Les éclats rougeoyants de l’agonie quotidienne des derniers feux du soleil couchant dessinaient sur le visage d’Angelina des motifs enjôleurs : la courte natte de ses cheveux couleur corbeau dansait doucement dans son dos alors que la frange noire et or qui ombrageait son front noyait ses yeux clairs et fiers dans une obscurité insondable. Une veste brune négligemment jetée sur les épaules masquait une taille fine et attirante, une sacoche portée en bandoulière dont la sangle rehaussait une poitrine abondante semblait être son seul souci à cette minute. Sa marche vive et déterminée laissait entrevoir par instant des jambes exquises, douces et longues. Elle passa devant un petit restaurant de quartier accueillant : une douce mélodie s’élevait encore alors qu’elle s’éloignait. Elle repensa à la soirée de la veille : avec des amis ils étaient venus prendre un peu de bon temps dans ce petit estaminet. Un jeune garçon jouait du piano pour créer cette ambiance si particulière. Au bout d’un moment, elle demanda à un de ses amis qui appréciait tout particulièrement la musique classique quelle composition était interprétée. Les danses hongroises de Brahms…
Elle se retourna, sa bouche se figea dans une expression incertaine alors que ceux qui la suivaient s’évanouissaient dans l’ombre d’une ruelle… Les gangs, elle se renfrogna, ne la laisseraient donc jamais tranquille : quel désespoir parfois que d’être belle ! La moitié des mauvais garçons qui les composaient ne rêvaient même pas, pour la plus part, d’obtenir un jour un sourire d’elle, non, le problème venait de l’autre moitié : certains osaient même lui faire des propositions… Elle reprit sa route vers l’appartement qu’elle occupait avec ses deux sœurs : Nathalie – l’aînée – et Marilyne – la deuxième. Elle devait dormir, demain se serait la rentrée au lycée et il faudrait qu’elle soit prête…
Quelqu’un s’approcha d’elle, se détachant d’un mur sombre, l’allure menaçante. Elle le regarda s’arrêter sur sa route puis remarqua qu’une autre personne la suivait à nouveau. Elle resta sur place et fit face. Ils étaient trois à présent. L’un d’eux s’avança et l’attrapa par le bras. Elle se débattit et il lâcha prise pour mieux pouvoir la frapper au visage. Le coup ne l’atteignit jamais : un quatrième homme stoppa le poing de l’agresseur en pleine course et riposta sans sommation ouvrant une brèche dans l’étau. Ses longs cheveux couleur nuit dansaient autour de lui. Sans lui jeter un regard, il pivota pour se mettre en garde devant les autres larrons. Il ne souffla mot mais elle sut instinctivement ce qu’il voulait dire. Elle prit ses jambes à son cou et s’enfonça dans la première ruelle à sa droite alors que dans le même temps son sauveur se jetait en avant…
Il y eut un soir, il y eut un matin…