Le
soleil du matin commençait sa carrière,
Je
vis près du rivage une barque légère
Se
bercer mollement sur les flots argentés.
Je
revins quand la nuit descendait sur la rive :
La
nacelle était là, mais l'onde fugitive
Ne
baignait plus ses flancs dans le sable arrêtés.
Et
voilà notre sort ! au matin de la vie
Par
des rêves d'espoir notre âme poursuivie
Se
balance un moment sur les flots du bonheur ;
Mais,
sitôt que le soir étend son voile sombre,
L'onde
qui nous portait se retire, et dans l'ombre
Bientôt
nous restons seuls en proie à la douleur.
Au
déclin de nos jours on dit que notre tête
Doit
trouver le repos sous un ciel sans tempête ;
Mais
qu'importe à mes vœux le calme de la nuit!
Rendez-moi
le matin, la fraîcheur et les charmes ;
Car
je préfère encore ses brouillards et ses larmes
Aux
plus douces lueurs du soleil qui s'enfuit.
Oh
! qui n'a désiré voir tout à coup renaître
Cet
instant dont le charme éveilla dans son être
Et
des sens inconnus et de nouveaux transports !
Où
son âme, semblable à l'écorce embaumée,
Qui
disperse en brûlant sa vapeur parfumée,
Dans
les feux de l'amour exhala ses trésors !
Gérard de Nerval