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Titre du blog : Littérature assassine...
Auteur : LazloSprand
Date de création : 23-11-2008
 
posté le 05-10-2009 à 12:54:34

Nouvelle(1)

            Sa maison était une petite bâtisse en bordure d’une petite route de campagne dans la lande anglaise dans la banlieue de Liverpool. L’entretient de la toiture aurait pu être plus poussé mais la majorité des travaux essentiels semblaient faits. J’entrais donc en notant néanmoins l’état de l’encadrement de la porte.

« Voulez-vous une tasse de thé, un café ? »

            Je refusais le plus poliment possible d’un geste de la main. Elle m’invita à m’asseoir dans le salon pendant qu’elle finissait de ranger la vaisselle du petit-déjeuner. Je respectais religieusement un instant de silence et de concentration avant de pousser la porte. Il était là. Ses longs cheveux blancs entourant de neige ses larges épaules. Un masque était fixé à son visage pour le faire respirer, tout un attirail d’instruments et de matériels médicaux fonctionnait autour de lui pour obliger la vie à ne pas l’abandonner. Une guitare folk gisait, posée au pied du lit d’hôpital qui avait été aménagé. Je reconnu au premier coup d’œil la Nash NH55 qu’il avait utilisé lors du mythique concert d’Appel Studio le 6 juin 2012. Mais lorsque j’entrais dans ce salon, Paul Wyss n’était plus que l’ombre pitoyable du génial guitariste et leader des Jeff’s. Ce musicien talentueux souvent considéré comme l’un des meilleurs de sa génération était là devant moi sans y être vraiment. Depuis qu’une voiture l’avait fauché devant les studios d’Abbey Road le 8 décembre 2014, il demeurait prisonnier d’un coma qui durait depuis près d’un an.

            Coma. Le mot était lâché. La presse quotidienne de l’époque avait évoqué un tragique accident de la circulation mais la presse spécialisée ne s’y était pas trompée en annonçant l’explosion en vole d’une légende de la musique moderne. Et me voici dans le salon XIXième d’un petit cottage anglais perdu approximativement entre Liverpool et le comté de Lancashire.

            Autant dire que j’étais nulle part… et cela me gênait profondément. Surtout que je n’étais pas certains de trouver une route praticable pour Londres.

             Je reportais mon attention égarée sur Paul Wyss. Ce sujet était en or. Il allait me permettre de décrocher mon diplôme de journaliste et avec un peu de chance de trouver ou une agence, un journal ou un magazine qui m’embaucherait. Alors un peu de courage que diable, Harry mon ami, il est temps de montrer à ton directeur d’étude que tu vaux mieux que toute la racaille qu’il place sur un piédestal devant toi… c'est-à-dire toute la classe. Je vais lui prouver que même un muet peut être un grand journaliste. Que les dieux du Rock soient avec moi, ainsi que mon ange gardien, Jésus et tous ceux qui le voudront bien.

            Elle entra et me poussa gentiment dans un fauteuil. J’avais griffonné sur une feuille une phrase de politesse : « J’espère que je ne vous dérange pas. » Je la lui tendis. Elle rit.

« Vous me faîtes penser à Paul au début, lui aussi discuter par papier interposé. Mais ne vous inquiétez pas, je ne suis pas comme Paul. Il me répétait souvent : Recevoir un grand nombre de journaliste est un plaisir. Un petit nombre un ennui. Un seul d'entre eux : un supplice. Paul préférait de loin laisser aux autres membres et à Laurence le soin de s’occuper des reporters. »

            Elle marqua une petite pause pour boire une gorgé de thé.

« J’imagine que vous voulez savoir comment j’ai rencontré Paul ? »

            J’approuvais d’un mouvement de tête en prenant mon bloc-notes et en allumant mon magnétophone.

« Avant tout je dois vous prévenir que tout ce que vous pourrez faire ici sera filmé. Mais ne vous inquiétez pas, il n’y a aucune raison pour que ces images soient utilisées un jour. »

Elle s’interrompit et but une nouvelle gorgé.

« Je vais vous raconter la première fois que j’ai vu vraiment Paul jouait de la guitare. C’était le deuxième jour de notre année de seconde. Paul avait, la veille, défendu un jeune collégien contre des voleurs. Ce jour-là un groupe de voyous était venu le chercher à sa sortie. J’allais pour essayer de le trouver quand j’entendis de l’aumônerie monter une triste mélodie.

« Je m’arrêtais. Pour une raison obscure, mon instinct m’indiquait de privilégier cette piste. J’entrai dans l’antichambre de la salle de prière. Un jeune garçon était là, assit sur un banc. Il était clairement visible qu’il avait pleuré pour une raison ou pour une autre et le résultat n’était pas vraiment beau à voir. Une musique douce et intimiste planait dans l’atmosphère tamisée, une voix accompagnait la mélodie :

« Old friends,

Old friends,

Sat on their park bench

Like bookends.

A newspaper blown though the grass

Falls on the round toes

Of the high shoes

Of the old friends… »

« Je m’approchai et découvris Paul jouant de la guitare devant l’étudiant. Son expression était étrangement mélancolique. Il arrêta presque instantanément de jouer et se leva. Il reposa la guitare et, en passant, donna une petite tape réconfortante sur l’épaule du collégien. Il sortit. Je demeurai un instant interdit puis, après un dernier sourire au collégien, je le suivis.

« Aujourd’hui encore quand j’entends cette chanson de Simon et Garfunkel, je revois Paul dans l’antichambre de la salle de prière devant ce garçon sanglotant… »

            Elle me sourit tendrement mais je savais que cette tendresse ne m’était pas destinée directement mais s’adressait plutôt à travers moi à l’homme étendu sur le lit blanc. Son téléphone mobile vibra et elle consulta son message. Elle pouffa puis reposa le mobile.

« J’ai également une surprise pour vous… »

            On sonna à la porte.

« … qui vient d’arriver. Entrez, c’est ouvert. »