posté le 08-11-2014 à 12:18:05

En priant...

Par l'arc-en-ciel sur l'averse des roses blanches
par le jeune frisson qui court de branche en branche
et qui a fait fleurir la tige de Jessé ;
par les Annonciations riant dans les rosées
et par les cils baissés des graves fiancées :
Je vous salue, Marie.


Par l'exaltation de votre humilité
et par la joie du cœur des humbles visités ;
par le Magnificat qu'entonnent mille nids,
par les lys de vos bras joints vers le Saint-Esprit
et par Élisabeth, treille où frémit un fruit :
Je vous salue, Marie.


Par l'âne et par le bœuf, par l'ombre et par la paille,
par la pauvresse à qui l'on dit qu'elle s'en aille,
par les nativités qui n'eurent sur leurs tombes
que les bouquets du givre aux plumes de colombe ;
par la vertu qui lutte et celle qui succombe :
Je vous salue, Marie.


Par votre modestie offrant des tourterelles,
par le vieux Siméon pleurant devant l'autel,
par la prophétesse Anne et par votre mère Anne,
par l'obscur charpentier qui, courbé sur sa canne,
suivait avec douceur les petits pas de l'âne :
Je vous salue, Marie.


Par la mère apprenant que son fils est guéri,
par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid,
par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée,
par le baiser perdu par l'amour redonné,
et par le mendiant retrouvant sa monnaie :
Je vous salue, Marie.


Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
tandis que des enfants s'amusent au parterre ;
et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment
son aile tout à coup s'ensanglante et descend ;
par la soif et la faim et le délire ardent :
Je vous salue, Marie.


Par les gosses battus par l'ivrogne qui rentre,
par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre,
par l'humiliation de l'innocent châtié,
par la vierge vendue qu'on a déshabillée,
par le fils dont la mère a été insultée :
Je vous salue, Marie.


Par le mendiant qui n'eut jamais d'autre couronne
que le vol des frelons, amis des vergers jaunes,
et d'autre sceptre qu'un bâton contre les chiens ;
par le poète dont saigne le front qui est ceint
des ronces des désirs que jamais il n'atteint :
Je vous salue, Marie.


Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids,
s'écrie « Mon Dieu ! » Par le malheureux dont les bras
ne purent s'appuyer sur une amour humaine
comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène ;
par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne :
Je vous salue, Marie.


Par les quatre horizons qui crucifient le Monde,
par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,
par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains,
par le malade que l'on opère et qui geint
et par le juste mis au rang des assassins :
Je vous salue, Marie.


Par la nuit qui s'en va et nous fait voir encore
l'églantine qui rit sur le cœur de l'aurore ;
par la cloche pascale à la voix en allée
et qui, le Samedi-Saint, à toute volée,
couvre d'alléluias la bouche des vallées :
Je vous salue, Marie.


Par le gravissement escarpé de l'ermite
vers les sommets que les perdrix blanches habitent,
par les troupeaux escaladant l'aube du ciel
pour ne se nourrir plus que de neige de miel,
et par l'Ascension du glorieux soleil :
Je vous salue, Marie.


Par les feux pastoraux qui descendent, la nuit,
sur le front des coteaux, ces apôtres qui prient ;
par la flamme qui cuit le souper noir du pauvre ;
par l'éclair dont l'Esprit allume comme un chaume,
mais pour l'Éternité, le néant de chaque homme :
Je vous salue, Marie.


Par la vieille qui atteint, portant un faix de bois,
le sommet de la route et l'ombre de la Croix,
et que son plus beau fils vient aider dans sa peine ;
par la colombe dont le vol à la lumière
se fond si bien qu'il n'est bientôt qu'une prière :
Je vous salue, Marie.


Par la Reine qui n'eut jamais d'autre Couronne
que les astres, trésor d'une ineffable Aumône,
et d'autre sceptre que le lys d'un vieux jardin ;
par la vierge dont penche le front qui est ceint
des roses des désirs que son amour atteint :
Je vous salue, Marie.


Francis Jammes

 


 
 
posté le 08-11-2014 à 12:17:13

Demain, dès l'aube...

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


Victor HUGO

 


 
 
posté le 08-11-2014 à 12:16:21

My Way

And now, the end is here
And so I face the final curtain
My friend, I'll say it clear
I'll state my case, of which I'm certain
I've lived a life that's full
I traveled each and ev'ry highway
And more, much more than this, I did it my way

Regrets, I've had a few
But then again, too few to mention
I did what I had to do and saw it through without exemption
I planned each charted course, each careful step along the byway
And more, much more than this, I did it my way

Yes, there were times, I'm sure you knew
When I bit off more than I could chew
But through it all, when there was doubt
I ate it up and spit it out
I faced it all and I stood tall and did it my way

I've loved, I've laughed and cried
I've had my fill, my share of losing
And now, as tears subside, I find it all so amusing
To think I did all that
And may I say, not in a shy way,
"Oh, no, oh, no, not me, I did it my way"

For what is a man, what has he got?
If not himself, then he has naught
To say the things he truly feels and not the words of one who kneels
The record shows I took the blows and did it my way!

Yes, it was my way.


Franck Sinatra


Et maintenant que la fin est proche;
Et que je fais face au rideau final,
Mon ami, je le dirai tout haut,
J'affirmerai mon cas, dont je suis certain.


J'ai vécu une vie pleine.
J'ai parcouru chacune et l'ensemble des routes;
Mais plus encore, plus encore que ça,
Je l'ai fait à ma façon.

Des regrets, j'en ai eu quelques uns;
Mais une fois encore, trop peu pour qu'ils soient mentionnés.
J'ai fait ce que j'avais à faire
Et cela sans exception.

J'ai anticipé chaque portion;
Chaque pas important sur mon chemin,
Mais plus, plus encore que ça,
Je l'ai fait à ma façon.

Oui, il y a eu des moments, dont tu as dû entendre parler
Où j'ai eu les yeux plus gros que le ventre.
Mais au-delà de tout ça, quand il y avait un doute,
Je n'en ai fait qu'une bouchée et l'ai recraché.
J'ai fait face à tout et je suis resté grand;
Et je l'ai fait à ma façon.

J'ai aimé, j'ai ri et pleuré.
J'ai connu la plénitude; ma part d'échecs.
Et maintenant que les larmes ont séché,
Tout cela me semble si amusant.

Penser que j'ai fait tout cela;
Et je me permets de le dire - sans timidité,
Non, oh non pas moi,
Je l'ai fait à ma façon.

Qu'est-ce qu'un homme, que possède-t-il ?
Si ce n'est lui, sinon il n'a rien,
Pour dire les choses qu'il ressent sincèrement;
Et non les mots de celui qui est à genoux.
L'histoire montre que j'ai coupé les souffles,

Et que je l'ai fait à ma façon !

 


 
 
posté le 08-11-2014 à 12:14:16

Dachau

Als die Nazis die Kommunisten holten,
Habe ich geschwiegen ;
Ich war ja kein kommunist.

Als sie die Sozialdemokraten einsperrten,
habe ich geschwiegen ;
ich war ja kein Sozialdemokrat.

Als sir di Juden holten,
Habe ich geschwiegen ;
Ich war ja kein Jude.


Als sie die Katholiken holten,
habe ich nicht protestiert ;
Ich war ja kein Katholik.

Als sie mich holten, gab es keinen mehr,
der protestieren konnte.


Pasteur Martin Niemoller, texte revu par Berthold Brecht

 

Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n'ai rien dit.
je n'étais pas communiste

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n'ai rien dit.
je n'étais pas syndicaliste

Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n'ai rien dit.
je n'étais pas juif

Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n'ai rien dit.
je n'étais pas catholique

Et, puis ils sont venus me chercher.
Et il ne restait plus personne pour protester.

 


 
 
posté le 08-11-2014 à 12:10:52

Courage

Paris a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C'est l'air pur c'est le feu
C'est la beauté c'est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d'une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme un épée
Ingénue et savante
Tu ne supportes pas l'injustice
Pour toi c'est le seul désordre
Tu vas le libérer Paris
Paris tremblant comme une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la fatigue et la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien éléves
Un rayon s'allume en nos vies
Notre lumière nous revient
Les meilleurs d'entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve notre coeur
Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris
La pointe de la déliverance
L'espace du printemps naissant
La force idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S'ils ont compris
S'ils sont capables de comprendre
Vont se lever.


Paul Eluard

paru en 1944 dans le recueil Au rendez-vousallemand

 


 
 
 

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