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Titre du blog : Littérature assassine...
Auteur : LazloSprand
Date de création : 23-11-2008
 
posté le 16-01-2015 à 15:44:34

Actualité Juridique droit des biens

La notion de bien

Traditionnellement, le bien est défini comme une chose susceptible d’appropriation. Or la propriété, selon une analyse classique, ne pourrait avoir pour objet que des choses corporelles. Partant, la notion apparaît en décalage avec l’évolution des richesses, qui se dématérialisent. Elle souffre même d’un regrettable paradoxe : alors qu'en sont exclus les droits au même titre que les choses incorporelles, le corps humain, en raison de sa parenté avec les autres corps, tend à y être inclus. C’est pourquoi la notion de bien devait être repensée.

Aujourd’hui, l’utilité économique est souvent présentée comme le caractère essentiel du bien. Toutefois, cette conception conduit à ne mettre l’accent que sur l’intérêt du bénéficiaire de cette utilité. Or, s'il est certain que le bien représente une source d'avantages pour son titulaire, il intéresse également les tiers. La notion – juridique – de bien, se distingue ainsi de celle – économique – d’actif, qui désigne l’ensemble des sources de richesses dont une personne a la maîtrise, par sa fonction : tout bien est le gage commun des créanciers de son bénéficiaire. Deux types de rapports doivent par conséquent être pris en considération pour rendre compte de la notion : un rapport « interne », entre le bien et son titulaire ; un rapport « externe », entre les biens et les créanciers de celui-ci. Le bien est une chose qui a été soustraite à l’usage collectif pour être attribuée en propre à une personne. Mais il peut ensuite lui être retiré, sur l’initiative de ses créanciers, lorsqu’elle n’exécute pas ses obligations à leur égard.

Élément du patrimoine d’une personne, le bien doit donc être défini comme une chose appropriée et saisissable.

Extrait de La notion de bien, de Pierre Berlioz



Texte : article 815-5-1 du Code Civil créé par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009

La loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification du droit contient des innovations dans des domaines très variés (fiducie, procédure civile, organisation judiciaire …). Elle intéresse également le droit patrimonial, à travers le nouvel article 815-5-1 du Code civil relatif à l’indivision. Le texte s’inscrit dans la volonté constante du législateur, déjà très visible dans la loi du 23 juin 2006, d’assouplir la gestion des biens indivis. Cette fois, l’assouplissement ne concerne pas l’aliénation volontaire d’un bien, mais son aliénation judiciaire. Ainsi, on sait que même après la réforme de 2006, la vente d’un immeuble, par exemple, ne peut être volontairement accomplie qu’à l’unanimité : il suffit donc qu’un seul indivisaire, fût-il extrêmement minoritaire, s’oppose à la vente pour que celle-ci ne puisse avoir lieu. C’est pourquoi le texte prévoit que l’aliénation d’un bien indivis peut être autorisée par le tribunal de grande instance à la demande des indivisaires représentant la majorité des deux tiers des droits indivis, suite à un procès-verbal de difficulté établi par notaire. Toutefois, cette possibilité est exclue en cas de démembrement de la propriété, ou encore si l’un des indivisaires se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 836 du Code civil. Pour le reste, le critère permettant au juge d’autoriser l’aliénation est extrêmement souple : aucun péril pour l’intérêt commun n’est à prouver, conformément à l’article 815-5 du Code civil. Il suffit d’établir que l’aliénation ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires. L’assouplissement ainsi réalisé est très perceptible.



Cass. 3ème civ., 15 février 2012 (pourvoi n° 10-22.899).

Mots-clés : droit de propriété – servitude de tour d’échelle – abus du droit de propriété – voisinage – droit de passage.

Commentaire : un propriétaire avait pris la décision d’effectuer quelques travaux sur la toiture de son pavillon. Il a demandé l’autorisation en mairie d’installer une nacelle sur la voie publique pour accéder à son toit. Ayant essuyé un refus, le maître d’œuvre s’est tourné vers son voisin pour que ce dernier l’autorise à installer un échafaudage sur son fonds. Celui-ci a également refusé. Le maître d’œuvre a alors assigné le propriétaire voisin afin d’obtenir l’autorisation judiciaire d’installer l’échafaudage litigieux le temps des travaux sur la propriété du défendeur. Les juges du fond ont fait droit à cette demande. Un pourvoi a été formé contre cette décision. Le demandeur a critiqué l’arrêt de la cour d’appel au motif qu’il existait d’autres moyens permettant d’accéder au toit à réparer et que leur coût excessif ne pouvait justifier l’autorisation judiciaire de passer sur son fonds.

La Haute juridiction a rejeté le pourvoi. Elle considère que la cour d’appel ayant constaté le refus de la mairie d’installer la nacelle sur la voie publique et le coût disproportionné des moyens alternatifs d’accéder à la toiture du maître d’œuvre, elle a pu en déduire que le propriétaire voisin ne pouvait refuser au maître d’œuvre l’autorisation d’installer l’échafaudage sur son fonds sans commettre un abus de droit.

Le législateur n’a pas prévu de servitude permettant à un propriétaire d’accéder temporairement au fonds voisin pour effectuer des travaux sur son propre fonds. Juridiquement, cette autorisation, lorsqu’elle est accordée, s’analyse comme une tolérance, c’est-à-dire un fait qui ne permet pas au bénéficiaire de l’autorisation de réclamer le bénéfice ultérieur d’un droit de passage sur le fonds. Cette tolérance porte mal son nom puisqu’on la qualifie de servitude de tour d’échelle. On en déduit qu’un propriétaire peut, sans se justifier, refuser cette autorisation en raison du pouvoir d’exclure quiconque de sa propriété. C’est ici que l’arrêt dévoile tout son intérêt car la Cour de cassation semble reconnaître qu’un tel refus pourrait, en soi, constituer un abus du droit de propriété. L’abus est une notion à coloration subjective ; il est conditionné à l’existence d’une intention de nuire du propriétaire. Or en l’espèce, rien ne permet d’étayer cette intention de nuire. Au contraire, on devine les désagréments occasionnés par l’installation de l’échafaudage litigieux et on comprend ainsi l’utilité pour le propriétaire de refuser le passage sur son fonds. Certes, l’abus du droit de propriété est une notion jurisprudentielle. Mais en ce qu’elle consacre une limite au droit du propriétaire, il appartient au juge d’en fixer clairement le domaine. L’arrêt rapporté entretient le doute en faisant reposer l’abus du droit de propriété sur le seul préjudice subi par le maître d’œuvre.

Précédent jurisprudentiel : rapprocher de Cass. 3ème civ., 15 avril 1982, Bull. civ. III, n° 93.


Cons. constit. 30 septembre 2011 (décision n° 2011-169 QPC)

Mots-clés : propriété – expulsion – droit au logement – dignité humaine – droit une vie familiale normale.

Commentaire : l’article 544 C. civ. qui définit la propriété privée est-il conforme aux droits et libertés garantis par les textes à valeur constitutionnelle ? Telle est la question à laquelle le Conseil constitutionnel a dû répondre dans sa décision du 30 septembre 2011. L’article 544 C. civ. échappe aux fourches caudines de l’abrogation puisqu’il est déclaré conforme à la Constitution. L’argumentation des requérants n’a donc pas convaincu le Conseil. Selon eux, la possibilité accordée au propriétaire d’expulser un occupant sans titre (fondée sur le caractère absolu du droit de propriété visé à l’art. 544 C. civ.) portait atteinte au droit au logement, au droit de mener une vie de famille normale et à la dignité humaine qui constituent autant de droits et libertés fondamentales à valeur constitutionnelle. Mais le Conseil, sans réelle surprise, n’adhère pas à l’argumentation développée, et ce, pour au moins deux raisons. En premier lieu, les procédures d’expulsion sont déjà très encadrées par la loi qui prévoit de nombreuses restrictions au droit de propriété pour garantir les droits fondamentaux invoqués dans la question. Il suffit de mentionner la période annuelle au cours de laquelle l’expulsion n’est pas possible connue sous le nom de « trêve hivernale » pour s’en rendre compte. En second lieu, ajouter d’autres limites au droit de propriété, c’est prendre le risque, pour le législateur, de porter une atteinte au droit de propriété d’une telle gravité qu’elle dénature le sens et la portée de ce droit. Or tel est le critère qui permet au Conseil constitutionnel de défendre la propriété garantie, au-delà de l’art. 544 C. civ., par les art. 2 et 17 DDHC (que le Conseil n’oublie pas de rappeler dans la décision annotée) contre les atteintes à ce droit, fût-elles motivées par la promotion d’autres droits à valeur constitutionnelle. On comprend ainsi pourquoi l’art. 544 C. civ. n’a pas chancelé devant le contrôle de constitutionnalité effectué par les neuf sages.

Précédent jurisprudentiel : Cass. civ. 3ème, 30 juin 2011, QPC n° 11-40017.



CEDH 11 octobre 2011, Henri Helly et a. c/ France (requête n° 28216/09).

Mots-clés : propriété – expropriation – indemnité – montant.

Commentaire : la décision de la CEDH vient clore l’épopée judiciaire mettant en scène la grotte Chauvet. Tout commence en 1997 lorsque les propriétaires de cette grotte sont expropriés pour cause d’utilité publique. Considérant que l’indemnité qui leur a été allouée en contrepartie est sans commune mesure avec la valeur considérable de la grotte, ils décident d’en contester le montant en justice. Après avoir épuisé toutes les voies de recours internes, les propriétaires mécontents portent l’affaire devant la CEDH. Selon eux, la France a violé l’article 1er du 1er protocole additionnel à la CESDH qui garantit à chacun le droit au respect de ses biens. On sait que la CEDH a fait de ce texte la clef de voûte de la protection de la propriété privée. Selon la Cour, les atteintes à la propriété privée ne sont valables que si elles sont motivées par un but d’intérêt général et qu’elles ménagent un juste équilibre entre cet intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu, en l’occurrence : le droit de propriété. Dans l’affaire de la grotte Chauvet, il eut été difficile de contester l’intérêt général ayant motivé l’expropriation. En effet, la Cour a déjà eu l’occasion d’indiquer que la sauvegarde du patrimoine culturel suffisait à donner corps à l’utilité publique fondant l’expropriation (voir notam. CEDH 19 février 2009, Kozacıoğlu c/ Turquie [GC], no 2334/03). Il ne restait alors que le juste équilibre entre l’intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu aux requérants pour obtenir la condamnation de la France. Cet équilibre est réalisé, en matière d’expropriation, par une indemnisation du propriétaire en rapport avec la valeur du bien exproprié. A cet égard, la Cour rappelle une chose importante : l’indemnité versée n’a pas vocation a réparer l’intégralité du préjudice subi par le propriétaire exproprié. Les Etats bénéficient d’une marge de manœuvre pour fixer l’indemnité (voir notam. CEDH 11 avril 2002 Lallement c/ France, n46044/99) ; il faut, mais il suffit, qu’elle soit raisonnablement en rapport avec la valeur du bien. Après avoir relevé les différents éléments pris en considération par le juge de l’expropriation français pour fixer l’indemnité due aux propriétaires de la grotte litigieuse, la CEDH considère que la France n’a pas outrepassé la marge d’appréciation laissée aux Etats membres. La requête est en conséquence déclarée irrecevable.

Précédent jurisprudentiel : Cass. civ 3ème, 20 décembre 2000, inédit.


Cass. 1ère civ., 12 janvier 2011 (pourvoi n° 09-17.298)

Mots-clés : indivision – usufruit – nue-propriété – droits différents sur le bien.

Commentaire : suite au décès de son époux, une femme récupère une partie du patrimoine du de cujus en pleine propriété et une partie en usufruit. La nue-propriété de cette seconde partie échoit à son fils. La femme fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Le liquidateur demande le partage de l’indivision afin d’individualiser les biens appartenant à la femme. Les juges du fond rejettent la demande au motif qu’usufruitier et nu-propriétaire ne peuvent être en indivision puisque, selon la cour d’appel, l’usufruit est un droit personnel. Un pourvoi est formé contre cette décision. La Cour de cassation censure l’arrêt des juges du fond. La réaction de la Cour de cassation ne saurait surprendre. L’usufruit est un droit réel, mais cette correction est insuffisante pour comprendre la décision. Il est de jurisprudence constante que l’usufruitier et le nu-propriétaire ne sont pas en indivision car ils n’ont pas des droits de même nature sur la chose : le premier a l’usus et le fructus, le second l’abusus (voir notamm. Cass. civ. 1ère 25 nov. 1986, Bull. I, n° 282). Mais si une personne est propriétaire d’une partie d’un patrimoine et usufruitière de l’autre partie du patrimoine, alors il existe nécessairement une indivision. En effet, le nu-propriétaire de la partie du patrimoine dont l’usufruit est concédé partage la nue-propriété de la totalité du patrimoine avec l’usufruitier, non pas pris en sa qualité d’usufruitier, mais de plein propriétaire de l’autre partie du patrimoine. La raison est simple : la pleine propriété est constituée de la nue-propriété et de l’usufruit. La nue-propriété de tout le patrimoine est donc en indivision entre le nu-propriétaire d’une partie de ce patrimoine et le plein propriétaire de l’autre partie de ce patrimoine. Or les indivisaires peuvent toujours provoquer le partage. Le droit de provoquer le partage que reconnaît ici la Cour de cassation a été consacré à l’occasion de la loi du 23 juin 2006 ayant réformé les successions. Aujourd’hui, l’article 819 C. civ. prévoit en effet : « celui qui est pour partie plein propriétaire et qui se trouve en indivision avec des usufruitiers et des nus-propriétaires peut user des facultés prévues aux articles 817 et 818 ».

Précédent jurisprudentiel : Cass. 1ère civ., 6 février 1996, pourvoi n° 94-12.085.



Cass. 3ème civ., 30 juin 2010 (pourvoi n° 09-16257)

Mots-clés : propriété – empiètement – coupe des arbres qui empiètent sur le fonds voisin – droit imprescriptible – abus du droit de propriété (non).

Commentaire : un propriétaire demande en justice l’élagage des arbres de son voisin, car ceux-ci avancent sur son fonds. La cour d’appel le déboute de sa demande au motif qu’il ne pouvait ignorer, lorsqu’il a acquis le fonds, qu’il se trouvait dans un environnement arboré dans lequel l’objectif était la valorisation d’un site boisé ; qu’en conséquence, le propriétaire demandeur ne peut, sans faire dégénérer son action en abus du droit de propriété, demander l’élagage des arbres litigieux. La Cour de cassation censure la décision au visa de l’article 673 C. civ., lequel prévoit que « celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent ». La propriété est un droit exclusif. Autrement dit, il confère, par essence, la possibilité pour le propriétaire d’exclure tous les tiers. En ce sens, l’action destinée à faire cesser un empiètement ne peut jamais dégénérer en abus, quelle que soit la nature ou l’étendue de l’empiètement. De la même manière, la sanction n’est pas laissée à la libre appréciation du juge. Si la destruction de la construction empiétant sur le terrain voisin ou l’élagage des arbres dont les branches empiètent sur le terrain voisin est demandé par le propriétaire de ce terrain, le juge est obligé d’y faire droit. A défaut, il validerait un cas d’expropriation pour cause d’utilité privée. Le propriétaire dont les arbres empiètent sur le fonds voisin serait autorisé à maintenir les choses en l’état moyennant le versement d’une indemnité au propriétaire du fonds victime de l’empiètement.



Cass. 1ère civ., 12 mai 2010 (pourvoi n° 09-65.362)

Mots-clés : indivision – construction bâtie par un indivisaire – défaut de consentement des autres indivisaires – possibilité d’obtenir la démolition de la construction litigieuse.

Commentaire : une personne bâtit une construction sur une parcelle lui appartenant. Cette construction empiète sur la parcelle voisine qui appartient au constructeur en indivision avec d’autres personnes. Les indivisaires non-constructeurs demandent en justice le paiement d’une  indemnité d’occupation et la démolition de la construction litigieuse. Dans un arrêt infirmatif, la cour d’appel les déboute de leurs demandes aux motifs, concernant l’indemnité d’occupation, que la parcelle indivise n’étant pas louée, l’empiètement n’a privé l’indivision d’aucun revenu ; concernant la démolition, les juges du fond estiment qu’elle est « prématurée » car la validité de l’acte (la construction) dépend du résultat du partage. L’indivisaire constructeur peut être attributaire de la parcelle sur laquelle le bâtiment empiète. Le partage étant un acte déclaratif, la construction peut être rétroactivement validée. La décision est censurée par la Cour de cassation. L’arrêt est intéressant en ce qu’il rappelle deux points importants du régime de l’indivision.

Tout d’abord, la Haute juridiction décide, au visa de l’article 815-9 al. 2 Code civil, que l’indemnité d’occupation n’est pas conditionnée à la location du bien indivis. Aux termes du texte visé, elle est due dès l’instant où l’un des indivisaires jouit privativement de la chose indivise, car elle correspond à la privation des richesses que le bien aurait pu produire si l’un des indivisaires n’en avait pas jouit seul.

Ensuite, la Cour de cassation affirme, au visa de l’article 815-9 al. 1er Code civil, que tout indivisaire non-constructeur peut agir en démolition. La solution est commandée par la nature même de l’indivision. Tous les indivisaires ont le même droit sur le bien indivis, un droit de propriété. L’un des indivisaires ne peut se comporter en propriétaire exclusif sans inéluctablement porter atteinte aux droits des autres indivisaires. S’il est porté atteinte à ce droit, l’indivisaire peut certainement, et sans attendre, faire sanctionner la faute de l’indivisaire constructeur. Or le meilleur moyen de réparer le préjudice subi par les indivisaires est une sanction en nature leur assurant une jouissance égalitaire : la démolition de la construction litigieuse.

Précédent jurisprudentiel : Cass. 3ème civ., 9 mars 1994, Bull. Civ. III, n° 48.



Cons. const. 12 novembre 2010 (décision n° 2010-60 QPC)

Mots-clés : propriété – mitoyenneté – cession forcée de la propriété – expropriation pour cause d’utilité privée (non).

Commentaire : l’article 661 Code civil prévoit : « Tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la dépense qu'a coûté la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. La dépense que le mur a coûté est estimée à la date de l'acquisition de sa mitoyenneté, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve ». Estimant cette disposition non conforme à la Constitution française en ce qu’elle organise une expropriation pour cause d’utilité privée (contraire aux art. 2 et 17 DDHC), un justiciable a entamé une procédure destinée à contrôler la constitutionnalité du texte litigieux. La Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel le 15 septembre 2010. Le Conseil constitutionnel a jugé l’article 661 Code civil conforme à la Constitution française. Il considère tout d’abord que ce texte ne prive pas le propriétaire de son droit de propriété, mais confère au mur mitoyen la qualité de bien indivis (appartenant à deux propriétaires distincts). En conséquence, le propriétaire initial du mur exerce encore tous les attributs de la propriété. Ensuite le Conseil constitutionnel estime que les restrictions dans l’exercice des attributs de la propriété résultant de la mitoyenneté du mur sont justifiées par un motif d’intérêt général (la paix des voisins), proportionnées à l’objectif poursuivi et entourées de garanties de fond et de procédure. Ces garanties prennent notamment la forme d’une indemnité devant être versée par le propriétaire du fonds joignant le mur. Cette indemnité correspond à la moitié du coût du mur.



Cass. 3ème Civ., 3 mars 2010 (pourvoi n° 08-19.108)

Mots-clés : droit de propriété – limites – abus de droit – principe de précaution

Commentaire : Les propriétaires d’un terrain situé à proximité d'une source d'eaux minérales naturelles font réaliser un forage pour l'arrosage de leur jardin. La société d’économie mixte qui exploite cette source, et qui craint que cet ouvrage n’entraîne un risque de pollution, les assigne en fermeture du forage.

Cette affaire est intéressante à deux titres distincts. Tout d’abord, la Cour de cassation vérifie que l’usage fait de son terrain par un propriétaire ne contrevient pas aux dispositions ayant consacré le principe de précaution (article L 110-1, II, 1° C. de l’environnement). En l’espèce, les conditions d’application du principe de précaution n’étaient pas réunies. Néanmoins, en procédant à cette vérification, la Haute juridiction avertit les propriétaires qu’aux côtés de l’abus de droit et des troubles anormaux du voisinage notamment, une nouvelle limite affecte les pouvoirs du propriétaire. Celle-ci résultant de la loi, elle s’inscrit dans la limite édictée à l’article 544 C. civ. : la propriété est le pouvoir le plus absolu sous réserve que l’on n’en fasse pas un usage contraire aux lois et règlements.

Ensuite, la Cour de cassation rappelle les conditions de l’abus de droit : faute d’intention de nuire, dont l’inutilité de l’usage de son terrain par le propriétaire incrimine peut être un indice, il n’y a pas abus de droit.



Cass. Com., 31 mars 2009 (pourvoi n° 07-20.219)

Mots clés : usufruit et trust

Commentaire : Même si l’arrêt a pour l’essentiel un intérêt fiscal, qui ne sera pas développé ici, il contient des enseignements de droit patrimonial qui méritent d’être soulignés. Etait en cause la constitution d’un trust par une américaine conformément à la législation de New-York. A son décès, le fisc français s’est plaint de ce que le portefeuille de valeurs mobilières du trust n’ait pas fait été déclaré au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune. Afin d’y échapper, les héritiers ont fait valoir que le constituant transfère, dans le cadre d’un trust, la propriété des biens, de sorte qu’ils ne sauraient être compris dans son patrimoine (ou celui de ses héritiers) soumis à ISF. Ils montraient également que le trust est inconnu du droit français, lequel  ne connaît que la dissociation de la propriété en nu-propriété et usufruit. Dès lors, faute de stipulation expresse du CGI, il n’était pas possible de soumettre le trust à une telle imposition. Mais la Cour de cassation ne se montre pas sensible à un tel argumentaire. Elle considère en effet que le constituant demeurait, du fait des termes de l’acte en cause, propriétaire des biens remis en trust. Elle s’appuie alors implicitement sur les termes de l’article 544 du Code civil, considérant que l’américaine avait « le droit de jouir et disposer » des titres confiés. Etant propriétaire des titres, ceux-ci doivent être compris dans l’assiette de l’ISF. La solution montre la différence qui existe entre le trust, non translatif de propriété, et la fiducie, qui est expressément envisagée comme translative de propriété par le Code civil, même si ce caractère est contesté par certains auteurs.



Cass. Civ. 1re, 28 janvier 2009

Mot clé : indivision

Commentaire : Parce que l’indivision organise une appropriation collective d’un bien ou d’une universalité, il est nécessaire que les indivisaires puissent faire en sorte d’éviter l’entrée d’un étranger en son sein. C’est pourquoi l’article 815-14 du Code civil organise un système de préemption en faveur des indivisaires, lorsque l’un d’entre eux entend céder ses droits dans l’indivision. Le cédant doit alors notifier le projet de cession à ses coindivisaires. L’arrêt montre le formalisme qui s’attache à une telle notification. Ainsi, la Cour d’appel avait considéré que les termes de l’article 815-14 du Code civil avaient été respectés, en ce que l’indivisaire avait, par acte extrajudiciaire, notifié le projet de vente. La décision est censurée par la Cour de cassation : en effet, si les conditions objectives de la vente étaient précisées (prix …), l’identité de l’acquéreur n’avait pas été notifiée. La cession est dès lors nulle. La solution montre l’intuitus personae qui innerve l’indivision, sans doute à raison de son origine essentiellement successorale et familiale.



Cass. Civ. 3ème, 1er avril 2009

Mots clés : servitude et empiètement

Commentaire : L’arrêt rappelle une solution classique, posée notamment en 2001 : une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui. Ainsi, l’octroi d’une servitude de passage ne saurait permettre à son bénéficiaire de construire un escalier qui empiète sur la propriété de son voisin. Le rappel est important, puisque d’aucuns avaient pu considérer que, par un arrêt du 12 mars 2008, la Cour de cassation avait amorcé un revirement de jurisprudence (v. fascicule sur l’indivision). On le voit, il ne fallait pas prêter une telle portée à l’arrêt. La solution traditionnelle est maintenue et la protection de la propriété s’en trouve renforcée.



Cass. Civ. 3ème, 12 mars 2008 (pourvoi n° 07-10.164)

Mots-clés : servitude de surplomb – acquisition par prescription

Commentaire : l’arrêt est important, et ce à deux égards.

Tout d’abord, la Cour de cassation décide qu’une servitude de surplomb sur le fonds voisin peut s’acquérir par prescription trentenaire. Pourtant, le pourvoi rappelait la solution classique selon laquelle une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur le fonds voisin. Cette affirmation ne manquait pas de pertinence, en ce que la jurisprudence sanctionne avec vigueur l’empiètement et que le surplomb réalise un empiètement, fût-il en volume. En effet, il convient de se rappeler que la propriété d’un terrain est en réalité la propriété d’un volume, qui comprend tout ce qui est au-dessous et tout qui est au-dessus. Néanmoins, comme en matière de revendication de la propriété, l’empiètement ne peut plus être sanctionné dès lors que son auteur bénéficie de l’usucapion. Le jeu de la prescription acquisitive interdit la démolition de l’ouvrage : la servitude est acquise. On pourrait même aller plus loin et considérer que ce qui est acquis n’est pas tant une servitude de surplomb qu’une véritable propriété du volume, tant le propriétaire du terrain paraît totalement privé des utilités de cette chose.

Ensuite, le pourvoi faisait valoir que la corniche n’avait qu’une fonction décoratrice, de sorte qu’elle ne présentait pas d’utilité pour un fonds dominant, condition fondamentale de la servitude. Mais la Cour de cassation répond que la corniche faisait partie d’un ensemble architectural cohérent, de sorte que le service présentait un avantage pour l’usage et l’utilité de l’immeuble (cela nous rapproche des critères de l’immobilisation par destination).



Cass. Civ. 3ème, 6 juin 2007 (pourvoi n° 06-15044).

Mots-clés : indivision – servitude par destination du père de famille

Commentaire : En l’espèce, deux époux sont copropriétaires, sous le régime d’une indivision conventionnelle, d’un fonds immobilier. L’époux contracte des dettes, de sorte que syndic chargé de la liquidation de ses biens provoque judiciairement le partage. Le fonds est divisé et vendu en parcelles à des propriétaires différents. L’un d’entre eux, une société civile immobilière, assigne un autre acquéreur en libération du passage dont aurait bénéficié son fonds ainsi qu’en dommages-intérêts.

La cour d’appel de Nancy, par un arrêt du 7 mars 2006, fait droit à cette demande. Elle considère en effet que le fonds appartenant à la société civile immobilière bénéficie d’une servitude de passage sur la propriété du défendeur, quand bien même cette servitude par destination du père de famille a été constituée par une indivision. Mais la solution est sèchement censurée par la Cour de cassation au visa de l’article 693 : « des propriétaires indivis ne peuvent constituer une servitude par destination du père de famille ».

Pour la Cour de cassation, la servitude par destination du père de famille ne peut être constituée que par la division d’un fonds appartenant à un seul propriétaire, ce qui exclut son application au partage d’un fonds indivis, soumis à des droits concurrents.

Pourtant, on peut avancer que même lorsque le fonds est indivis, il y a bien un fonds unique, sur lequel les indivisaires exercent un droit de propriété : il y a donc bien division d’un fonds unique. En sens contraire, on peut invoquer l’effet déclaratif du partage, selon lequel chaque copartageant est réputé dès l’origine propriétaire exclusif de la partie du fonds qui lui est attribuée. Dès lors, par cette fiction rétroactive, il n’y pas un fonds unique sur lequel s’exerce une copropriété, mais plusieurs fonds distincts, ce qui apparaît contraire au mécanisme de la servitude par destination du père de famille.

Précédents jurisprudentiels Req., 7 avril 1863.



Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation 20 Février 2013 n° 12-11.994 :

L'expropriation partielle d'une propriété privée, qui constitue un atteinte grave au caractère fondamental du droit de propriété tel que prévu par l'art 544 du Code civil, ne peut être admise même lorsqu'elle poursuit l'objectif de prévention des incendies de forêts.

Est ainsi censuré l'arrêt d'une Cour d'Appel qui reconnaît à une commune, en vertu de ses pouvoirs de Police Administrative, la possibilité d'élargissement d'un sentier forestier en vue de prévenir les incendies de forêt.

La Cour de Cassation au visa des arts. 544 et 545 du Code civil estime que "L’élargissement d’un sentier forestier au détriment des propriétaires privés peut être réalisé par une commune sous réserve qu’elle bénéficie d’une servitude de passage ou qu’elle y ait été autorisée spécialement par les propriétaires des parcelles affectées".

Références utiles :



Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation 20 Février 2013 n° 11-25.398

Cet arrêt rendu par la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation en matière de revendication immobilière revient sur l'efficacité d'une possession Solo Animo : « la prescription utile de l'art 2261 du Code civil, ne peut s'établir pour pouvoir prescrire que par acte matériel d'occupation réelle et se conserve […] par la seule intention (des parties) […] tant que le cour (de la prescription acquisitive) n'est pas interrompu ou suspendu […] par un acte ou un fait contraire. »

Article 2261 : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »



Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation 23 mai 2013 n° 12-14.901

Cette affaire est la suite d'un litige qui a donné lieu à un arrêt de cette même chambre le même jour (Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation, 23 mai 2013, n° 12-10.157 ci-dessous).

Dans cet arrêt, les juges du droit confirment qu'un commandement de quitter les lieux émis par le véritable propriétaire d'un terrain occupé suspend le délai de prescription acquisitive. Ainsi les occupants sans-titre du terrain, disposant d'une possession utile pour pouvoir prescrire au sens de l'art 2261 du Code civil, peuvent se voir opposés la suspension du délai de prescription à la suite de cet acte de volonté émis par le véritable propriétaire du terrain litigieux.

La possession des occupants est donc interrompue par la délivrance de cet acte (Cf. condition de l'art 2261 du Code civil).



Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation 23 mai 2013 n°12-10.157

Rendu aux termes de l'article 2244 ancien du code civil par la troisième chambre civile, l'arrêt précise qu'un commandement de quitter les lieux (acte de volonté d'un propriétaire pour expulser les occupants sans titre de son terrain) n'interrompt le délai de prescription acquisitive que si ce dernier est fondé sur un titre exécutoire.

La prescription acquisitive portant sur un immeuble doit présenter certaines qualités au nombre desquelles figurent, notamment, le caractère paisible, continu et non équivoque de la possession. La preuve de ces qualités revêt donc une importance considérable pour le possesseur. Aussi la Cour de cassation veille-t-elle par la solution qu'elle adopte, à ne pas permettre une remise en cause trop aisée de la possession en conditionnant l'effet interruptif de la délivrance d'un commandement à l'existence d'un titre exécutoire.



Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation 19 février 2014, n°13-12.107 :

L’empiétement, quelqu'en soit l’auteur, fait obstacle à l’acquisition de la mitoyenneté.

Dans cet arrêt rendu par la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation, les juges du droit posent clairement une règle jurisprudentielle dans les veines des arrêts rendus antérieurement dans ce domaine (Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation 19 septembre 2007 ; Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation 5 avril 2011 et Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation 6 mars 2013).

Il en résulte que dès lors qu'une situation d’empiétement est caractérisée, cette dernière quelqu'en soit son auteur « fait obstacle à l'acquisition de la mitoyenneté. »

Reprenons les faits de l'arrêt qui étaient, une fois n'est pas coutume, simplistes. À la suite d’un jugement ordonnant le bornage de propriétés voisines ainsi que l’intervention d’un expert pour déterminer les limites de propriété et l’emplacement des bornes, un couple sollicite le rachat, pour moitié, des frais de construction d’un pilier construit par leurs voisins empiétant de 19 cm. sur leur propriété et sur lequel vient prendre appui leur nouveau portail.

Les voisins, auteurs de la construction demandent, quant à eux, l’autorisation de déposer le pilier ainsi que la condamnation des époux voisins à déplacer leur portail.

La Cour d'Appel saisie de l'affaire va confirmer le jugement de première instance en faisant droit à la demande de rachat de la mitoyenneté des époux empiétés par le paiement de la moitié des frais de construction.

Se plaçant sur le terrain de la qualité de l’auteur de l’empiétement, la Cour d'Appel précise que les propriétaires auteurs de la construction litigieuse ne peuvent se prévaloir de la règle jurisprudentielle selon laquelle l’empiétement fait obstacle à l’acquisition de la mitoyenneté, pour arguer du refus de la mitoyenneté.

Suivant toute logique procédurière les époux constructeurs du piliers déboutés de leur demande forment alors un pourvoi en cassation.

Ce pourvoi pose la question à la Haute Juridiction de déterminer si l’empiétement volontaire ou non, d’un propriétaire sur le fond voisin peut faire obstacle à l’acquisition par ce dernier de la mitoyenneté ?

Au visa des articles 545 et 661 du Code civil, la Cour de Cassation censure l'arrêt d'appel en rappelant la règle jurisprudentielle : « L’empiétement, quelqu'en soit l’auteur, fait obstacle à l’acquisition de la mitoyenneté ».

Les querelles de clochers, à défaut de leur importance factuelle, ont parfois l'avantage de faire sonner le tocsin de la jurisprudence.

Références utiles :



Interprétation et critique de la décision rendue par Première Chambre Civile de la Cour de Cassation 8 Octobre 2014 n°13-22.938

« Les règles de preuve de la propriété entre des époux séparés de biens édictées par l'article 1538 du Code civil excluent l'application de l'article 2276 Alinéa 1er du même code selon lequel : en fait de meubles, la possession vaut titre. »

Dans cette affaire, deux personnes mariées sous un régime séparatiste avant de divorcer se disputent l'attribution d'une automobile dont l'acquisition avait été financée au moyen d'un emprunt contracté et remboursé par l'épouse.

La Cour d'Appel d'Aix-en-Provence saisie, a refusé d'attribuer le véhicule à l'épouse au motif que son ex-conjoint avait bénéficié d'un don manuel de la part de celle-ci et, qu'en application des dispositions de l'article 931 du Code civil, le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie d'une présomption qui impose à celui qui revendique cette chose de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don.

Cette décision a été censurée au visa de l'article 1538 du Code civil.

La Haute juridiction rappelle sa solution prétorienne, devenue constante, selon laquelle « les règles de preuve de la propriété entre époux séparés de biens édictées par l'article 1538 du Code civil excluent l'application de l'article 2276 du même code. »

Avec cette solution, bien que s'agissant d'un meuble, la règle de l'article 2276 du Code civil est exclue en vertu du contexte de séparation de biens des ex-époux.

Reste qu'il est soutenable que cette possession devrait pouvoir être prise en considération en tant qu'indice de la qualité de propriétaire d'un époux au regard du principe de la liberté de la preuve de la propriété mobilière (Première Chambre Civile de la Cour de Cassation 11 janvier 2000 n°97-15.406). Mais aussi du principe de liberté de la preuve affirmé en la matière des régimes matrimoniaux séparatistes par l'article 1538 alinéa 1er du Code civil.







L'actualité de la Cour Européenne des Droits de l'Homme



La Cour Européenne des Droits de l'Homme hautement critiquée et critiquable à plusieurs égards : Une position Partagée par l'ensemble des États membres du Conseil de l'Europe.

En septembre dernier, David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni, a affiché sa volonté politique d’abroger l’Human rights act de 1998 qui dispose que les tribunaux anglais se doivent de prendre en compte les décisions de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et d’interpréter, autant qu’il est possible les règles de droit britanniques afin qu’elles soient « euro-compatibles. »

En droit français, la hiérarchie des normes place la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme au-dessus de la loi. Cela permet à un juge, quel qu’il soit, de refuser d’appliquer une loi interne au motif qu’elle serait contraire à l’interprétation qu’il fait de la Convention. C'est l'application du contrôle dit de « Conventionnalité » posé par un arrêt rendu en Chambre Mixte de la Cour de Cassation le 24 mai 1975 (« Jacques Vabre », à propos du traité de Rome).

Reste que ce n'est pas tant l’interprétation des juges Français qui fait débat, car ceux-ci se montrent plutôt prudents dans le maniement de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme (Voir en la matière l'application du principe de proportionnalité dans l'arrêt Deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation 23 octobre 2006 relatif à l'atteinte par les T.A.V. du caractère fondamental du droit de propriété) , mais celle des juges européens eux-mêmes.

Il faut donc être un grand spécialiste du droit européen des droits de l’homme, voire être doté de pouvoirs divinatoires, pour savoir ce que les juges européens feront dire à la Convention dans quelques années. En somme, les détracteurs de la Cour Européenne des Droits de l'Homme reprochent à ces juges de constamment réécrire les textes. Quant à savoir si cette réécriture constitue une fuite en avant ou, au contraire, un véritable progrès chacun forgera sa propre opinion.

Nonobstant cette critique, il serait dramatique que les États membres du Conseil de l’Europe se désengagent, les uns après les autres, de la Convention assurant le respect, par les États des droits fondamentaux de ses citoyens car la nécessité d’un garde-fou n’a pas disparu.

Une "Modestie" des juges européens serait toutefois la bienvenue sur l'interprétation des principes fondamentaux qu'ils garantissent, afin qu'ils cessent de considérer qu'ils sont le seul rempart de protection des droits fondamentaux de tous les citoyens européens.





Actualité Générale.



Des évolutions tenant au statut juridique des animaux ?



Quel juriste n'a pas essayé de briller en société en rappelant la règle selon laquelle un animal de compagnie est un bien-meuble?

Cette simple affirmation n'est pas sans soulever des hauts le cœur de l'auditoire rétorquant sèchement qu'un animal n'est pas un être inanimé mais est pourvu de sentiments.

Cette remarque est pleine de sens. A tel point que par plusieurs reprises, le législateur français est intervenu pour donner un début de qualification à cet être fait de chair, de sang et d'os.

C'est ainsi que dans le Code rural et de la pêche maritime un chapitre entier a été consacré à la « protection des animaux ». L'article L. 214-1 du Code Rural et de la Pêche Maritime dispose que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » (on appréciera la redondance confirmant que la loi n'est pas fait pas des juristes et encore moins par des hommes de lettres : « …étant un être sensible doit être… »).

Le Code pénal n'est pas en reste. Il incrimine les mauvais traitements réservés à ces êtres dotés de sensibilité. L'article 521-1du Code Pénal punit « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité », de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Certains ont à la suite de ces interventions ponctuelles du législateur, parlés d'embryon de statut juridique de l'animal, faisant référence aux combats menés dans ce sens par les diverses associations françaises de défense des animaux.

Cette affirmation est inexacte et pour s'en convaincre il convient de reprendre les textes évoqués. L'article 521-1 du Code Pénal figure dans le Livre consacré aux « crimes et délits contre les biens. »

D'autant plus que si pour le Code Pénal un animal ne serait plus un bien au sens juridique du terme, il ne serait pas possible de réprimer le vol d’un animal.

L'évolution tient seulement à la prise en compte de "la souffrance animale".

Exemple : Un chat est un bien, au même titre qu’une table. Toutefois, le pouvoir que peut exercer le propriétaire sur le chat, n’est pas le même que celui qu’il possède sur la table. Plus précisément, si le propriétaire peut détruire sa table (abusus), il n’a pas le droit de tuer son chat.

La question n’est donc pas tant de savoir s’il existe un statut de l’animal en droit français, mais plutôt de s’interroger s’il faut accroître la protection des animaux. Doit-on interdire certaines formes d'élevage ou interdire certaines pratiques de pêche?

Cependant, pour des raisons politiques (qui sont plutôt d'ordre électoral), le législateur s'est attaché à émouvoir ses citoyens en multipliant les déclarations d'intention en faveur de la reconnaissance d'un statut juridique des animaux.

C'est ainsi qu'en 2014, un amendement à été introduit au projet de loi portant simplification et modernisation du droit et des procédures dans le Code civil. Un article 515-14 serait annexé au Code disposant que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité » et que, « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels. »

Cet amendement se concentre à ce que les termes de "chose" ou "bien" ne soient plus adossés à celui "d'animal" dans les textes de loi concernant le droit des biens.

Cependant cela n'aura aucune influence pratique.

À part compliquer la vie des étudiants, cette modification n’aura aucune utilité car elle a pour seul effet de sortir les animaux de la catégorie des meubles. Il ne sera en cas d'adoption de la proposition, plus possible de dire que tous les biens sont, soient meubles, soient immeubles. Les animaux, tout en restant des biens corporels, ne seront ni meubles, ni immeubles…

Véritable Casse-tête...

Autre avancée (?) en la matière cette année, le 29 avril 2014 une proposition de loi a été déposé à la présidence de l'Assemblée nationale portant introduction du statut juridique de l'animal.

Cependant les promoteurs de cette proposition se sont empressés dans l'exposé des motifs de celle-ci de rassurer l'ensemble des autres députés en affirmant de manière implicite que rien ne changera. En effet, cette proposition destinée à créer un titre préliminaire dans le livre II du Code civil intitulé « des animaux » et donc une nouvelle catégorie de sujet de droit, reprend dans ses articles les dispositions présentes dans le Code Rural et de la Pêche Maritime et Code Pénal.

Véritable Coup d'épée dans l'eau pour cette proposition qui se voulait révolutionnaire.

Ce qu'il faut retenir c'est que le droit n'est pas resté sourd par rapport au statut de l'animal.

La qualité d'être sensible lui a été reconnu.

La protection juridique des animaux est sûrement insuffisante dans l'état actuel de notre droit, mais un embryon de règles protectrices existent.

Soyons clairs, au lieu de vouloir à tout prix doter l'animal d'un statut juridique et créer une catégorie de sujet de droit entre les personnes et les biens, développons tout d'abord les dispositions relatives à leur protection.

Les meilleurs amis des hommes n'ont pas fini de faire couler de l'encre...



La réforme du droit des contrats



De l'état d'attente, à celle d'information passant par la rumeur, la réforme de notre socle législatif en matière d'échange est celle qui aura certainement fait coulée le plus d'encre depuis un peu plus d'une trentaine d'années.

Cependant le 27 novembre 2013 la nouvelle est officielle : un projet de loi « relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures » sera présenté au Parlement dans le courant de l'année 2014.

De cette réforme contemporaine, le monde universitaire est en émoi et fond de grands espoirs pour une refonte de qualité de notre droit des contrats. Le palais est quant à lui plus léthargique et "en position d'attente".

Quoi qu'il en soit cette réforme n'a pas fini de faire du bruit. Près de 200 années de "stagnation législative" vont sombrer dans cet océan de modernisme.

Nous ne pourront plus regarder le titre III du livre III du Code civil comme Napoléon devant les pyramides d'Egypte en soupirant à ces soldats " Du haut de ces pages 200 ans nous contemplent".

Espérons que cette réforme comble les espoirs que nous, juristes, mettons en-elle. Espérons qu'elle apporte une meilleur lisibilité à notre droit des contrat et réponde à ces grandes interrogations : "Quelle place faite à la conception volontariste du contrat ? Quelle importance attachée à la liberté contractuelle ? Quelle conception du rôle du juge ? Quelle valeur accordée à l’exécution en nature ? Quelle place faite à l’obligation de minimiser le dommage ?"

Faisons entrer définitivement le système législatif contractuel dans ce nouveau monde globalisé afin de le rendre le plus attractif possible au regard du marché international du droit.



La distinction entre le droit des biens et le droit des contrats



Le droit des contrats et le droit des biens s'opposent à plusieurs égards.

Au premier, on associe volontiers le mouvement, le changement, la flexibilité, la volonté. Le droit des contrats est le droit de l'acte juridique qui modifie un état de droit préexistant et qui apporte une modification dont on comprend sans peine qu'elle n'affecte que les parties qui l'ont souhaité (effet relatif des conventions).

Au second, on associe plutôt la fixité, la durée, une opposabilité renforcée. Le droit des biens est celui des droits réels, dont il emprunte les caractères. Il est le droit de la stabilité, auquel il appartient de dire ce que sont les biens et quels sont les pouvoirs qui s'exercent dessus.

Aucune relativité n'est à associer au droit des biens. On est propriétaire ou on ne l'est pas, "celui qui le devient chasse le précèdent".

De surcroit, lorsque le droit des biens concède la qualité de propriétaire à une personne juridique, cette dernière est reconnue comme tel à l'égard de tous et peut faire valoir son droit contre tous. On dit alors que la propriété est opposable ERGA OMNES. A ce titre on pourrait parler "d'opposabilité totale" a contrario du droit des contrats.

Reste que cette vision séparatiste n'est pas comme le relève O. Deshayes dans son édito de la Revue des contrats N°2 2013, fidèle à la réalité car il est vrai qu'en pratique, le contrat est le principal mode de constitution et de transmission des droits réels.

De là nait toute l'ambiguité de ces matières, dont on terminera par affirmer qu'elles forment un CORPUS JURIS, c'est à dire un ensemble, une souche, sur lequel repose l'ensemble de nos relations juridiques.

A défaut de les opposer, il serait plus judicieux de relever leur l'imbrication, leur amalgame.