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Titre du blog : Littérature assassine...
Auteur : LazloSprand
Date de création : 23-11-2008
 
posté le 30-05-2009 à 00:05:35

12 septembre...

           Shin ne vint pas en cours ce jour-là. Aspidistra demanda à Pierce mais ni lui ni Phoebe ne savaient où il était. En désespoir de cause, elle convint avec Kate qu’il devait être malade même si James n’était pas d’accord avec cette idée.

            Shin frappa à la porte du magasin et entra chez le dealer. Imre Haydn faisait profession compositeur-interprète et revendeur d’objet et produit en tout genre allant du paquet de cigarette bon marché au kilo de cocaïne en passant par les guitares électriques et les armes à feu dernière génération.

«  Bonjour !

_‘lut !

_Tu vends toujours des informations et autres…

_Ouais, tu veux quoi ?

_Des infos sur les attaques de ces derniers jours.

_Je sais peu de choses, le tueur est une femme d’après ce qu’on peut en déduire et vu la manière utilisée pour les tentatives meurtres, elle maîtrise les arts martiaux et possède un katana à lame inversée, c’est en tout cas ce que pense Richard Dulles.

_En gros, c’est la vérité. Tu as une idée de là où elle pourrait habiter ?

_Le vieil hangar désaffecté sur les docks.

_Merci, mets moi un paquet de clope au thé – oui avec filtre – et une boîte d’allumette.

_Voilà, même si je n’ai jamais compris comment tu pouvais fumer ça. »

            Shin sortit du magasin et passa chez lui récupérer quelques affaires puis il alla sur les docks et patienta observant le hangar tout en taillant un morceau de bois.

            Mr Dulles repassa dans sa tête le film des événements s’étant passés sur les lieux du crime. L’homme – un petit revendeur de drogue à la sauvette – avait été frappé dans une impasse, un morceau de veste rouge dans la main. Une chose le frappa lorsqu’il examina les rapports du détective qui l’avait découvert et de l’autopsie : le bandit semblait avoir été tué par derrière, or derrière lui il y avait un mur contre lequel était adossé un carton rempli de vieux journaux. Il étudia en détail ce dernier et arriva à une conclusion simple : Shin ne pouvait avoir sauté sur le carton comme l’affirmait un témoin qui c’était courageusement enfui dès le début de l’histoire. Il décida d’aller collecter quelques informations dans la banlieue-est chez Imre Haydn – bien que certaines de ses activités l’exaspèrent au plus haut point.

            Aspidistra profita du fait que Ekichi était venu chercher les jumeaux pour lui demander des nouvelles de Shin.

« Je ne sais rien, il a demandé des infos à Haydn et a disparu.

_Où aurait-il put aller ?

_Là où il a affaire en cours, j’imagine.

_Tu veux aller fureter ? l’interrogea Pierce.

_Eh bien…

_Dad rentre avec Phoebe, je rentrerai souper.

_Je vous accompagne, coupa Roman.

_Moi aussi, fit Hans.

_Pourquoi vous faites ça ?

_C’est pas le moment pour les questions personnelles : la vie de Shin est peut-être en jeu, alors qui l’aime me suive !... Pourquoi vous reculez si soudainement ? »

            Pierce appela Imre Haydn avec son portable et ils se lancèrent intrépides dans les ombres des ruelles avoisinantes. Sur les docks, ils essayèrent de mettre un plan d’attaque au point – tache éminemment compliquée avec des éléments aussi antagonistes que Hans, Roman ou Pierce – mais se convainquirent que la meilleure stratégie possible se résumait en un simple mot : « Chargez ! » Ils entrèrent dans le hangar et surent immédiatement qu’ils avaient fait une erreur.

            Shin arrêta de tailler son morceau de bois, fixa la porte du hangar et, prenant sa cigarette entre ses doigts, soupira.

            Ils étaient encerclés par les membres pas forcément très amicaux du gang des exécuteurs comme l’indiquait l’insigne cousue sur leur blouson de cuir. Roman et Hans avaient tiré leurs sabres d’entraînement mais à quatre contre dix ils ne feraient sûrement pas le poids. Une fille aux longs cheveux d’argent se tenait dans un coin sombre.

« Shin n’est pas avec vous. Vous n’êtes donc d’aucune utilité pour lui comme pour moi. Tuez-les. »

Et les voyous se jetèrent sur eux. « J’aurais peut-être mieux fait de lui demander de m’apprendre à manier une épée, » songea Aspidistra en reculant prudemment pour se mettre en garde.

            Un bruit sourd retentit près de la porte. Une voix forte et impérieuse résonna contre les murs :

« La marche des vertueux est semée d’obstacles qui sont les entreprises égoïstes que fait sans fin surgir l’œuvre du malin. Bénis soit-il l’homme de bonne volonté qui au nom de la charité se fait le berger des faibles qu’il guide dans la vallée d’ombres de la mort et des larmes car il est le gardien de son frère et la providence des enfants égarés. J’abattrais alors le bras d’une terrible colère, d’une vengeance furieuse et effrayante sur les hordes impies qui pourchassent et réduisent à néant les brebis de Dieu et tu connaîtras pourquoi mon nom est l’Eternel quand sur toi s’abattra la vengeance du Tout Puissant ! <!--[if !supportFootnotes]-->»

Un homme vêtu de blanc tomba des cieux, parant le coup du premier des bandits, ses cheveux noir de jais coulaient en cascade sur son visage obscurissant ses traits et lui conférant l’aura mystérieuse et inquiétante du guerrier qui n’a d’autre volonté que de mourir comme un héros frappé la pointe au cœur.

            L’homme se retourna et fit face aux malandrins. Il tira une dernière bouffé sur sa cigarette puis la jeta négligemment. Il étendit le bras, son katana n’étant que son prolongement naturel.

Celui-ci était finement affûté dans le métal le plus sombre et ouvragé à l’ancienne comme une lame de collection. Celle-ci était inversée les vagues de sang pointant leurs crêtes meurtrières vers le cœur de leur maître et non vers la gorge de ses adversaires. Son vêtement de toile noire était simple avec d’astucieux renforts de cuir, une veste de lin blanc flottait sur ses épaules. Son poignet tourna brusquement et sa lame dansa. Il bouscula son premier adversaire, écarta le deuxième du plat de sa lame, repoussa le troisième d’un revers meurtrier, para un coup, riposta d’une pique assassine envoyant un autre voyou à terre.

Roman et Hans entrèrent dans la danse, abattant chacun deux ennemis alors que Pierce et Aspidistra maîtrisaient chacun le leur. La femme tira soudain son épée et attaqua, jetant Roman et Hans dans la poussière.

Elle leva son glaive pour fondre sur Aspidistra mais au moment où celui-ci allait s’écraser, l’homme s’interposa, alors elle le reconnut :

« Shin ! »

Il dégagea son sabre et fit face au danger.

« Aspidistra, toi et les autres, sortez ! L’air ne va pas être bon à respirer par ici dans quelques instants. »

Elle écarquilla les yeux, son teint devint blanc mais elle obéit et sortit suivie de Pierce soutenant Roman et Hans.

            Dehors ils furent accueillis par un impressionnant dispositif d’hommes de la police, du club et de la Triade regroupés autour de Richard Dulles, Imre Haydn ainsi qu’un grand homme en noir, et encerclant le hangar. Un groupe se détacha et vint les aider, eux et les membres du gang des exécuteurs. L’air se réchauffa alors que le bâtiment commençait à brûler. Tous le regardaient et elle put lire dans leurs yeux la peur, la haine et l’admiration que leur inspiraient les ultimes combattants de cette bataille. « Il m’a sauvé, » pensa-t-elle sans trop y croire encore. « Il s’est interposé pour me protéger et moi, moi, qu’est-ce que je fais pour lui ? » Une larme glissa le long de sa joue.

            A l’intérieur, les deux adversaires se faisaient face à la lueur incertaine du brasier dont aucun d’eux ne savait comment il s’était déclaré. Ils levèrent leurs épées aux lames pareillement inversées en signe de salut, échangèrent un sourire entendu et sarcastique et se jetèrent l’un sur l’autre.

            Le toit s’écroula dans un fracas de fin du monde et tous virent deux funambules mortels sautant des poutrelles enflammées aux barres d’acier chauffées à blanc, ne faisant que les effleurer du pied à chaque appui et profitant de chaque occasion pour se lancer dans des attaques potentiellement mortelles. Ils étaient les avatars des mystiques dieux de la guerre et du carnage, leurs capes dansaient, dans la nuit, illuminées par les soubresauts de l’incendie et leurs lames chantaient les complaintes de la mort.

Enfin les sabres s’immobilisèrent dans une ultime et déchirante plainte, le temps sembla s’arrêter alors que leurs regards se fixaient puis lentement la fille s’écroula sur Shin.

« Dors, Lué. »

Il la prit délicatement dans ses bras et se retourna.

« Laissez-la. »

Richard Dulles approuva d’un signe de tête faisant signe à tous de s’écarter devant Shin. Il partit sans plus d’explications.

            Aspidistra, Pierce, Roman et Hans passèrent chez lui peu après. Il leur ouvrit la porte et les laissa entrer sans rien dire. Lué dormait dans un lit de camp dans la pièce à vivre. Hans et Pierce s’accroupirent auprès d’elle. Roman s’accouda à la fenêtre. Aspidistra fixa Shin droit dans les yeux.

« Pourquoi l’as-tu ramenée ici ? Et comment la connais-tu ? 

_C’est ma grande sœur. » Il l’a regarda tendrement. « Elle m’en veut toujours. 

_Pourquoi ? »

Il se rembrunit et tous comprirent qu’ils préfèreraient dans quelques instants s’être tu.

« Pour la mort de notre mère. »

            Il y eut un soir, il y eut un matin…