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Titre du blog : Littérature assassine...
Auteur : LazloSprand
Date de création : 23-11-2008
 
posté le 09-06-2009 à 23:22:47

14 septembre... (1)

            Pierce entra dans la salle de classe et posa une feuille de papier A3 pliée en huit devant Aspidistra.

« Voilà la lettre, les 33 noms qui sont données en copie sont ceux des membres de la hiérarchie de Shin et des anciens du groupe. »

Aspidistra la déplia et la lut en diagonale. Elle releva les yeux et soupira.

« La diplomatie n’a jamais été son fort, mais là, quand même, il en fait beaucoup, non ? Quand il parle de la belle époque des premières années avec son engagement puis le tien, puis le marasme et l'enlisement avant les contradictions, les malaises, les tensions, et les échecs de la dernière et enfin l'ultime camp, l'aventure finale avec ses rebondissements, ses coups bas, ses trahisons, ses déceptions : les coups de folie de Sylvestre, les responsabilités accablantes, les quolibets, les critiques et pour finir le bouquet final : le retour en train jusqu'à la ville sans autres chefs que vous, mineurs, donc dans l'illégalité la plus totale, et que vous avez du couvrir de votre silence et de votre responsabilité, puis les suprêmes passes d'armes, luttes, combats et désillusions, il n’en rajoute pas un tout petit peu ? 

_Même pas, il n’a pas à le faire, les faits étaient assez graves comme ça. 

_Ca c’est finit comment ? 

_Shin a démissionné. La troupe périclite depuis et c’est pour ça que le chef essaie de refaire revenir Shin, sans aucune chance à mon avis. Mais écoutes, il y a plus intéressant pour l’instant. »

Aspidistra jeta un coup d’œil vers Kate et James mais Pierce lui indiqua de la tête le côté opposé de la pièce.

            Leila tapotait avec son crayon un rythme musical simple.

« Que veux-tu ? »

Hans s’était approché  et assis à côté d’elle.

« Tu le sais. Je veux être ave toi, je veux sortir avec toi parce que je t’aime. »

Leila rougit légèrement mais ses yeux ne laissèrent rien transparaître de son possible trouble. Une mèche de ses cheveux enflammés tombait sur son visage l’éclairant d’une lueur particulière.

« Tais-toi, tu racontes encore des bêtises, c’est lassant. »

Le visage de Hans s’assombrit alors qu’il fronçait les sourcils.

« Pourquoi ? 

_Je n’ai pas de raisons particulières à te donner mais ta cour est insuffisante pour que j’accède à ta demande. Je suis romantique voilà tout. »

Hans se releva et se dirigea vers sa place habituelle en maugréant.

            Pierce secoua la tête.

« Ils ne seront jamais ensemble, c’est pas possible d’être aussi entêtés ! »

Aspidistra soupira.

« Ce ne sont pas nos affaires. »

Pierce sourit et, se retournant, dit :

« Ca, c’est ce que tu crois. »

            Les cours d’histoire et de biologie semblèrent encore plus monotones et longs que d’habitude, les regards d’Aspidistra et de Pierce faisaient la navette entre les deux. La sonnerie vint interrompre leurs méditations. Ils échangèrent un regard en les voyant sortir mais ne bougèrent pas.

« Que se passe-t-il ? »

Aspidistra jeta un coup d’œil à Shin qui somnolait paresseusement sur sa chaise.

« Hans et Leila… 

_Je vois. Il veut être avec elle, non ? »

Aspidistra se tourna vers lui.

« Comment le sais-tu ? 

_ Intuition et expérience, je ne suis pas aveugle, moi. 

_Je t’interdis de dire que je suis aveugle. 

_J’ai juste insinué, ne prend pas ton cas pour une généralité, surtout. »

Aspidistra détourna la tête outrée. Pierce – qui n’avait rien perdu de l’échange – pouffa dans un coin avant de prendre la porte. Dehors, il remarqua un attroupement singulier dans un coin sombre de l’étage.

             Leila avait de nombreuses qualités mais également quelques défauts tenaces à commencer par une franchise, parfois déplacée et antipathique pour certaines personnes, et un caractère entier. Ces derniers éléments étaient souvent la cause de conflits latents l’opposant à d’autres étudiants. Cependant ce jour-là, le litige était plus important et le dommage apparemment subit par cet imposant – dans tous les sens du terme – terminal ne semblait pouvoir admettre aucun retard dans son ultime conclusion, aussi hâtive et intelligente qu’un procès soviétique. Le point du lycéen fracassa l’air pure et frais du deuxième étage pour venir s’écraser contre le mur du couloir à une dizaine de centimètres de la tempe de Leila. Une voix puissante gicla :

« Arrête immédiatement ! »

Les élèves se tournèrent vers Hans, leurs muscles faciales se crispèrent puis se détendirent en voyant qu’il était seul.

« Dégage, minable. »

Hans tira son fleuret et fit glisser sa lame le long de  la gorge  de  l’étudiant. 

« Rappelles-toi que mon poste me permet de te mettre aux arrêts et je doute fort que le club de basket se réjouisse de la déchéance de son vice-capitaine juste avant de commencer les qualifications départementales. »

Le visage du lycéen sembla se paralyser et blanchit pendant quelques instants puis s’empourpra. Sa main jaillit tel l’éclair et attrapa Hans au col pour le soulever de terre. Il leva le point mais se plia en deux en lâchant le capitaine. Celui-ci l’avait frappé du pied au ventre en profitant de la différence de taille, il poursuivit en attaquant une nouvelle fois au menton envoyant son adversaire dans la poussière.

« Vous avez compris ou il faut que je poursuive la leçon ? »

Les terminales le regardèrent et ricanèrent.

« Nous sommes cinq et tu es seul, qui est dans la moins bonne posture, petit capitaine ? »

Quelqu’un rit derrière eux.

« Seul ? Les yeux, c’est comme le reste du corps, ça se lave les gars. »