VEF Blog

Titre du blog : Littérature assassine...
Auteur : LazloSprand
Date de création : 23-11-2008
 
posté le 28-05-2009 à 23:22:42

11 septembre...(2)

            La paix armée fut le lot de chacun des deux camps séparés par le rideau de fer que constituaient les deux grands classeurs que Aspidistra avait levée au début de l’heure. A la fin de celle-ci il était entendu parmi leurs condisciples que ceci n’était que les prémices d’une histoire d’amour romantique marquée à ses débuts par quelques querelles de ménage qui seraient rapidement oubliées par la suite. L’opinion changea lorsque Aspidistra profita de l’intercours pour gifler une fois de plus Shin à la suite d’une énième maladresse verbale, tout à fait personnelle, de ce dernier. Une fois n’est pas coutume – n’en tirons donc aucune règle de droit insensée – Shin fut heureux d’entendre enfin la cloche du lycée lui apportait la délivrance tant espérée durant ce long calvaire d’une matinée. Il mangea seul sur les toits ; Aspidistra et le reste du groupe allant au self.

« Tu ne vas plus avec Shin ? s’étonna Hans.

_C’est vrai que n’est pas au courant de leur scène de ménage de ce matin, s’écria Roman un soupçon de malice dans la voie.

_Roman !

_Quoi c’est faux peut-être ?

_Ce n’est simplement pas une chose à dire à dire.

_C’est mon James qui a dit ça ?

_Que c’est-il encore passé ? interrompit Hans.

_Elle lui a mit une claque, expliqua Roman.

_Il l’a mérité.

_Pourquoi ?

_Quand je lui ai parlé de sa réputation, sais-tu ce qu’il m’a répondu ?

_Oderint, dum metuant, répliqua Phoebe.

_Oui.

_C’est sa réponse préférée.

_C’est ignoble…

_Oui et non. Sa réputation est la légende qu’il s’est bâti, et, comme toutes les légendes la majeure partie est inventée. Une partie est vraie, c’est sûr, mais il ne faut pas oublier une chose : il ne se bat jamais pour lui-même uniquement mais aussi pour tous ceux qui comptent pour lui.

_Ce n’est pas une raison.

_Tu en veux une autre ? Ecoute, il y a un adage qui veut que la peur soit plus tranchante que la meilleure des épées. Shin inspire la peur, non par plaisir mais par besoin. »

            Aspidistra se détourna et se balança sur sa chaise. Le regard perdu dans l’horizon par la fenêtre entrouverte, elle laissa ses pensés vagabonder aux confins de l’imagination. « Pourquoi est-il ainsi ? Pourquoi est-ce que je lui cherche des excuses ? Pourquoi me blesse-t-il en étant ainsi ? » Les questions qui l’assaillaient n’admettaient qu’une réponse qui l’effrayait plus que tout : « Parce que tu l’aimes. » Son attention fut attirée par les cris qui venaient des terrains. D’ici, elle ne distinguait pas très bien les joueurs mais elle entendait leurs rires et leurs appels. Elle se demanda encore comment on pouvait rationnellement aimer courir derrière un ballon. Un argument émergea des profondeurs de sa mémoire : « lorsque l’on joue au football il n’y a plus de distinctions de race, de couleur, de classe sociale, chacun à son poste, son importance, ses qualités et ses défauts. Tout le monde se serre les coudes pour gagner et c’est pour cela que ce sport est magique : quand on y joue, on n’a pas de passé, on n’a qu’un avenir… » Elle avait lu cette phrase du capitaine historique de la sélection américaine dans un interview pour un journal sportif. « On n’a pas de passé, on n’a qu’un avenir. » Voilà la réponse à son interrogation, elle sourit et songea qu’il était peut-être un peu moins bête qu’il n’y semblait.

            Pierce écrivait, relisait, déchirait, réécrivait assit à son bureau. Il semblait soucieux. Aspidistra entra suivit de Phoebe et de Kate. L’attitude de Pierce les étonna légèrement considérant qu’il n’était pas forcément connu pour être l’élève le plus sérieux de l’école.

« Tu fais quoi ? Demanda Aspidistra.

_J’essaie de convaincre un ami de redevenir entraîneur.

_En écrivant des lettres que tu déchires ensuite ?

_Il est un peu compliqué, et je dois lui donner un argumentaire en béton pour le convaincre.

_Et tu penses que ça va marcher ?

_Tu connais leur entraîneur ?

_Bien sur, c’est Ekichi, n’est pas ?

_Oui.

_L’ex-loubard qui était venu te chercher le premier jour ? »

Pierce et Phoebe se regardèrent et pouffèrent.

« C’est notre père, je te rappelle.

_J’oublie toujours ça. »

Elle lu quelques brouillons.

« Shin est toujours titularisé dans tes projets, je croyais qu’il avait refusé d’intégrer le club.

_Il l’a fait.

_Pourquoi ?

_Il a arrêté de jouer au football l’an dernier, mais si on veut faire ce qu’on a décidé on doit avoir Ekichi comme entraîneur et Shin dans l’équipe.

_Pourquoi a-t-il arrêté de jouer ?

_Une promesse.

_Une promesse : arrêtez de jouer au football c’est une promesse ?

_Pour lui, oui. »

            Le cours allait débuter, le professeur entra. Aspidistra prit place mais Shin n’était pas là et Pierce était sorti. Sœur Josette remarquant leur absence demanda une explication. Cependant celle-ci vint de la personne dont on l’attendait le moins.

« Il ne sera pas en cours cette après-midi, madame, expliqua Leila.

_Pourquoi ?

_Il a été convoqué par le Proviseur avec Pierce Harkes, Lothar Meitther et le Professeur responsable du club de soccer.

_Je peux connaître la raison de ce Yalta de notre club de soocer ?

_La mise en place d’une deuxième équipe capable de remporter le championnat régional, cette année.

_Bien entendu, arrêtez de me prendre pour une imbécile et sortez, Mlle Weetch. »

            Leila sortit en traînant des pieds, suivit de Hans qui devait aller chercher des documents chez le directeur des études. Elle l’accompagna.

« Ce que tu as dit au prof, c’est vrai ?

_Oui.

_Tu penses qu’ils arriveront à se mettre d’accord ?

_Oui.

_Tu connais tous les élèves de seconde, non ?

_Oui.

_Tu veux sortir avec moi ?

_Non.

_Dommage. 

_Mais ne t’inquiète pas je pourrais changer d’avis si tu parvenais à me séduire.

_On en reparlera plus tard, on est arrivé chez le vieux. »

            Cinq minutes et une pile de documents insignifiants sous le bras de Hans plus tard, ils revenaient devant la porte de la classe. Leila resta encore derrière la porte jusqu’à ce qu’un autre élève n’aille « se changer l’air. »

             Shin revint en cours pour la dernière période avec Pierce. Les mathématiques ne l’avaient jamais particulièrement inspiré, mais il lui semblait que cette après-midi là, elles étaient endormantes à un point inimaginable. Aspidistra se pencha vers lui :

« On fait la paix ? »

Shin réfléchit un instant.

« Avant ou après que j’en prenne une ? »

Elle se redressa.

« On ne peut vraiment pas avoir une discussion sérieuse avec toi. 

_Je suis d’accord. 

_Pour la paix ? 

_Non, à propos de ma capacité à tenir une discussion sérieuse en maths… »

« Ce type est lourd quand il veut avoir raison », pensa-t-elle. Le cours se poursuivit sans encombre. Lorsque la cloche sonna, Ollic Asabravitch<!--[if !supportFootnotes]--><!--[endif]--> entra. Il appela Shin et ils sortirent ensembles.   

« Quelqu’un veut te voir au parloir » furent les seuls mots intéressants qu’entendit Aspidistra.