9h37, jour 3, les révélations.
Ils descendirent sur le quai, l’homme roux mais de type méditerranéen les entraîna au dehors.
10h18. Ils s’étaient regroupés autour d’une table dans un coin de la pièce dans la chaleur réconfortante du restaurant. Leur discussion animée menée dans une langue étrangère au pays semblait les rendre confiants. Ils parlaient d’une quête, d’un voyage à la recherche de quelques trésors perdus dans un vieux château transylvanien. Je m’approchai.
« _Pardonnez cette intrusion, messieurs, mais j’ai perçu votre conversation…
_Monsieur ? » Leurs visages se crispèrent, les sourcils se froncèrent, la surprise les étreignit.
« _Je voudrais vous citer ces vers de Charles Baudelaire…
_Trop aimable.
_ « Amer savoir, celui qu’on tire du voyage !
« Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,
« Hier, demain, toujours, nous fais voir notre image :
« Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui. »
_Voilà, très bien, merci et bonsoir.
_Nous nous reverrons bientôt, messieurs, je m’appelle Destin…
_Et ?
_Et je pourrais être le votre.
_Merci de nous l’apprendre, si vous vouliez nous laisser à présent… »
Je sortis, les dés étaient lancés, l’histoire était en marche…
22h04. Bartolomeo, durant le voyage, nous avait mis au courrant de ce qu’il savait. Durant une vente aux enchères à Vienne, il avait acheté un livre écrit en magyar ancien. Ce manuscrit décrit un château transylvanien qui serait selon le livre une véritable caverne d’Ali Baba. D’après ses recherches il n’aurait jamais été visité, les bonnes gens du coin considérant le dernier propriétaire des lieux, le Comte Tepes, comme une sorte de vampire ; ces affirmations semblant être confirmées par une foule de disparitions inexpliquées survenues depuis des siècles. C’était pour cette raison que Bartolomeo avait fait appel à nous.
J’étais là, assis dans l’herbe, seul, mon gilet pare-balle et mes armes traînaient négligemment, ma cape noire rejetée sur les épaules et mes pensées pour seules compagnes.
« _Tu y penses encore ? dit Chaps.
_A ?
_Ta sœur.
_Oui, je soupirai, elle avait dix-huit ans quand elle est partie pour fuir les parents, la monotonie. J’avais dix-sept ans, c’était la vielle de la rentrée, elle allait être en Terminale…Pourquoi ? La question m’a obsédé des jours, des nuits, des mois, jusqu’à aujourd’hui, je ne sais même pas si elle se souvient de moi…
_Arrête, c’est ta sœur quand même !
_Alors pourquoi ? Pourquoi est-elle partie ? Pourquoi ne pas avoir parlé, ne pas m’avoir fait confiance ?
_Le pire, c’est que je me pose la question…
_Pourquoi les avoir écoutés, eux ?
_Tu poses les réponses mais tu connais déjà les questions.
_Tu as encore inversé.
_Désolé,…
_Non, ce n’est pas grave, tu sais à force…
_Dis tout de suite que je fais ça tout le temps !
_Oui.
_Merci.
_Pas de quoi. » Nous nous regardions dans le blanc des yeux et éclations simultanément de rire. Chaps me laissa pour aller dormir sous la tente. Je regardai le château pensif :
« Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
« Pars, s’il le faut. L’un court, et court, et l’autre se tapit
« Pour tromper l’ennemi vigilant et funeste,
« Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit… »
Il faudrait que j’arrête de réciter du Baudelaire c’est parfois déprimant….
Je rêvais. Nous observions la porte d’entrée du manoir, nous entrions, une douleur froide nous traversa comme une intrusion….Je me redressai dans mon sac de couchage, le souffle cour, je ne connaissais pas mon adversaire mais je le haïssais déjà…