« Ce type est pire qu’un monstre, c’est un démon.
_T’as raison : un motard démoniaque, aucune pitié, aucun remords, aucune compassion.
_Même l’ancien entraîneur des basketteurs, celui qu’on appelait le démon aux cheveux blanc, avait une meilleure réputation. »
Les phrases d’un acabit identique étaient monnaie courante à la fin du cours. Sortant des vestiaires, Shin, Pierce et Chris virent un garçon jonglant dos au but avec un ballon qu’ils avaient laissé suite à l’entraînement. Le joueur fit passer le ballon au-dessus de lui et se retournant le frappa d’une demi-volée du droit qui l’envoya juste sous la barre.
« C’est qui celui-là ? demanda Shin.
_ Je pense que c’est Geoff, un excellent joueur endurant, technique et instinctif : un très bon attaquant, répondit Pierce.
_Donc une recrut de choix, commenta Shin. Pourquoi n’est-il pas au club ?
_Il ne s’entendait pas avec Lothar et Marco, trop volontariste pour eux, répondit Chris.
_Chris, s’enquit Pierce, tu pourrais le convaincre de revenir ?
_C’est dans mes cordes.
_On t’attend en classe.
_Ok. »
Ekichi partit après l’entraînement avec sa moto pour chercher « quelques renseignements. » Il revint peu avant l’heure du déjeuner et intercepta Pierce à la sortie de son cours de physique/chimie. Ils s’enfermèrent dans un vestiaire pour discuter et Pierce en émergea dix minutes plus tard avec un sourire radieux.
« On va affronter les Champions National Universitaire.
_ C’est une blague et elle est de mauvais goût, lui dit Shin.
_L’équipe féminine de l’Université de Seattle.
_La blague est toujours de mauvais goût. »
Une main ferme s’écrasa sur son épaule et le retourna comme un vulgaire fétu de paille.
« C’est votre tenue qui est de mauvais goût. Vous allez me faire le plaisir de couper vos cheveux et de porter à présent un uniforme correct.
_Bonjours, qui êtes-vous ?
_Le nouveau surveillant général et faites attention à votre langage, jeune délinquant. Et vous, comment se fait-il que vous ayez le bras en écharpe ? Vous vous êtes battus, c’est certain, quatre heures de colle, je vous apprendrai le respect, jeunesse indigne des sacrifices passés. »
Il partit en invectivant d’autres élèves.
« C’est qui ce surveillant ? s’interrogèrent Pierce et Shin.
_C’est effectivement le nouveau surveillant général, leur affirma Hans. Il a décidé d’user de tous les pouvoirs d’un réel CPE et ce même si c’est contre les habitudes du lycée.
_Et alors ?
_Ca pourrait devenir dangereux si on n’y fait pas attention. J’ai une réunion avec les capitaines, à plus. »
Il s’éloigna à grand pas rappelant parfois à l’ordre des élèves plus ou moins imprudents.
Shin et Pierce haussèrent les épaules et allèrent prendre leur déjeuner. Mais ce qu’ils virent ne fut pas pour les mettre en appétit : partout de jeunes professeurs zélés, suivant l’exemple du nouveau CPE, invectivaient, critiquaient ou tançaient des étudiants, les plus téméraires s’attaquant même à certains capitaines. Ils montèrent aussi vite que possible sur le toit pour s’en faire déloger quelques minutes plus tard sous prétexte qu’il était inadmissible que des lycéens prennent autant de risques tout en étant sous la responsabilité du corps enseignant. L’ambiance commençant à être particulièrement oppressante pour ses nerfs, Shin alla se réfugier dans sa salle de cours. Ce refuge précaire ne tint que le temps d’une page du Cid de Corneille, il devint ensuite évident que ce sacro-saint lieu de passage du savoir ne pouvais pas servir, du goût des maîtres, de cafétéria.