’or de la montre rond traversant le jour dans sa lente course quotidienne. Mick ouvrit la fenêtre et cracha dans la ruelle sombre, il chercha dans un pantalon jeté à ses pieds et tira un paquet de cigarette dont il en prit une et un briquet.

            Il était étrangement beau à cet instant, torse nu, seulement vêtu d’un vieux caleçon qui avait été noir dans une autre vie. Sa barbe noire et ses cheveux long le faisait un peu sembler à un Jim Morrison bouffi par l’alcool, le chagrin et la drogue.

« Tu penses trop Mick, dit-il en allumant aussi une cigarette et en se versant un verre de rhum. Regarde ce ciel, à quoi te fait-il penser ?

- A un ciel gris…

- Et pourquoi pas à un blues. Quelque chose commeça :

« The sun is walking up in the sky,

City’s still sleeping when I go.

I love this sadness feeling,

Like if I come to war.

And now I’m on the road again

Keeping my eyes in the blue sky,

And my dreams in my hearth.

« The days and the nights, going down,

My hands catch the wind and I’m free

And I laugh and I sing to God

Or the others : the times change.

And now I’m on the road again

Keeping my eyes in the blue sky,

And my dreams in my hearth.

 

« But the world changes and you no,

And the system forgets rules,

And rules know the end of this :

Just a beginning of a new start.

And now I’m on the road again

Keeping my eyes in the blue sky,

And my dreams in my hearth. »

- En fonction de ce que nous pensons voir dans le monde qui nous entoure, nos réactions et nos interactions avec celui-ci sont évidemment différentes et notre art l’est tout autant, Mick.

- En fonction de tout ce que nous vivons, notre art diffère, cela a toujours été et cela sera toujours. Je t’accorde que le texte est écoutable mais qu’est-ce que tu comptes jouer derrière ? Un blues en si ?

- En ré, je pense, un peu sur le modèle d’une bossa.

- C’est ça ton idée géniale ? Une bossa ? Avec un texte digne d’un blues ? Je crois mon vieux que tu as définitivement atteint un stade où il n’y a plus qu’une chose qu’il convienne de faire : se restaurer… »

            Parvenir à composer un semblant de petit déjeuner dans la cuisine dérangée par un ouragan de désordre et de mauvaises habitudes, empestant la crasse et la vinasse vinaigrée, releva du travail d’Hercule, le récit homérique en moins et le gin en plus. Des toasts grillés jusqu’à la moelle et des bières conservées au chaud dans un frigidaire débranché depuis longtemps en furent d’ailleurs les éléments centraux. Parler de petit déjeuner était de toute façon quelque peu exagéré compte tenu du fait que le charbon sur lequel ils tentaient d’étaler un peu de beurre leur restait en grande partie entre les doigts et que les aliments comestibles et consommables conservés par Mick dans ses réserves étaient pour la plupart à l’état de liquide et comprenaient, pour une bonne majorité, une forte teneur en alcool. Ils durent se rendre rapidement à l’évidence que si déjeuner il devait y avoir, cela ne se pourrait qu’à l’express condition ou de faire des courses ou de se rendre dans un service de restauration quelconque.