La tension dans le vestiaire était palpable, chaque joueur semblait écraser par la pression et par l’excitation d’avant match. Pierce frappait tour à tour sa main par l’autre pour s’échauffer. Ekichi passait de joueur en joueur prodiguant des conseils et des recommandations de dernières minutes. Personne ne parlait à part lui, chacun de ses mots résonnant dans la pièce comme par écho atteignait chacun d’une certaine manière. Pierce se leva, fixa chacun de ses coéquipiers un par un, enfila son brassard rouge de capitaine sur la manche noire de son maillot, puis prit la parole.
« Nous avons aujourd’hui le droit de jouer face à l’une des meilleurs équipes féminines du pays. Faisons de notre mieux. Rien ne pourra être plus agréable et plus respectueux pour nos adversaires. N’oubliez pas nous ne jouons pas pour nous, nous ne jouons pas contre elles, nous jouons pour le plaisir. Messieurs êtes vous prêt ?
_Oui ! »
Tous c’étaient levés d’un même mouvement.
« Ready…
_… fight ! »
Le vestiaire du club de tennis était calme, Pat vérifiait machinalement la tension de son cordage, Lleyton s’étirait en chantonnant un refrain populaire. Deux autres joueurs s’entraidaient pour des exercices musculaires. Jimmy entra, salua distraitement puis afficha l’ordre de passage des joueurs avant de ressortir prestement. Pat s’approcha de la feuille.
« Lleyton, on joue le deuxième match.
_Qui est en premier pour les simples ? »
Pat tendit la main vers son partenaire et celui-ci lui lança une bouteille d’eau.
« Jimmy puis John et en dernier Shin… »
Les deux équipes se saluèrent et se serrèrent la main. D’un côté, tout en rouge, l’équipe de Thomas Jefferson, de l’autre, en blanc et noir, l’équipe féminine de l’Université de Seattle. Pierce gagna au sort et choisit l’engagement. Chris passa le ballon à Brian et le match débuta. Jimmy rejoignit dans les gradins John entouré de tout le groupe de la 2-7.
« Il fait jouer Shin au milieu ?
_Oui.
_Pourquoi on les fait jouer contre des filles ?
_Parce que se sont les meilleurs joueuses du circuit universitaire national.
_Ça commence mal ? »
Les filles avaient récupéré le ballon et lançaient une contre-attaque fulgurante. L’ailier centra pour la numéro 11 qui dévia de la tête vers la numéro 9 qui fusilla à six mètres Pierce, prenant de vitesse Paolo.
« 1 à 0, souffla James.
_Non, » coupa Phoebe.
Franck avait sentit le coup et c’était placé sur sa ligne de but. Il repoussa la balle du pied. Pierce le remercia en levant son pouce.
« Je t’en dois une.
_Paie moi un block à la fin du match. »
Cinq minutes plus tard, la première action concrète de leur équipe fut l’œuvre de Chris. Placé à l’entrée de la surface, il reprit un centre de Diego suite à un décalage de Shin. Frappé avec force, la balle s’écrasa sur la barre, Brian la passa à Shin de la tête, celui-ci voulut la récupérer de la tête mais le goal l’en empêcha.
Le match s’éternisa. Pierce et Franck sauvèrent plusieurs fois leur équipe de justesse, Tony et Paolo les y aidant de leur mieux. Mais ils ne parvinrent pas à marquer. En deuxième mi-temps l’équipe de Seattle marqua un but puis deux. Ekichi fit alors rentrer en même temps Michael à la place de Brian et Geoff à la place de Chris, Shin passa attaquant. Il ne restait que quinze minutes à jouer. Paolo et Diego parvinrent à déborder sur le côté gauche, Diego centra en retrait pour Michael qui décala Geoff sur la droite. Ce dernier, profitant d’une erreur de marquage de la défense, enroula sa frappe depuis l’entrée de la surface dans la lucarne adverse. Le match devint plus physique que jamais, Gianni remplaça le premier des frères Bobby alors que le second – Roger – venait secondait la défense. Les joueurs étaient à bout de force.
Franck entendait à peine les clameurs du public. Ses dribles, ses accélérations, ses tacles, et il y a eu beaucoup, l’ont vidé de son énergie. Ses jambes martyrisées par les crampes lui faisaient mal. Un choc avec une des ses adversaires lui a ouvert la lèvre et lui a laissé un goût de sang dans la bouche. Il reste encore trois minutes à jouer… trois minutes à tenir… trois minutes à souffrir…
C’était à ce moment-là que Geoff s’empara du ballon sur la ligne médiane. Sans réfléchir, presque par réflexe, Franck s’élança derrière lui. Il se traîna plus qu’il ne courut vers les buts adverses. Geoff, à quelques mètres de là, semblait incontrôlable. Il a déjà driblé un, puis deux puis trois défenseurs. En bout de course, esseulé dans un coin du terrain, il parvint à expédier le ballon en retrait. Franck voit le ballon arrivait droit sur lui. Il n’en voulait pas… il n’avait plus de force… il avait mal… il ne pouvait pas frapper…
« Marque, Franck ! »
Les mots de Pierce le touchèrent de plein fouet. Libérant son dernier soupçon d’énergie, il frappa… Instant irréel où le ballon s’éleva doucement des pieds de l’attaquant vers les filets des cages adverses… Et les filets tremblèrent ! Franck, le souffle court, leva mécaniquement les bras puis, réalisant son égalisation, courut bouche ouverte, bras écartés vers Pierce, suivit de toute l’équipe. L’arbitre regarda sa montre puis siffla la fin du match.
« C’est à nous, » annonça Jimmy en se levant.
Shin se changea prestement dans les vestiaires puis gagna rapidement les courts de tennis pour la rencontre du club. Le premier double commença. Shin s’endormit contre l’un des arbres du lycée. Les deux doubles furent rapidement remportés par l’équipe de Jimmy. Ce fut alors au tour de celui-ci d’entrer sur le court.
« Probabilité qu’il gagne le match ? demanda Lleyton.
_99,99 %, » répondit Pat.
Avant de commencer les deux participants se serrèrent la main par-dessus le filet.
« Tu ne gagneras pas ce match. Je maîtrise chaque adversaire aussi facilement que s’il était un débutant.
_Si tu y crois. »
Le match débuta. Jimmy était étincelant, dominant son adversaire de toute sa supériorité tactique, technique et physique. Lorsqu’il sautait pour reprendre une balle à la volée, on aurait dit un ange tout de blanc vêtu et laissant flotter ses longues boucles d’or. Quand la dernière balle retomba après un ultime smash, Jimmy souffla :
« Face à moi, la maîtrise n’est rien… »
La voix impartiale de l’arbitre retentit alors, mettant fin par avance à toute récrimination.
« Jeu, set et match Jimmy Trabert de Thomas Jefferson 6 jeux à 0. Victoire Thomas Jefferson 3 matchs à 0. »
Phoebe attendait Jimmy à sa sortie du terrain. Elle lui tendit une serviette.
« Tu t’en es bien tiré en définitive, bravo. »
Il posa sa tête sur son épaule.
« Merci. »
Elle rougit. Pierce prit Shin toujours endormi sur son épaule puis souffla à John.
« On va les laisser. »