« Alors ?
_ Légère blessure au pied droit et à la main gauche.
_ Il pourra jouer samedi ?
_ Théoriquement… non mais vous savez tous ce qu’il fait des statistiques…
_ Je les envoie paître. Salut tout le monde !
_ Shin, tu ne devrais pas être à l’hôpital ?
_ Non, ils m’ont donné une paire de béquilles et m’ont permis de partir…
_ Ils t’ont vraiment permis de partir ?
_ Je les ai peut-être un peu aidés dans leur décision.
_ Traduction tu as fait le mur, c’est ça ?
_ Oui.
_ A se demander ce que l’on fera de toi. »
La porte s’ouvrit à la volée et le capitaine Hans Van Halem du club d’escrime, 11ième membre de la chambre des treize, fit son apparition sombre et majestueux dans son bel uniforme blanc drapé de nuit et d’éclats de soleil touchant à contre jour.
« Les activités des organisations sportives et culturelles sont annulées jusqu’à nouvel ordre, toutes les manifestations prévues sont suspendues et si vous avez des réclamations ce n’est pas à moi de les entendre, au revoir. »
« Je crois qu’il n’est pas de bonne humeur.
_ C’est le moins que l’on puisse dire.
_ Vous pouvez réfléchir deux minutes à ce qu’il a dit ?
_ On ne pourra plus s’entraîner.
_ On ne pourra pas jouer le match face à Seattle. »
Un long et pesant silence suivit cette déclaration.
La pression était palpable entre les élèves, les enseignants et les capitaines qui étaient parfois violement pris à partie par des membres des clubs suspendus. L’annonce du retour prochain du directeur – le lendemain – n’apaisait pas les esprits et semblait même motiver une plus grande rigueur du corps professoral.
Un autre sujet de discussion animait cependant le groupe de la 2-7 : les nouvelles – et voyantes – blessures de Shin.
« J’aimerai bien savoir comment cet idiot a fait. »
La réplique de Roman était autant destinée au groupe qu’à Shin qui somnolait dans un coin du toit.
« Je m’intéresse plus à l’identité de celui qui le lui a fait, » convint pour sa part John qui avait été plus ou moins adopté par le groupe suite à sa défaite contre Shin.
« Je ne vois qu’une personne qui ait une raison de s’attaquer à lui et qui soit assez fort pour lui faire ça.
_Qui ? »
Charles Enscure jeta un coup d’œil à Shin avant de donner sa réponse.
« Wladimir Jelhinsin. »
Personne ne lui répondit. Leila finit par rompre le silence de sa voix douce comme du velours mais profonde comme un abîme.
« Wladimir boitait ce matin, son visage porte une marque de sabre, sa main gauche reste constamment dans sa manche et il porte des bandages sous sa chemise. S’il a eu lieu, le combat a été rude pour l’un comme pour l’autre.
_Bien sur, idiote. Shin ne se laissera jamais battre sans riposter… »
Tous se figèrent.
« Cette voix… Lué ! Où est-elle ? Ça vient de l’escalier tout en paraissant venir de plus haut. Le toit ! »
Lué sauta depuis le toit recouvrant l’escalier, retombant au milieu d’eux avec la légèreté d’une plume.
« Vous en avez mis du temps à vous rendre compte de sa présence. »
Shô souriait en montant les dernières marches, deux paniers repas dans les mains.
« Tiens Shin, attrape. »
Shin réceptionna le panier de son bras valide et commença à l’ouvrir pour se restaurer.
« Tu as été transférée ici, Lué ? Pour me surveiller ou pour me frapper plus facilement ? Shô pourquoi as-tu prit un sandwich à la moutarde ?
_Je suis là pour parfaire mon éducation, jeune frère raté. Et accessoirement pour essayer de veiller plus consciencieusement que toi sur une certaine personne… »
Elle souffla le reste de la phrase à l’oreille de Shin.
« Aspidistra. »
Il n’eut aucune réaction visible mais autant Shô, Chaps que Lué sentirent que sa colère montait.
« Qui ? »
La question de Shin était en fait plus un ordre qu’autre chose mais Lué n’y prêta aucune attention.
« Tu sais déjà de qui je veux parler. »
Le visage de Shin s’assombrit encore un peu plus mais il se renfrogna et détourna le regard tout en commençant à manger.
Roman, Shô, Pierce, John et Chaps jouaient tranquillement aux cartes pendant que Phoebe discutait avec Aspidistra, Leila et Lué et que Kate et James reprenaient ensemble la nouvelle de ce dernier. Shin ruminait dans son coin. Hans arriva enfin – une bonne demi-heure après le début de la pause déjeuner – son air sombre et la fatigue qui se lisait sur son visage, mêlé d’énervement et d’une profonde lassitude n’enjoignirent personne à lui adresser la parole, même Leila ne montra qu’une passion toute retenue envers son amant. Ce dernier s’avança majestueusement jusqu’au cercle des joueurs, s’assit en tailleur à côté de Pierce, tira un petit manuscrit, croisa délibérément le regard de James qui sembla hocher la tête à contrecœur puis prit les cartes des mains de Pierce et lui glissa le manuscrit. Pierce tourna et retourna l’objet, l’ouvrit, fit un clin d’œil interrogateur à Hans puis commença à lire.
« Qu’est-ce que c’est ? »