Ce
cœur qui haïssait la guerre
Voilà qu'il bat pour le combat et
la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu'au rythme des marées, à
celui des saisons,
À celui des heures du jour et de la
nuit,
Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines
Un
sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu'il mène un tel
bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent
Et qu'il n'est
pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la
campagne
Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au
combat.
Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les
échos.
Mais
non, c'est le bruit d'autres cœurs, de millions d'autres
cœurs
Battant comme le mien à travers la France.
Ils battent
au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit
est celui de la mer à l'assaut des falaises
Et tout ce sang porte
dans des millions de cervelles un même mot d'ordre :
Révolte
contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur
haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul
mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des
millions de Français se préparent dans l'ombre
À la besogne que
l'aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la
guerre battaient pour la liberté
Au rythme même des saisons et
des marées,
Du jour et de la nuit.
Robert Desnos