Les nuages sombres reflétant la douceur d’une lueur de fin d’été marquaient lentement des immuables empreintes du temps l’imposant édifice de pierre et de tuile aux barreaux de fer et d’acier. Le silence et l’obscurité incertaine sont porteurs de réconfort et de conseils, l’intérieur d’une salle de classe dans la pâle lueur de l’aube a ceci d’émouvant, pour quelqu’un qui n’a jamais été en cours, qu’elle regorge de mystères ainsi que d’une certaine atmosphère à la fois studieuse, décontractée et mystérieuse. Paul ne dormait pas, il s’imprégnait peu à peu de toutes ces informations nouvelles : les yeux fermés, le visage détendu, une cascade de cheveux de jais tombant sur son visage au traits fins et réguliers…
Kate replaça une mèche de cheveux roux qui lui barrait le visage et déposa son sac sur un pupitre de la deuxième rangée. Son physique sculptural et le feu de sa chevelure l’avaient longtemps condamnée à subir les incessantes avances de nombreux minables en quête d’une amourette à la petite semaine. Tout cela avait changé avec sa rencontre d’Angelina, Floyd et, surtout, James qui avaient remis bon ordre à tout cela. Elle se rendit soudain compte qu’elle n’était pas seule comme elle le pensait : un autre élève était présent, assis dans un coin, de longs cheveux semblables à un voile de velours noir cachaient son visage, l’uniforme bleu marine était impeccable mais quelque chose d’étrange semblait émaner de lui : une sorte d’aura de tristesse et de crainte comme s’il cherchait à extérioriser une peine profonde. D’abord étonnée qu’un autre élève arriva, comme elle, largement en avance pour le début des cours, elle s’avança vers lui mais au moment où elle allait lui parler il releva la tête, lentement bougea et arrêta son doigt devant sa bouche pour lui intimer le silence et planta ses yeux rouge sang dans les siens…
Une légère brise caressa la joue de James alors qu’il entrait dans la cour du lycée. Il estima rapidement la situation dans laquelle il se trouvait : il allait encore une fois se retrouver dans la même classe qu’Angelina et Floyd, heureusement que Kate serait également avec lui. La vie ne serait de toute manière pas aussi amusante sans ces trois là – surtout sans Kate. Deux jeunes lycéennes se retournèrent sur son passage mais il n’en avait cure : ses cheveux châtain coupés mi-court laissaient entrevoir un front fier et droit. Il avait tout du dandy de la beauté par omission et raffinement à l’intelligence et la culture par goût de contradiction et esprit d’anticonformisme, de fait ses références étaient d’un hétéroclisme rare chez une personne de son âge et il aimait particulièrement cet aspect de sa personne. Plus frêle que Floyd il le dépassait de quelques centimètres. Il poussa la porte de la salle alors que la cloche sonnait. Trois personnes étaient déjà présentes. Angelina et Kate discutaient assises au deuxième rang. James les embrassa avant de jeter un coup d’œil à la troisième personne : leur regard se croisèrent et il ne put réprimer un frisson…
La sonnerie cristalline retentit dans le dojo stoppant chacun dans ses ultimes efforts. Seuls deux sabres brisèrent encore le silence. Debout, haletant frénétiquement, les mains serrées sur son épée à en saigner, Floyd fixa William mais le capitaine du club d’escrime, membre du conseil de surveillance du lycée , l’avait encore une fois dominé. La rentrée n’était effective qu’en ce jour mais la plupart des clubs avaient profité de la prérentrée administrative pour reprendre leurs activités depuis quelques jours. Décoiffant ses cheveux blonds en passant sa serviette sur sa tête, il poussa un soupir de frustration, agrippa son sac de cours puis tout en reboutonnant sa veste d’uniforme il gravit quatre à quatre la volée de marche, sa foulée athlétique rappelant celle du tigre. Ses yeux bleus métalliques parcoururent condescendants mais néanmoins méthodiques l’assemblée de ses condisciples qui allaient partager avec lui la même classe durant un an. Angelina, James et Kate en étaient, dans un coin il remarqua un grand, cheveux longs et uniforme impeccable, une choses retinrent son attention, la couleur des yeux de l’inconnu : pourpre comme une malédiction…
La méditation de Paul fut interrompue par l’entrée d’une première jeune fille dont la chevelure semblait être enflammée, puis par une seconde qui lui rappelait vaguement quelqu’un, la sonnerie carillonna, la salle peu à peu se remplissait. Peu après le professeur entra suivit d’un ultime retardataire. Paul se leva dévoilant son mètre soixante-quinze et laissant apparaître au travers de ses cheveux, qu’il recoiffa en arrière, des yeux couleur sang. Il remarqua les jumeaux : Phoebe, une jeune fille timide et aux cheveux d’un blond pur coupés en carré portant une robe bleu marine et une veste rouge et blanche et Pierce, un garçon pareillement blond mais plus espiègle, vêtu de manière exceptionnelle de l’uniforme – réglementairement obligatoire mais très peu appliquer dans les faits – en ce premier jour de cours. Il leur fit un signe de tête discret mais il n’alla pas vers eux. Lentement il regagna sa place au troisième rang dans le coin gauche face au bureau du maître et à côté de la fenêtre, personne n’était assis à la même table.