Par
l'arc-en-ciel sur l'averse des roses blanches
par le jeune frisson
qui court de branche en branche
et qui a fait fleurir la tige de
Jessé ;
par les Annonciations riant dans les rosées
et
par les cils baissés des graves fiancées :
Je vous salue,
Marie.
Par
l'exaltation de votre humilité
et par la joie du cœur des
humbles visités ;
par le Magnificat qu'entonnent mille
nids,
par les lys de vos bras joints vers le Saint-Esprit
et
par Élisabeth, treille où frémit un fruit :
Je vous salue,
Marie.
Par
l'âne et par le bœuf, par l'ombre et par la paille,
par la
pauvresse à qui l'on dit qu'elle s'en aille,
par les nativités
qui n'eurent sur leurs tombes
que les bouquets du givre aux
plumes de colombe ;
par la vertu qui lutte et celle qui
succombe :
Je vous salue, Marie.
Par
votre modestie offrant des tourterelles,
par le vieux Siméon
pleurant devant l'autel,
par la prophétesse Anne et par votre
mère Anne,
par l'obscur charpentier qui, courbé sur sa canne,
suivait avec douceur les petits pas de l'âne :
Je vous
salue, Marie.
Par
la mère apprenant que son fils est guéri,
par l'oiseau
rappelant l'oiseau tombé du nid,
par l'herbe qui a soif et
recueille l'ondée,
par le baiser perdu par l'amour redonné,
et
par le mendiant retrouvant sa monnaie :
Je vous salue, Marie.
Par
le petit garçon qui meurt près de sa mère
tandis que des
enfants s'amusent au parterre ;
et par l'oiseau blessé qui
ne sait pas comment
son aile tout à coup s'ensanglante et
descend ;
par la soif et la faim et le délire ardent :
Je
vous salue, Marie.
Par
les gosses battus par l'ivrogne qui rentre,
par l'âne qui reçoit
des coups de pied au ventre,
par l'humiliation de l'innocent
châtié,
par la vierge vendue qu'on a déshabillée,
par le
fils dont la mère a été insultée :
Je vous salue, Marie.
Par
le mendiant qui n'eut jamais d'autre couronne
que le vol des
frelons, amis des vergers jaunes,
et d'autre sceptre qu'un bâton
contre les chiens ;
par le poète dont saigne le front qui
est ceint
des ronces des désirs que jamais il n'atteint :
Je
vous salue, Marie.
Par
la vieille qui, trébuchant sous trop de poids,
s'écrie « Mon
Dieu ! » Par le malheureux dont les bras
ne purent
s'appuyer sur une amour humaine
comme la Croix du Fils sur Simon
de Cyrène ;
par le cheval tombé sous le chariot qu'il
traîne :
Je vous salue, Marie.
Par
les quatre horizons qui crucifient le Monde,
par tous ceux dont
la chair se déchire ou succombe,
par ceux qui sont sans pieds,
par ceux qui sont sans mains,
par le malade que l'on opère et
qui geint
et par le juste mis au rang des assassins :
Je
vous salue, Marie.
Par
la nuit qui s'en va et nous fait voir encore
l'églantine qui rit
sur le cœur de l'aurore ;
par la cloche pascale à la voix
en allée
et qui, le Samedi-Saint, à toute volée,
couvre
d'alléluias la bouche des vallées :
Je vous salue, Marie.
Par
le gravissement escarpé de l'ermite
vers les sommets que les
perdrix blanches habitent,
par les troupeaux escaladant l'aube du
ciel
pour ne se nourrir plus que de neige de miel,
et par
l'Ascension du glorieux soleil :
Je vous salue, Marie.
Par
les feux pastoraux qui descendent, la nuit,
sur le front des
coteaux, ces apôtres qui prient ;
par la flamme qui cuit le
souper noir du pauvre ;
par l'éclair dont l'Esprit allume
comme un chaume,
mais pour l'Éternité, le néant de chaque
homme :
Je vous salue, Marie.
Par
la vieille qui atteint, portant un faix de bois,
le sommet de la
route et l'ombre de la Croix,
et que son plus beau fils vient
aider dans sa peine ;
par la colombe dont le vol à la
lumière
se fond si bien qu'il n'est bientôt qu'une prière :
Je
vous salue, Marie.
Par
la Reine qui n'eut jamais d'autre Couronne
que les astres, trésor
d'une ineffable Aumône,
et d'autre sceptre que le lys d'un vieux
jardin ;
par la vierge dont penche le front qui est ceint
des roses des désirs que son amour atteint :
Je vous
salue, Marie.
Francis Jammes
Demain,
dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai.
Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai
par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus
longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans
rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le
dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera
comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni
les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai,
je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en
fleur.
Victor HUGO
And
now, the end is here
And so I face the final curtain
My friend,
I'll say it clear
I'll state my case, of which I'm certain
I've
lived a life that's full
I traveled each and ev'ry highway
And
more, much more than this, I did it my way
Regrets, I've had a
few
But then again, too few to mention
I did what I had to do
and saw it through without exemption
I planned each charted
course, each careful step along the byway
And more, much more than
this, I did it my way
Yes, there were times, I'm sure you
knew
When I bit off more than I could chew
But through it all,
when there was doubt
I ate it up and spit it out
I faced it all
and I stood tall and did it my way
I've loved, I've laughed
and cried
I've had my fill, my share of losing
And now, as
tears subside, I find it all so amusing
To think I did all
that
And may I say, not in a shy way,
"Oh, no, oh, no, not
me, I did it my way"
For what is a man, what has he
got?
If not himself, then he has naught
To say the things he
truly feels and not the words of one who kneels
The record shows I
took the blows and did it my way!
Yes, it was my way.
Franck Sinatra
Et
maintenant que la fin est proche;
Et
que je fais face au rideau final,
Mon
ami, je le dirai tout haut,
J'affirmerai
mon cas, dont je suis certain.
J'ai
vécu une vie pleine.
J'ai
parcouru chacune et l'ensemble des routes;
Mais
plus encore, plus encore que ça,
Je
l'ai fait à ma façon.
Des
regrets, j'en ai eu quelques uns;
Mais
une fois encore, trop peu pour qu'ils soient mentionnés.
J'ai
fait ce que j'avais à faire
Et
cela sans exception.
J'ai
anticipé chaque portion;
Chaque
pas important sur mon chemin,
Mais
plus, plus encore que ça,
Je
l'ai fait à ma façon.
Oui,
il y a eu des moments, dont tu as dû entendre parler
Où
j'ai eu les yeux plus gros que le ventre.
Mais
au-delà de tout ça, quand il y avait un doute,
Je
n'en ai fait qu'une bouchée et l'ai recraché.
J'ai
fait face à tout et je suis resté grand;
Et
je l'ai fait à ma façon.
J'ai
aimé, j'ai ri et pleuré.
J'ai
connu la plénitude; ma part d'échecs.
Et
maintenant que les larmes ont séché,
Tout
cela me semble si amusant.
Penser
que j'ai fait tout cela;
Et
je me permets de le dire - sans timidité,
Non,
oh non pas moi,
Je
l'ai fait à ma façon.
Qu'est-ce
qu'un homme, que possède-t-il ?
Si
ce n'est lui, sinon il n'a rien,
Pour
dire les choses qu'il ressent sincèrement;
Et
non les mots de celui qui est à genoux.
L'histoire
montre que j'ai coupé les souffles,
Et que je l'ai fait à ma façon !
Als
die Nazis die Kommunisten holten,
Habe ich geschwiegen ;
Ich
war ja kein kommunist.
Als sie die Sozialdemokraten
einsperrten,
habe ich geschwiegen ;
ich war ja kein
Sozialdemokrat.
Als sir di Juden holten,
Habe ich
geschwiegen ;
Ich war ja kein Jude.
Als
sie die Katholiken holten,
habe ich nicht protestiert ;
Ich war
ja kein Katholik.
Als sie mich holten, gab es keinen mehr,
der
protestieren konnte.
Pasteur Martin Niemoller, texte revu par Berthold Brecht
Quand
ils sont venus chercher les communistes,
je n'ai rien dit.
je
n'étais pas communiste
Quand ils sont venus chercher les
syndicalistes,
je n'ai rien dit.
je n'étais pas
syndicaliste
Quand ils sont venus chercher les juifs,
je
n'ai rien dit.
je n'étais pas juif
Quand ils sont venus
chercher les catholiques,
je n'ai rien dit.
je n'étais pas
catholique
Et, puis ils sont venus me chercher.
Et il ne
restait plus personne pour protester.
Paris
a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la
rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout
debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé
aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C'est
l'air pur c'est le feu
C'est la beauté c'est la bonté
De ses
travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant
d'une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de
ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris
ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme un épée
Ingénue
et savante
Tu ne supportes pas l'injustice
Pour toi c'est le
seul désordre
Tu vas le libérer Paris
Paris tremblant comme
une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la
fatigue et la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes
pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien éléves
Un rayon
s'allume en nos vies
Notre lumière nous revient
Les meilleurs
d'entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve
notre coeur
Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris
La
pointe de la déliverance
L'espace du printemps naissant
La
force idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S'ils ont
compris
S'ils sont capables de comprendre
Vont se lever.
Paul Eluard
paru en 1944 dans le recueil Au rendez-vousallemand
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