Bureau du juge Lee T. Cochrane.
"Le fauteuil est mou, l'air est glacée et pourtant le whisky est chaud, impensable," songeais-je. Je tournais et retournais le verre sous mes yeux pour comprendre la cause de se sacrilège.
"Vous avez compris votre boulot, me répéta l'estimable magistrat, ou dois-je répéter ?
- J'ai compris, répliquais-je. Vous voulez que je retrouve Mlle Angelina M. King, que je lui remette l'assignation à comparaître que vous venez de me donner et au mieux que je vous la ramène afin que soient tirés au clair certains dossiers relevant de vos occupations, n'est-ce pas ?"
Il opina du chef.
"Je suis votre homme," répondis-je à son silence patient, sans une once d'enthousiasme.
Je pris les documents, retirais mon port d'arme et remplis les documents administratifs que me présenta l'assistant du juge puis je sortais du tribunal et m'engouffrer dans la Mercedes noire qui m'attendait en bas des marches.
« Les affaires reprennent, mon petit John, enfin pour toi, elles commencent. »
John était mon assistant et mon coéquipier à l'agence internationale de détective, AID, plus connu sous le nom de DIA et dirigée par le célèbre Richard Allan Dulles pour la section américaine, M. et Mme Parmel pour la section britannique et M. Lurot pour la section française. John était sûrement un chic type mais je ne le connaissais pas encore assez pour pouvoir l'assurer. Nous ne faisions équipe que depuis seulement quelques jours et cette recherche sera notre première véritable mission de l'équipe. Quelque chose me gênait dans cette histoire et cela n'avait rien à voir avec l'inexpérience de mon coéquipier. Non, le mal était plus profond et plus pernicieux que cela : je connaissais Mlle Angelina M. King. Je la connaissais depuis le jour où elle avait été amenée dans l'orphelinat où je me trouvais après la mort de sa mère. Elle avait trois ans. Nous restâmes dans cet établissement jusqu'à mes 15 ans, elle en avait 14. Puis en trois heures, nous trouvâmes chacun une famille pour nous accueillir. Nous pûmes garder contact du fait que les deux familles habitaient dans la même ville bien que tout nous sépara : son père adoptif était un riche entier qui avait fait fortune et cultivait sa réussite alors que ma famille d'adoption faisait plus partie de la classe moyenne. Nous fîmes nos études ensemble jusqu'à la faculté lorsque je décidai de faire du droit alors qu'elle allait à Yale pour étudier l'histoire de la littérature.
La vie s'écoulait pour ainsi dire normalement jusqu'à ce que le père adoptif d'Angelina ne soit assassiné par balles en pleine rue.
Je perdis par la suite peu à peu contact avec elle ne pouvant étoffer son désir de vengeance et ses questions.
« Où allons-nous ? Interrogea John.
- Au bureau, je dois vérifier une chose ou deux. »
Un quart d'heure plus tard, je descendis, sortit un paquet et pris une cigarette, l'allumais et entrais.
« Attends moi la, je reviens vite, » criai-je à John. Celui-ci croisa les bras derrière sa tête et ferma les yeux pour somnoler en écoutant ses messages sur son portable.
Je saluai le gardien, me glisser dans mon bureau, mettait en action mon ordinateur et feuilleter distraitement le manuel pornographique que Jim, un collègue, avait déniché en enquêtant sur le mari d'une cliente.
« Son journal intime, » me précisait-il en riant.
Je flanquai Jim à la porte et ouvrai une page Internet. Quelques cliques et jurons plus tard, je dénichai les informations que je voulais. Je me laissais aller vers l'arrière de ma chaise et prenait une flasque argentée dans ma veste. J'imprimais la page de renseignements, mis ordinateurs dans une mallette et réajustai mon noeud de cravate. Puis je sortis, sur le pas de la porte, au moment d'éteindre la lumière, je passais ma main dans ma veste et caressai la crosse de mon revolver. Comme le disait mon premier coéquipier qui m'avait appris les ficelles du métier : « on est toujours mieux compris lorsque l'on est poli et armé que lorsque l'on est simplement poli. » Je souris et soupirai tristement...
John ne broncha pas quand je lui indiquai la destination. Il fut néanmoins plus circonspect lorsque je le fis arrêter dans la banlieue tranquille à côté d'une petite église évangéliste.
« Vous croyez que c'est le moment idéal ? Demanda-t-il.
- Il n'y a pas d'heure pour une bouffée d'opium, plaisantai-je.
- C'est vous le patron, » répondit-il, sec.
Je m'avançais donc vers le lieu de culte, le contournais et entrais dans une cabine téléphonique qui se trouvait sous un vieil arbre dans un coin de la petite place qui s'étendait derrière le temple des fétichismes petits-bourgeois.
« Karl ?
- Bob, répondit une voix horriblement déformée au bout du fil, qu'est-ce qui t'amène ?
- J'ai besoin de tous les renseignements dont tu disposes sur Mlle AMK.
- AMK ? Cette vieille branche te fait encore courir à ce que je vois. Alors... C'est noté, je te transmets cela par mail d'ici quelques heures.
- Ligne sécurisée ?
- Bob, tu parles à un professionnel...
- C'est bien ce qui m'inquiète. À plus.
- Yes, sir. See you later. »
Je raccrochai, dans quelques heures la chasse commencerait...