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Titre du blog : Littérature assassine...
Auteur : LazloSprand
Date de création : 23-11-2008
 
posté le 14-06-2009 à 00:02:12

1 octobre...(2)

            Le massacre se poursuivit en cour de français. Le professeur leur demanda de réfléchir sur un texte de Victor Hugo puis de réaliser un discours politique sur l’injustice sociale. Ils travaillèrent pendant deux heures. Le professeur profita d’une pause pour corriger les copies et les leur rendre lors de la dernière période de cours. Parlez d’une hécatombe serait un faible mot, la moyenne de la classe ne dépassant pas 6,8. Elle tira une copie et dit :

« Voilà la seule copie valable du lot, je vais la lire pour que vous compreniez :

            « Mes amis, mes camarades, il est terrible, il est terrible de voir un homme qui a faim. Vous le dirais-je ? J’ai vu ce matin un homme qui avait faim. Cet homme en a volé son pain pour calmer sa faim. Cet homme, mes amis, n’était plus un homme, il était le spectre de la misère, d’une misère qui crie à la face du temps sa froide et lugubre colère. Car mes amis, mes camarades, la misère n’a pas jugé assez de ravaler cet homme au vol, elle l’a de plus poussé hors des retranchement habituels de son peuple : elle lui a fait toucher du doigt l’opulence des riches ! Et cet homme terrible qui regardait au travers des glaces levées une jeune duchesse et son enfant sans que ceux-ci le sachent, cet homme, mes amis, qui m’avait d’abord parut si vil et miséreux, je sais qui il est, cet homme, mes amis, c’était la France ! La France, ce matin dans le soleil glacé de midi avait trente ans, des boucles d’or et le ventre creux. Or mes amis, vous me direz cela est vraie mais si commun : la France a souvent eu faim elle n’a pourtant rien fait alors. A ceci mes amis, je répond qu’en ces temps-là la France pauvre ne regardait pas la France riche : la fracture sociale était là, on ne voyait pas. Mais si ce peuple brisé, ce peuple outragé, ce peuple martyrisé, venait, comme en 1789, à se libérer, ce libérer par lui-même, alors la catastrophe sera inévitable et nous connaîtrons encore la furie, la barbarie, la tyrannie de quelques Robespierre, Marat ou Danton. Cependant mes amis, nous pouvons encore renverser la calèche, nous pouvons relancer une nouvelle justice sociale par le travail en permettant à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus, en instituant une sorte de caisse de sécurité qui indemniserait les travailleurs malades, les travailleurs trop vieux, les femmes enceintes, les familles nombreuses et prouverait que le mot Fraternité n’est pas seulement sur nos portiques dans le but de nous disculper mais pour rappeler à chacun que la France doit, elle en a le devoir, d’aider, de protéger et d’assurer secours et assistance. En effet mes amis, mes camarades, le pays des Lumières, celui qui a allumé et a tant de fois ravivé le feu de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité sera-t-il celui qui l’éteindra ? Non. Car si nous le faisions nous nous discréditerions nous-même et nous forcerions le peuple à ce monter contre nous afin de préserver les acquis pour lesquels il a tant de fois versé de sang. Sachez mes amis que notre peuple se sait résistant, résistant face à une Europe de Monarchie absolue, il se sait le bastion de la Liberté, il se sait le gardien d’une flamme sacrée : la flamme de la résistance face à l’injustice sociale et sait que quoi qu’il advienne la flamme de cette Résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ! Alors je n’aurais qu’un mot pour conclure et vous priez de sortir enfin la France de cette abyme de perplexité, de ce gouffre d’incertitude dans lequel elle s’enfonce comme Napoléon s’enfonça en Russie. Lui avait Talleyrand pour l’aider à se sauver, aujourd’hui soyez les Talleyrands de la France et sauvez-là. Si vous voulez encore éviter le pire… »

_Voilà une très bonne copie, elle n’a que deux défauts : l’écriture est à améliorer et la copie est anonyme. Qui l’a écrite ?

_C’est moi, fit James en levant la main.

_Pourquoi ne pas avoir mis votre nom ?

_J’ai oublié.

_Cet oublie te coûtera 2 points, dommage. Mais prenaient exemple sur lui, vous autres, vous en avez bien besoin. »

« Comment as-tu fais pour décrocher un 16 avec des pénalités ? questionna Pierce.

_J’ai brossé la prof dans le sens du poil si l’on peut dire.

_C’est-à-dire ?

_J’ai fait un texte de communiste, tous les profs sont communistes au fond d’eux-mêmes.

_Filou. 

_Depuis quand James est capable de travailler normalement ? demanda Phoebe.

_Mais je sais travailler sérieusement normalement aussi, ce n’est pas parce que je ne le fais qu’exceptionnellement que je n’en suis pas capable.

_Le mot sérieux est peut-être un peu excessif, non ? coupa Pierce.

_Ce n’est pas faux, répondit Phoebe.

_C’est excessif que tu ne comprennes pas ? s’enquit James.

_Ou sérieux, l’interrogea Pierce.

_Arrêtez. »

« Monsieur Harkes, 12, passable mais encouragent.

_Merci, madame. 

_Mademoiselle Harkes, 10, légèrement insuffisant, vous pouvez mieux faire.

_Merci, professeur. »

« Aucun commentaire.

_On a rien dit. »

                Elle se renfrogna et se plongea dans sa copie.