Dame
du ciel, régente terrienne,
Emperière des infernaux
palus,
Recevez-moi, votre humble chrétienne,
Que comprise soie
entre vos élus,
Ce nonobstant qu'oncques rien ne valus.
Les
biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse
Sont bien plus grands que
ne suis pécheresse,
Sans lesquels biens âme ne peut
mérir
N'avoir les cieux. Je n'en suis jangleresse :
En cette
foi je veuil vivre et mourir.
A votre Fils dites que je suis
sienne ;
De lui soient mes péchés absolus ;
Pardonne moi
comme à l’Égyptienne,
Ou comme il fit au clerc
Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien
qu'il eût au diable fait promesse
Préservez-moi de faire jamais
ce,
Vierge portant, sans rompure encourir,
Le sacrement qu'on
célèbre à la messe :
En cette foi je veuil vivre et
mourir.
Femme je suis pauvrette et ancienne,
Qui riens ne
sais ; oncques lettres ne lus.
Au moutier vois, dont suis
paroissienne,
Paradis peint, où sont harpes et luths,
Et un
enfer où damnés sont boullus :
L'un me fait peur, l'autre joie
et liesse.
La joie avoir me fais, haute Déesse,
A qui pécheurs
doivent tous recourir,
Comblés de foi, sans feinte ne paresse
:
En cette foi je veuil vivre et mourir.
Vous portâtes,
digne Vierge, princesse,
Jésus régnant qui n'a ni fin ni
cesse.
Le Tout-Puissant, prenant notre faiblesse,
Laissa les
cieux et nous vint secourir,
Offrit à mort sa très chère
jeunesse ;
Notre Seigneur tel est, tel le confesse :
En cette
foi je veuil vivre et mourir.
François VILLON