Sur les toits, la tension était à son paroxysme. Chaps et Shô Senkami s’était mis en garde face à Shin, la provocation était claire. Shin enleva sa veste, s’étira rapidement puis prit une posture de combat. « Effrayant » fut la première pensée qui germa dans l’esprit d’Aspidistra. Shô et Chaps échangèrent un sourire énigmatique puis attaquèrent…
James continuait d’écrire. Il s’arrêta un instant et étudia à nouveau les autres élèves du coin de l’œil. « Une mise en abîme ? Et si je poussais le vice jusqu’à lui faire réellement raconter une histoire ? Le thème de la rencontre me permet d’exprimer toutes les idées que je pourrais avoir et de décrire tout ce que j’ai appris, mais d’abord essayons de nous faire plaisir… » Sa plume glissa dextrement sur la feuille :
« Je laisse tomber ma tête en arrière, mes yeux se ferment, je soupire calmement, déjà je me suis redressé, j'ai empoigné mon stylo, j'ai attrapé mon cahier, la plume sur la page glisse fébrilement, chaque mot semble une goutte de sang, j'écrit en rouge, qui ruisselle dans une vaste plaine blanche faisant germer à chaque goutte une fleure et une larme... »
James tira un calepin qui lui servait d’agenda et en sortit une feuille de papier froissée à l’encre un peu effacée par endroit. « Finalement cette petite page que j’avait griffonné en quatrième va me servir.
« " Le vent froid glaçait les gouttes de pluie avant la fin de leur voyage. Le col remonté, l'écharpe nouée autour du cou, la gabardine tombante, j'avançais difficilement, devant à chaque pas écarter un amoncellement impressionnant de neige. Fatigué, je décidais de faire halte quelques instants sur un de ces bancs publiques, un de ces bancs vert. " Soudain, alors que je me tournais pour me protéger d'une bourrasque de vent, je la vis et restais immobile, fasciné, impressionné.
Elle semblait glisser sur la neige tant sa démarche était gracieuse, souple, angélique. Elle gambadait sur ce chemin vide avec une élégance que personne, dont je me souvins, ne pouvait égaler, tant par la beauté que par la facilité. Ses mouvements étaient si rapides et si bien coordonnés que j'avais peine à les suivre. Sa chevelure blonde dansait autour d'elle, semblable à mille flammes, formant une auréole dorée qui illuminait sa charmante ligne et en faisait ressortir un peu plus toutes les grâces.
" Elle avançait vite, plus que vingt mètres, la peur s'installait en moi, plus que dix mètres, peur de déplaire, plus que cinq mètres, peur de voir son sourire se transformer en une si douce et si cruelle moue, elle me tracassait tant que si ma volonté de continuer à la contempler n'avait été si forte je me serait enfui me maudissant intérieurement. Mais, enfin, le temps sembla s'arrêter, elle passa, sa tête se détourna, me scruta, et alors que la peur me prenait au corps, un sourire tout simple mais si beau si frais que je crut en le voyant prendre un rhume de coeur, vint éclairer son doux visage
" Depuis, je cherche, comme le prince avec la chaussure le pied, dans les yeux la lueur. Elle vous rend aveugle ou amoureux, rêve ou homme-chien, elle a cette façon de ne rien dire qui parle au goût des souvenirs, pour elle les mots sont sans valeurs, et l'amour aussi. Et pourtant je suis tombé en esclavage de ce sourire..."
Voilà. J'ai écrit une première approche maintenant il faut la décupler, lui donner de la valeur, de la force, de la vie...
Midi sonne, je m'arrête, je repousse la chaise et je m'assoie devant l'ordinateur : il faut que je fasse une recherche sur Baudelaire et sur ses fleurs du mal. Hier je les ai littéralement dévorées : ce poète était un véritable génie, je n'avais jamais lu rien d'une semblable beauté depuis le livre des Psaumes, jamais. Ce fut un véritable voyage dans le spleen et le désespoir :
Amer savoir celui que l'on tire du voyage, notre monde monotone et petit nous fait voir aujourd'hui, hier, demain notre image : une oasis d'horreur dans un désert d'ennui. Magnifique. »
« Et le pire, c’est que je le pense. Comme quoi l’écrivain ne va pas chercher les références de ces personnages bien loin, » pensa-t-il.
« Midi et quart, mon regard rencontre la Bannière de la Troupe, je le détourne il se pose sur mon chut et en arrière-plan mon staff, je le réoriente et il se braque sur ma croix, des larmes me viennent alors que je m'écroule sur mon lit. »
Shin para difficilement un coup de pied de Shô, dévia de justesse un jab de Chaps mais ne put esquiver son coup de point au corps. Une vive douleur se fit sentir dans le bas du ventre, sa vision se troubla et il sentit qu’il tombait en avant, dans un ultime effort, il ferma son poing droit et frappa au jugé, le coup prit Shô par surprise et le força à reculer.