Claude,
si la guerre incertaine
Un de ces beaux matins m'emmène
Les
pieds devant,
N'écris pas mon nom sur la terre
Je souhaite que
ma poussière
S'envole au vent.
Pas
d'étendard avec ma chiffe
Que l'officiel et le pontife
Taisent
leur bec;
Vous-mêmes, ce matin d'épreuve,
Mes trois enfants,
et toi ma veuve
Gardez l’œil sec.
Pas
un regret ne m'importune.
Je suis content de ma fortune.
J'ai
bien vécu.
Un homme qui s'est rempli l'âme
De trois enfants
et d'une femme
Peut mourir nu.
Veux-tu
que mon ombre s'égaie
Qu'un canot à double pagaie
Porte mon
nom,
Qu'il ait un mât, voile latine,
Le nez léger, l'humeur
marine
Et le flanc blond.
Tu
sais comment j'aimais la vie.
Je détestais la jalousie
Et le
tourment.
Si les morts ont droit aux étrennes
Je veux qu'au
bout de l'an tu prennes
Un autre amant.
Jean Prévost