De trente hivers mauvais en vain montrent grandi.
Je ne peux pas aller, rester. Quoi que je fasse,
Malgré moi c’est vers toi que je me vois conduit.
Je te tiens, je veux fuir comme la chienne emporte
Son petit dans ses dents. J’ai peur d’être étranglé.
À chaque instant je suis giflé par la cohorte
Des années où j’ai vu mon destin se briser.
Nourris-moi car j’ai faim, borde-moi car je gèle,
Vois comme je suis bête. Occupe-toi de moi.
Ton absence est un courant d’air qui me flagelle.
La peur me quittera si tu lui parles, toi.
Quand tu m’as regardé, ma vie fut une fable,
Quand tu m’as écouté, j’ai vu les mots tarir.
Fais que je ne sois plus cet homme inexorable,
Que je sache tout seul comment vivre et mourir.
J’ai dormi sur le seuil, repoussé par ma mère.
J’ai voulu me cacher en moi-même, insensé.
Sur moi rien que le vide et sous moi que la pierre.
Dormir! C’est à ta porte que je viens frapper.
Sais-tu qu’il y en a qui pleurent en silence
Et qui sont cependant aussi durs que je suis.
Vois: pour toi mon amour est de telle puissance
Qu’avec toi maintenant je peux m’aimer aussi.
Jozsef Attila
(traduit par Guillevic)