Paris
a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la
rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout
debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé
aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C'est
l'air pur c'est le feu
C'est la beauté c'est la bonté
De ses
travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant
d'une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de
ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris
ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme un épée
Ingénue
et savante
Tu ne supportes pas l'injustice
Pour toi c'est le
seul désordre
Tu vas le libérer Paris
Paris tremblant comme
une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la
fatigue et la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes
pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien éléves
Un rayon
s'allume en nos vies
Notre lumière nous revient
Les meilleurs
d'entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve
notre coeur
Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris
La
pointe de la déliverance
L'espace du printemps naissant
La
force idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S'ils ont
compris
S'ils sont capables de comprendre
Vont se lever.
Paul Eluard
paru en 1944 dans le recueil Au rendez-vousallemand