La jeune fille entrouvrit timidement la porte du manoir. Elle avait peur. Même si toutes les histoires que racontaient les anciens étaient fausses, l'endroit resté lugubre comme entouré d'un manteau d'obscurité, de poussière et d'humidité.
Nul oiseau, nul animal ne vagabondait aux alentours, le monde semblait mort si l'on exceptait la bâtisse et la forêt qui l'entourait. Prenant son courage à deux mains et poussant un peu plus les lourds battants de la porte, elle entra.
Elle avait parié avec des amis qu'elle serait capable de rentrer dans le château abandonné et qu'elle en ramènerait une coupe de la salle à manger. Elle frissonna et ramena son châle sur ses épaules : sa bêtise n'avait-elle donc aucune limite ? Qui serait capable de ne pas avoir peur dans une situation pareille ?
Elle jeta un coup d'oeil derrière son épaule et reprit sa quête. Elle parvint jusqu'à un escalier en spirale montant vers les étages. Elle commença à le gravir en remarquant l'importante proportion d'antiques armures qui en montaient la garde.
Elle déboucha finalement sur un palier en arc de cercle autour de l'escalier. Cinq armures étaient là encadrant trois portes closes, l'une d'elles était à double battant. La jeune fille reprit son souffle et expira longuement pour se calmer puis elle s'avança et vers celle-ci.
Comme elle le pensait la salle à manger se trouvait juste derrière. Elle passa en revue la pièce et remarqua que le couvert certes un peu poussiéreux était impeccablement mis. Une impression de malaise la prit : quelque chose n'allait pas. La couche de poussière était moins importante que dans le reste de la maison, elle aurait même dit qu'il n'y en avait quasiment pas. Elle contourna la vaste pièce de bois et s'approcha de la place du président. Elle tendit la main vers la coupe d'or et de diamants. La coupe semblait brûlée dans sa main. Elle cria et la lâcha. La paume de sa main était coupée. Elle étudia rapidement la coupe et décida dans la prendre dans un mouchoir. Elle ne se sentait pas bien, ses jambes tremblaient et ses paupières étaient lourdes.
Elle regagna l'escalier en chancelant, il lui semblait que son corps était de plomb et ses chaussures de marbres. Elle atteignit tant bien que mal la première marche mais s'effondra et roula jusqu'en bas. Assommée, elle resta quelques instants inconsciente au sol puis la peur la stimula et elle parvint à se remettre debout, elle avait entendu des pas dans l'escalier.
Sa course s'arrêta deux mètres plus loin et elle retrouva le sol de manière fracassante après avoir rencontré une masse corporelle apparemment peu disposée à la laisser passer. Elle releva les yeux et fit un bond de côté lorsque son oncle se pencha pour l'attraper. En temps normal, elle se serait jetée à son cou mais en temps normal cet oncle était un paisible pensionnaire du cimetière communal. Elle couru vers la porte mais d'autres arrivés. Elle recula et se trouva finalement acculée dans un coin.
Elle se baissa, leva ses mains pour se protéger tout en pleurant. Elle vit le bras de son oncle se tendre, sa main avancer vers elle, ses doigts s'écarter comme la gueule d'un fauve. Elle attendit la pression du corps froid contre son poignet, elle attendit la mort, celle-ci ne vint pas.