Il
y a beaucoup de vaisselle,
Des morceaux blancs sur le bois cassé,
Des
morceaux de bol, des morceaux d'assiette
Et quelques dents de mon
enfant
Sur un morceau de bol blanc
Mon
mari aussi a fini
Vers la prairie, les bras levés,
Il est
parti, il a fini
Il
y a tant de morceaux blancs,
De la vaisselle, de la cervelle
Et
quelques dents de mon enfant;
Il
y a beaucoup de bols blancs,
Des yeux, des poings, des hurlements,
Beaucoup
de rire et tant de sang
Qui ont quitté les innocents.
Eugène Guillevic
Nous
n'irons plus au bois ma belle
Les lauriers sont coupés les
ponts
Aussi : les arcs-en-ciel
Et même le pont d'Avignon
Jeanne
d'Arc mortelle statue
Un peu de bronze ensanglanté
Dans cette
France qui s'est tue
Ton cœur a cessé de chanter
Jeanne
dans sa jupe de bure
Assise sous les framboisiers
Se prépare
une confiture
Avec du sang de cuirassiers
La
poule noire des nuages
Pond les œufs pourris de la mort
Les
coqs déplumés des villages
N'annoncent que les vents du Nord
Car
l'aube avait du plomb dans l'aile
Et le soleil est un obus
Qui
fait sauter les citadelles
Et les lilas sur les talus
Le
ciel de France est noirci d'aigles
De lémures et de corbeaux
Ses
soldats couchés dans les seigles
Ignorent qu'ils sont des héros
Ni
Chartres, ni Rouen, ni Bruges
N'ont assez d'anges dans leurs
tours
Pour lutter contre le déluge
Et les escadres de vautours
Taureau
chassé des pâturages
Et du silence paternel
Devant la pourpre
de l'outrage
Perd tout son sang au grand soleil
Il
perd son sang par ses fontaines
Par ses veines par ses
ruisseaux
Il perd son sang par l'Oise et l'Aisne
Par ses jets
d'eau par ses naseaux
Les
douze sœurs de ses rivières
Aux bras cambrés aux nœuds
coulants
Dénouent leurs lacets et lanières
Pour se jeter à
l'océan
Buvez
buvez guerriers ivrognes
Les vins fermentés de la peur
Les
sangs tournés de la Bourgogne
Les alcools amers du malheur
Les
bières gueuses de la Meuse
Et les vins platinés du Rhin
Les
sources saintes des Chartreuses
Et les absinthes du chagrin
Les
larmes qui de chaque porte
Ont débordé sur le pays
Les eaux
de vie et les eaux mortes
Grisantes comme le vin gris
Nous
n'irons plus au bois ma belle
Les lauriers sont coupés les
ponts
Aussi : les arcs-en-ciel
Et même le Pont d'Avignon.
Ivan Goll
Si
nous, légers fantômes, nous avons déplu,
Figurez-vous seulement
et tout sera réparé,
Que vous avez fait ici un court
sommeil,
Tandis que ces visions erraient autour de
vous.
Seigneurs, ne blâmez point
Ce faible et vain sujet,
Et
ne le prenez que pour un songe :
Si vous faites grâce, nous
corrigerons.
Et comme je suis un honnête Puck,
Si nous avons
le bonheur immérité
D'échapper cette fois à la langue du
serpent,
Nous ferons mieux avant peu,
Ou tenez Puck pour un
menteur.
Ainsi ; bonne nuit à tous.
Prêtez-moi le
secours de vos mains si nous sommes amis
Et Robin vous dédommagera
quelque jour.
William Shakespeare
extrait du Songe du Nuit d’Été (Acte V, scène 2).
As
the snow flies
On a cold and gray Chicago mornin'
A poor little
baby child is born
In the ghetto
And his mama cries
Cause
if there's one thing that she don't need
It's another hungry mouth
to feed
In the ghetto
People, don't you understand
The
child needs a helping hand
Or he'll grow to be an angry young man
some day
Take a look at you and me,
Are we too blind to see,
Do
we simply turn our heads
And look the other way
Well the
world turns
And a hungry little boy with a runny nose
Plays in
the street as the cold wind blows
In the ghetto
And his
hunger burns
So he starts to roam the streets at night
And he
learns how to steal
And he learns how to fight
In the
ghetto
Then one night in desperation
A young man breaks
away
He buys a gun, steals a car,
Tries to run, but he don't
get far
And his mama cries
As a crowd gathers 'round an angry
young man
Face down on the street with a gun in his hand
In the
ghetto
As her young man dies,
On a cold and gray Chicago
mornin',
Another little baby child is born
In the ghetto
And
his mama cries
Mac Davis
Comme la neige vole
Par
un froid et gris matin de Chicago
Un pauvre petit bébé est
née
Dans le Ghetto
Et sa maman pleure
Parce que si c'est
une chose dont elle n'a pas besoin
C'est une autre bouche affamé
à nourrir
Dans le Ghetto
Les gens, vous ne comprenez pas
L'enfant a besoin d'une main pour l'aider
ou il grandira pour
être un homme en colère un jour
Jetez un œil sur vous et
moi,
Sommes nous aveugle pour voir
Devons nous seulement
tourner nos têtes
et voir l'autre chemin ?
Et bien, le
monde tourne
et un petit garçon affamé avec un nez qui
coule
joue dans la rue gelé par le vent froid qui souffle
Dans
le Ghetto
Et sa faim brûle
Donc il commença à errer dans
les rues la nuit
Et il apprend comment voler
Et il apprendre
comment se battre
Dans le Ghetto
Puis une nuit de
désespoir
Un jeu homme se détache
Il achète un revolver,
vole une voiture
Essayer de s'enfuir, mais il ne va pas bien
loin
Et sa mère pleure
Comme une foule se rassemble autour
d'un jeune homme en colère
La face cachée sur la rue avec un
revolver à la main
Dans le Ghetto
Comme son jeune homme
meure
Par un froid et gris matin de Chicago,
Un autre petit
bébé est né
Dans le Ghetto
La
Camargue qui ne m'a jamais pardonné
D'avoir semé des fleurs dans
les trous de son nez
Me poursuit d'un zèle imbécile.
Alors
cerné de près par les enterrements,
J'ai cru bon de remettre à
jour mon testament,
De me payer un codicille.
Trempe dans
l'encre bleue du Golfe du Lion,
Trempe, trempe ta plume, ô mon
vieux tabellion,
Et de ta plus belle écriture,
Note ce qu'il
faudrait qu'il advînt de mon corps
Lorsque mon âme et lui ne
seront plus d'accord,
Que sur un seul point: la rupture.
Quand
mon âme aura pris son vol à l'horizon
Vers celle de Gavroche et
de Mimi Pinson,
Celles des titis, des grisettes,
Que vers le
sol natal mon corps soit ramené,
Dans un sleeping du
Paris-Méditerranée,
Terminus en gare de Sète.
Mon caveau
de famille, hélas! n'est pas tout neuf,
Vulgairement parlant, il
est plein comme un œuf,
Et d'ici que quelqu'un n'en sorte,
Il
risque de se faire tard et je ne peux,
Dire à ces braves gens:
"Poussez-vous donc un peu,
Place aux jeunes en quelque
sorte."
Juste
au bord de la mer, à deux pas des flots bleus,
Creusez si c'est
possible un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche,
Auprès
de mes amis d'enfance, les dauphins,
Le long de cette grève où
le sable est si fin,
Sur la plage de la corniche.
C'est
une plage où même à ses moments furieux,
Neptune ne se prend
jamais trop au sérieux,
Où quand un bateau fait naufrage,
Le
capitaine crie: "Je suis le maître à bord!
Sauve qui peut,
le vin et le pastis d'abord,
Chacun sa bonbonne et courage."
Et
c'est là que jadis à quinze ans révolus,
À l'âge où s'amuser
tout seul ne suffit plus,
Je connus la prime amourette.
Auprès
d'une sirène, une femme-poisson,
Je reçus de l'amour la première
leçon,
Avalai la première arête.
Déférence
gardée envers Paul Valéry,
Moi l'humble troubadour sur lui je
renchéris,
Le bon maître me le pardonne.
Et qu'au moins si
ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus
marin que le sien,
Et n'en déplaise aux autochtones.
Cette
tombe en sandwich entre le ciel et l'eau,
Ne donnera pas une ombre
triste au tableau,
Mais un charme indéfinissable.
Les
baigneuses s'en serviront de paravent,
Pour changer de tenue et
les petits enfants,
Diront: "Chouette, un château de sable!"
Est-ce
trop demander: sur mon petit lopin,
Plantez, je vous en prie, une
espèce de pin,
Pin parasol de préférence,
Qui saura prémunir
contre l'insolation
Les bons amis venus faire sur ma
concession
D'affectueuses révérences.
Tantôt
venant d'Espagne et tantôt d'Italie,
Tous chargés de parfums, de
musiques jolies,
Le Mistral et la Tramontane,
Sur mon dernier
sommeil verseront les échos,
De villanelle, un jour, un jour de
fandango,
De tarentelle, de sardane.
Et quand prenant ma
butte en guise d'oreiller,
Une ondine viendra gentiment
sommeiller,
Avec moins que rien de costume,
J'en demande pardon
par avance à Jésus,
Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu
dessus,
Pour un petit bonheur posthume.
Pauvres rois
pharaons, pauvre Napoléon,
Pauvres grands disparus gisant au
Panthéon,
Pauvres cendres de conséquence,
Vous envierez un
peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en
rêvant,
Qui passe sa mort en vacances.
Vous envierez un
peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en
rêvant,
Qui passe sa mort en vacances.
Georges Brassens
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