Let It Be est le dernier album publié par les Beatles. Enregistré avant Abbey Road, Let It Be ne paraît que le 8 mai 1970, soit plus d'un an après son enregistrement. Au moment de sa sortie, le groupe était déjà officiellement séparé, depuis une annonce faite par Paul McCartney le 10 avril de la même année.
C'est par ailleurs le seul disque du groupe où George Martin, quoique présent au début du projet, n'est pas crédité en tant que producteur. Celui-ci étant l'Américain Phil Spector dont le travail en mars 1970 sur des bandes pour la plupart enregistrées en janvier 1969, fut sujet à controverse. Ce qui entraîna 33 ans plus tard la publication d'une version « déspectorisée » : Let It Be... Naked.
Toutes les chansons de Let It Be datent de janvier 1969 et du projet Get Back qui s'acheva pour les Beatles par un concert (dont certains passages sont présents sur ce disque) « privé » sur le toit de l'immeuble de leur compagnie, Apple le 30 janvier 1969 en compagnie de Billy Preston aux claviers, et par des enregistrements supplémentaires dans leur studio de fortune quelques étages plus bas, le lendemain.
Le groupe répéte tout d'abord dans une ambiance délétère, du 2 au 16 janvier dans les studios de cinéma de Twickenham. George Harrison, excédé, décide de claquer la porte puis revient après d'âpres négociations où il fait valoir son point de vue : pas question, notamment, de se produire en public! Mais le guitariste des Beatles ne revient pas seul : il invite un vieil ami, le pianiste et organiste Billy Preston, rencontré au début des années 1960 à Hambourg (il officiait alors avec Little Richard) à les rejoindre. Sa présence fera beaucoup de bien aux quatre musiciens.
Les Beatles quittent Twickenham et rejoignent le siège de leur compagnie, pour s'installer avec Billy Preston au sous-sol de l'immeuble dans des conditions rocambolesques : la réalisation de leur studio a été confiée à un véritable charlatan, le dénommé « Magic Alex » (Alexis Mardas), personnage très influent à un moment donné dans l'entourage direct du groupe. Lorsqu'ils découvrent le résultat, le 20 janvier, ils tombent des nues : Mardas a prétendu construire le premier 72 pistes de l'histoire, mais il n'a que... disposé 72 baffles (un pour chaque piste!) autour du studio où rien n'est prévu pour des conditions normales d'enregistrement. Sa console de mixage, ouvragée au marteau est bonne pour la poubelle. Ou plutôt, sera revendue 5 livres sterling à un magasin de seconde zone!. Deux machines quatre pistes sont ainsi empruntées en catastrophe à EMI, le cablage est réalisé, et les Beatles se mettent au travail, avec l'ingénieur du son Glyn Johns aux manettes. A partir du 22 janvier, et jusqu'au dernier jour du mois en passant par leur fameux « Rooftop concert », le groupe, accompagné de son claviériste américain, enregistre donc toutes les chansons qui figurent dans ce disque.
Le principe du projet est donc le suivant : revenir aux origines, jouer « live » comme un vrai groupe de rock'n'roll, bannir tout ajout en studio, interdire le mot overdub ou les trucages en tous genres dénommés « Watchamacallit » (what you may call it/quelle que soit la façon dont tu l'appelles) par John Lennon. De plus, le tout sera filmé. Pourquoi ? Pour un futur show télévisé ? Pour montrer des répétitions avant un concert ? Pour que l'on voie les Beatles en train de créer un album ? Et si un concert doit être organisé, où et dans quelles conditions ? Le groupe a beaucoup de mal à se mettre d'accord sur les tenants et aboutissants du projet.
Quoi qu'il en soit, l'album en préparation doit s'appeler Get Back et une photo est même prise, montrant les Beatles en contre-plongée dans les étages des locaux d'EMI et dans la même position que 6 ans plus tôt pour la pochette de leur premier disque, Please Please Me — La photo sera finalement utilisée en 1973 pour la compilation bleue, 1967-1970.
Le mois de janvier 1969, qui commence donc pour les Beatles dans l'univers froid des studios de cinéma de Twickenham sous l'œil de caméras captant une atmosphère délétère, et s'achève au 3, Saville Row à Londres, siège de leur compagnie, est au final désastreux pour un groupe en train de se disloquer. Le résultat sonore déplaît tant aux Beatles que les bandes sont mises au placard. Le 4 mars 1969, l'ingénieur du son Glyn Johns est appelé par le groupe pour mixer un album à partir des bandes existantes. Johns compile alors plusieurs versions des chansons de ce futur disque, enregistré live en studio et sur le toit de l'immeuble Apple, mais le groupe n'est pas satisfait du résultat. Le travail de Glyn Johns est rejeté. Il en sera tout de même issu le single Get Back/Don't Let Me Down le 11 avril 1969.
Au final, les Beatles décident de retourner aux studios EMI d'Abbey Road à l'été 1969 pour enregistrer leur dernier véritable disque, Abbey Road, publié le 26 septembre 1969.
Seule une chanson de l'album Let It Be, I Me Mine de George Harrison, répétée au début du projet Get Back, sera finalement mise en boîte les 3 et 4 janvier 1970 (en l'absence définitive de John Lennon), marquant l'ultime enregistrement des Beatles.
Alors que les Beatles sont déjà officeusement séparés, en mars 1970, leur manager Allen Klein, suivi par John Lennon et George Harrison décide de confier les bandes du projet Get Back au producteur américain Phil Spector, qui ajoute chœurs féminins, arrangements de cordes, effets sonores à ces chansons qui devaient rester « brutes ». En entendant le résultat sur son titre The Long and Winding Road, Paul McCartney, qui n'a pas été consulté, pique une énorme colère. Il expédie une lettre adressée à Allen Klein chez Apple dont les derniers mots sont « Ne refaites plus jamais ça ! ».
Cela ne retira rien au succès de cet album ayant finalement pris le nom d'une autre de ses chansons phare, et des titres Get Back, Let It Be, The Long and Winding Road, tous N°1 des deux côtés de l'Atlantique.
Let it be... naked.
Revanche pour Paul McCartney en 2003. Après avoir obtenu le consentement de Ringo Starr et de George Harrison, il fait publier une version dénudée des artifices de production de Phil Spector. Let It Be... Naked est un disque qui s'accorde donc avec le projet original, où l'ordre des morceaux est modifié, et où Don't Let Me Down (sorti en 45 tours en avril 1969) de John Lennon est inclus. Pour dramatiser l'objectif à la fois de retour aux sources et de simplicité voulue, sa pochette reprend les négatifs des photos de Let It Be et en noir et blanc.
La version fait découvrir que les Beatles en « live » n’avaient à cette époque rien perdu de leur cohésion initiale, et avaient même, pour peu que le mixage fût bien fait, un son qui ne cédait rien en qualité et en simplicité à celui de leurs tout premiers albums. Le résultat fera dire à un critique américain, à propos de Phil Spector qui se débat au même moment (2003) avec la justice dans une accusation de meurtre : « Après avoir entendu cet album Let it Be... Naked, je me rends compte que Spector s’était rendu coupable de bien plus grave que le meurtre dont on l’accuse. »
Après la sortie de Let It Be… Naked, en 2003, les critiques ont considéré ce disque comme la version « dé-spectorisée » de l'original album Let It Be.
L'album reçut des avis divergents de la part de la presse musicale. Certains ont fortement critiqué la suppression du dialogue entre les chansons, qui était originellement censé faire partie de Get Back et de l'album Let It Be.