L’aventure commence…
Ivan se relève précautionneusement, lance un rapide coup d’œil aux alentours et se rend soudain compte qu’il est dans une forêt. Observant d’un peu plus près les arbres, il comprend alors que celle-ci est largement plus ancienne que toutes celles qu’il avait pu visiter. Revenant vers le lieu où il s’était réveillé, il analyse les habits et les différentes affaires et armes qui sont à sa disposition : des habits tirant sur le vert, une cape gris vert, un petit sac avec une gourde, une petite épée et un couteau, un arc et un carquois et une lance courte… Tout à fait ce dont il aura besoin pour se battre s’il y était obligé sur le chemin qui le mènerait à Berheilden. Il étudie la carte qui se trouve dans son sac puis considérant la position du soleil il décide de prendre au Nord. Levant les yeux au ciel, il se demande où sont ses amis et surtout qui peut-être à l’origine du mal-être qui est le sien. Il n’entend rien, ne voit personne, ne ressent qu’une profonde gène :
« _ Ce n’est rien si quelqu’un m’espionne je le verrai ou l’entendrai… » Sa phrase se perd quand une dizaine d’hommes plus ou moins sortis de nulle part l’encerclèrent et le menacèrent de leurs flèches…
« _ Bon, au moins je savais qu’il y avait quelqu’un…dit-il en lâchant ses armes et en levant les bras, je peux rester en vie ?
_ Qui es-tu étranger ?
_ Un ami, je pense…
_ Ton nom !
_ Ivan Ouliopov, je suis…
_ D’où viens-tu ?
_ C’est un peu compliqué, je viens du monde réel en quelque sorte… de France pour être précis et …
_ Comment es-tu parvenu jusqu’ici ?
_ J’ai rencontré quelqu’un qui…
_ Un mage de Berheilden sûrement.
_ Oui, en tout cas il m’a dit d’aller là-bas.
_ Bon ramasse tes affaires. Nous allons t’y conduire c’est à quatre jours d’ici à cheval.
_ Merci. » C’est tout ce qu’il trouve à leur répondre, il les suit maintenant vers Lans, une ville où ils trouveront des montures pour partir jusqu’à Berheilden…
Boris ouvre les yeux, se remet sur ses pieds puis inspecte les environs. Ses habits ont changé, ses armes aussi : il soupèse la hache qui se trouve à ses pieds puis jette un coup d’œil à la carte. La mer ne semble pas loin or, qui dit mer dit pêche donc village et port donc habitants donc renseignements, donc moyen d’aller à Berheilden… Il marche sur la côte pendant quelques heures avant d’apercevoir des fumés et des habitations. La nuit va tomber, il se décide à pousser jusqu’au bourg et d’y chercher un abri pour ce soir. Arrivant sur la place, il remarque une forte agitation dans l’échoppe qui sert de taverne. Il pousse la porte et entre. Les discussions s’éteignent, les gens s’écartent sur son passage, son pas sur le mène jusqu’au comptoir où il s’accoude. Tournant la tête vers le tavernier, il demande :
« _ Sais-tu où se trouve Berheilden et comment je peux m’y rendre ? » L’homme ne répond pas, Boris lance à la foule : « Et vous ? » Un homme se lève et le fixe : « Pourquoi veux tu aller là-bas, étranger ?
_ Parce que j’y ai affaire.
_ Je peux t’y conduire. Comment me paieras-tu ?
_ Ceux qui me font venir te paieront, je te le promets.
_ Si tu dis vrai, nous partirons demain. Le voyage durera quatre jours.
_ Parfait. »
Boris se retourne, sort une pièce de sa bourse et la lance au tavernier : « Deux bières l’ami. »
Bartolomeo avance rapidement, la carte dans une main et dans l’autre l’imposant marteau qu’il a trouvé; une croix en bois se balance à son cou.... Les bruits qu’il a entendu viennent d’ici; il se cache derrière un amas de rochers et jette un coup d’œil vers leur source : une bande d’hommes en noir se bat contre un groupe de… nains en armures étincelantes, les hommes semblent être des brigands…
« Réfléchis, qui vas-tu aider ? Les hommes ou les nains ? pense-t-il… Les nains ! J’aiderai les nains !» Puis se relevant et remettant sa carte sous sa chemise, il lève son arme et se jette dans la bataille en criant : « Baussan à la rescousse ! » Son arrivé largement imprévue est suivit par un léger flottement durant lequel chacun des deux groupes se demande quel côté en sera renforcer. Finalement, nains et brigands ayant compris que les premiers seront les avantagés par cette intrusion, le combat reprit de plus belle. Les hommes mis en déroute, le chef des nains se tourne vers Bartolomeo.
« _ Etranger, tu m’es vaillamment venu en aide, donne-moi ton nom afin qu’il soit graver dans la pierre pour que chacun puisse s’en souvenir et l’honorer comme il se doit.
_ Mon nom est Santiani, Bartolomeo Santiani.
_ Et bien Bartolomeo demande-moi une faveur et j’y accèderai.
_ Conduis-moi à Berheilden dans les plus bref délais.
_ Je n’ai qu’une parole et il en sera ainsi : dans quatre jours tu seras à Berheilden. Mais pour l’instant viens avec moi afin de fêter la victoire,» scanda le nain avec un air jovial.
Ses cheveux flottent dans le vent, une pluie légère humecte l’ovale de son visage. Loup n’a aucun regard pour le paysage défilant à ses côtés, il ne ressent rien mis à part le vent qui fouette sa figure. Il ne pense qu’à son but. La veille, il avait réussit à se procurer un cheval et des informations pour atteindre Berheilden dans les plus brefs délais, de fait il avait décidé de passer par Navège, puis Munach pour atteindre Berheilden en quatre jours en partant de Lynx. Il arrive devant une petite ferme… Personne ne semble y habiter, pourtant il entend des bruits qui lui rappelle fortement des pleurs, contournant la bâtisse il découvre une petit garçon blessé à la jambe…
« _ Que s’est-il passé ici mon petit ?
_ Des brigands, mon seigneur, ils ont attaqué la maison, tué mon père et ma mère, ils m’ont blessé et m’ont dit de mourir vite…
_ Les monstres, combien étaient-ils ?
_ Trois, mon seigneur.
_ Bien, il descend de son cheval, tend la jambe, le garçon s’exécute, Loup étend ses mains au dessus, ferme les yeux, je ne suis pas sur que ça marche. Il marmonne deux trois mots et un petit halo vert entoure la jambe du gamin, celle-ci semble être guérit, le garçon se relève.
«_ Merci, mon seigneur, comment pourrais-je vous remercier ?
_ Quel est ton nom ?
_ Hans.
_ As-tu encore de la famille ?
_ Non…
_ Bien, tu vas venir avec moi, une fois à Berheilden je trouverai bien comment te placer quelque part. Monte sur le cheval.
_ Oui, mon seigneur.
_ Bon, ils sont maintenant tous deux sur le cheval, par où sont partis les brigands ?
_ Vers là, mon seigneur.
_ Vers l’ouest, bien c’est ma route, allons-y. »
Le cheval part au galop. Au bout de quelques minutes l’enfant demande :
« _ Mon seigneur, puis-je vous poser une question ?
_ Vas-y.
_ Etes-vous un chevalier ?
_ En quelque sorte, pourquoi ?
_ Je pourrai moi aussi devenir un chevalier ?
_ On verra si tu es sage. »
Ils s’éloignent dans la brume qui se lève, le petit enfant s’endort doucement dans les bras de Loup, celui-ci le berce doucement tout en se demandant ce qu’il fera de lui.9h37, jour 4, la quête.
Ils étaient maintenant devant la lourde porte du château et l’étudiaient avec attention. Sans le savoir ils se préparaient pour un voyage au-delà de leur peur, de leur crainte la plus forte…un aller-retour en Hadès.
Ils entrèrent, ils se glissèrent, précautionneusement, pour être précis. L’un d’entre eux ne sembla être qu’une sombre ombre et indécise se mouvant dans l’obscurité protectrice. Je ressentais d’ici les pensées de son être : il était hautain et imbus de lui-même, c’était un homme froid et calculateur mais également fidèle et doué d’une fine intelligence. Venaient derrière lui deux êtres assez différents. Le premier était roux et imposant, il ne vivait que dans une recherche constante du plaisir et de la stabilité sentimentale. Le second était châtain et plus frêle, il avait comprit que la vie était souvent faite de compromis et de négociations, il était dénué de but précis hormis la découverte de l’équilibre des choses. A la suite marchait celui qui tiendrait le parfait rôle du héros américain : beau, suffisant, indiscipliné et bénéficiant – a contrario du personnage – d’une intelligence sensiblement supérieure à la moyenne. A ses côtés marchait un homme complexe dont l’esprit fait de méandres et de barrières pour la compréhension extérieure étaient autant d’obstacles à mon intrusion…Pour le dernier…déjà il ne m’aimait pas, ça fait plaisir…Je me retrouvais soudain marchant précautionneusement sur un chemin étroit bordé de deux gouffres, celui-ci se rétrécis peu à peu, il semblait sans fin…A gauche, je distinguais dans les brumes rougeoyantes le mot « égalité », à droite, dans une blanche lueur, « soumission », baissant les yeux je lus sur le chemin ces mots : « La Liberté, c’est la liberté de dire que deux et deux font quatre. Lorsque cela est accordé, le reste suit… » C’était en relevant les yeux que je le vis : un homme sans âge, une lampe dans la main droite, une épée dans la main gauche, me voyant il n’eut qu’une réaction : « Pourquoi ? » … Il faut toujours que je tombe sur les gars à problèmes…
Nous marchions silencieusement dans la bâtisse. Enfin nous arrivions à un escalier assez ancien…
« _Nous allons nous séparer : trois en haut, trois en bas et Bartolomeo garde l’escalier, compris ?
_Compris !! » Répondirent cinq voix à l’unisson.
« _Alors c’est parti ! Je m’occupe du dernier sous-sol… »
(Vlad) Je me glissai dans le couloir du premier étage. Tout semblait à sa place mais une odeur bizarre s’élevait des pièces : on pourrait s’attendre à une odeur de poussière, de vieillesse, d’oublie; là non, ou en tout cas, pas au point d’être oppressante comme je le craignais. Néanmoins quelque chose me rendis mal à l’aise comme si on m’observait, on me jugeait et je n’aimai pas ça…
(Chaps) Je poussai une porte, je regardai une dernière fois en arrière, je m’avançai, la pièce me paraissait tout à fait en ordre, je m’y risquai. Bizarre cette obscurité et cette gène, ce devait être une bibliothèque avant, elle devait être immense, recouvrant à peu près tout l’étage, et ce plafond qui semble constellé d’étoiles, dommage que les ténèbres ne permettaient pas une étude plus approfondie.
(Ivan) La porte trembla alors que je m’avançai dans son embrassure. Une forte odeur d’humidité et de renfermé s’éleva à mes narines. Où étais-je ? L’obscurité était totale, je tirai mon briquet et je l’actionnai, une flamme frêle et incertaine projeta une lumière malsaine sans la pièce… « Godness un ossuaire ! »
(Boris) Les larges battants s’entrouvrirent lorsque je m’approchai, je pénétrai intrigué dans la pièce. Elle ressemblait à un temple : des dizaines de cadavres jonchaient le sol, l’autel était couvert de sang, des runes étaient gravées aux murs mais leurs vues me donnèrent mal aux yeux…
(Loup) Une crypte, vaste, entretenue, obscure, froide et intrigante, des cercueils étaient disposés à intervalles réguliers le long des murs. Je vais y jeter un coup d’œil.
Couloir noir, une porte, l’ennui, c’était la nuit, idées noires, grincement et soudain…
10h18, (Tous) Un cri, déchirant, terrifiant, hallucinant, et très, très, très emmerdant car tout à fait reconnaissable : le système d’alarme.
(Vlad) Une forme blanche, laiteuse, légèrement incertaine flotta – réellement ! – vers moi ! – par réflexe je me jetai au sol. Une solution vite, réfléchit, une idée, une idée…
« _Euréka ! » Je sautai, restant quelques secondes en apesanteur dans les airs. Ma main s’agrippa aux rideaux, je tirai tout en me rappelant la gravité, je roulai sur le sol, le rideau dans les mains. Une vive lumière blanche m’ébloui, une femme d’une beauté extraordinaire m’apparut, elle cria puis se dissipa rapidement.
(Chaps) Deux yeux rouges m’observèrent un grognement sinistre s’éleva, ne pas réfléchir, courir ! Je me retournai et je courrai droit devant moi. Je zigzaguai entre les étagères, le grognement me poursuit. Je risquai un regard en arrière : un loup-garou !
« _Et merde, ça n’arrive qu’à moi des trucs pareils ! »
Je tirai mon pistolet, je plongeai derrière une table renversée, j’enclenchai le chargeur, je me tournai, le canon rebondit sur le bord de la table, se stabilisa dans les airs, je visai, la bête avança vite, 20 mètres, 10 mètres, 5 mètres, je tirai entre les deux yeux, le monstre vacilla, s’écroula. Ça sert les balles en argent…
(Ivan) « Alarme = problèmes,
Problèmes + ossuaire = euh…c’est de la science-fiction, tiens une lampe torche allumée,…calme-toi, il ne va rien t’arriver, tu vas réfléchir, bizarre cette lampe allumée et puis,…pourquoi cette main s’accroche à ma jambe. »
Je donnai un coup de pied dans le squelette qui se reconstitua sous mes pieds, petit regard en arrière : ils étaient déjà une dizaine, je courus vers la porte. Je l’ouvris et la claqua au nez – ou ce qu’il en restait – de la première « momie » qui s’approchait, je la fermais, vite une idée…une idée…hum hum hum une idée…à oui ! Avec cette latte de bois. Je l’utilisai pour bloquer la porte, je minais celle-ci – au cas où – et je reculais, j’aimais mes petits cadeaux. Un soupir et je pris mes jambes à mon cou en direction de l’escalier; j’y arrivai, Vlad et Chaps avaient déjà commencé à descendre, je les suivis.
(Boris) « _Bruit, pas cool…je m’en fous…tiens, ça bouge…alors les endormis on se réveille ? Pourquoi tu me regardes comme ça toi ?
_Aaaaaaaaah !!! (Ah ! positif)
_Oh ! le pauvre chou : il a faim ! Tiens déguste. »
Je lui décochai un uppercut, il s’effondra mollement : vraiment aucune endurance, pitoyable ! Je me plaindrais à l’agence de voyage ! Pourquoi ont-ils les yeux rouges et de la bave qui coule ? Sûrement parce qu’ils ne sont pas gentils, non ? J’eus un mouvement de recul progressif, ils commençaient à courir vers moi…Tiens les deux piliers sur les côtés, autant essayer, si ça marche. Une grenade à gauche, une grenade à droite, demi-tour droite gauche et on cour.
« Boum !!! » Bon, j’aurai légèrement abîmé le plafond.
(Loup) Je m’approchai du premier cercueil, il était vide, de même pour les quatre suivants. Cependant, alors que je m’approchai du dernier…
« _Loup ! »
Je me retournai instantanément, je connaissais cette voix, je la connaissais même très bien :
« _Camille ?!? Qu’est que tu fais ici ?
_Pourquoi m’as-tu quitté ?
_Pardon, mais c’est toi qui…
_Pourquoi m’as-tu abandonné ? Pourquoi cette lâcheté ? Alors que je t’aimais, que je t’aime…_Camille, je…je ne sais plus…c’est…c’est toi qui…qui un jour…es partie…m’as quitté…_Toi, c’est toi ! » Elle leva un bras vengeur, qui m’accusa, me condamna, m’écrasa et je m’effondrai peu à peu en pleurs, tout se vida autour de moi, le sol resta le seul point tangible…Elle s’approcha lentement, elle me prit la tête dans ses mains, elles étaient froides, creuses, elles me semblaient aussi vide que le reste de la pièce…Une idée jaillit dans mon esprit : ce n’était pas Camille… Je me glissai en arrière, les mains me lâchèrent, je roulai sur le côté, mes armes avaient été éparpillées dans la pièce mais je réussis à me saisir d’une épée. Je me relevai, l’épée à la main, prêt à me battre…Mon adversaire m’observa, il n’avait plus la douce apparence de Camille, mais lui aussi portait une épée…
« _Ainsi tu as réussi à vaincre ta peur ?
_Un gascon ne connaît jamais la peur !
_J’ai rarement connu un gascon coquet !
_Je ne sais ce que tu es mais je jure de te détruire, monstruosité ! »
Je levai mon épée en signe de défi, je sentais de nouvelles forces en moi. Nous tournâmes l’un autour de l’autre, puis nous chargions, simultanément, et la danse commença…Parades et attaques se multiplièrent, chacun tentant de prendre le dessus. Soudain je perdis l’équilibre et glissai en arrière, mon adversaire frappa mais je parvins à esquiver le coup, nous tombions tous deux au sol. Je repris alors l’avantage, ma lame décrit un arc mortel alors qu’il se relevait. J’étais couché, mort de fatigue. Je me redressai péniblement et me dirigeai vers les escaliers…
Sur la porte des vers étaient inscrits :
« Comme le juif errant et comme les apôtres,
« A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
« Pour fuir ce rétiaire infâme ; il en est d’autres
« Qui savent le tuer sans quitter le berceau. » Comme quoi il n’y a pas que moi qui aime Baudelaire…Je poussai la porte et…
« _J’ai l’honneur, en cette période diurne de vous souhaiter par voie orale et déclarative à l’encontre de votre personne physique et isolée, que cette période vous soit profitable et agréable pour son déroulement et ses conséquences à court terme…
_Euh…oui, merci, vous de même…
_Vous n’avez pas compris ?
_Non…
_Dans votre langue simple et primitive : « Bonjour ».
_O n peut continuer dans ma langue simple et primitive.
_Si vous le désirez.
_Qui êtes-vous ?
_Votre destin et j’ai besoin de vous et de vos compagnons…
_Je vais les…
_Ils sont derrière la porte.
_Merci – j’ouvris la porte – entrez je déprime !
_Pourquoi ? me demanda Chaps.
_Je parle à un type qui répond à tous…
_Je comprend – ils entrent – salut machin !
_Bonjours, pressons je vous pris, il est tard, si je vous ai fait venir…
_Mais c’est moi qui…
_C ‘est moi qui est tout organisé…
_Pardon !
_Oui je voulais être sûr de vos capacités alors j’ai préparé une épreuve, un parcours initiatique sous la forme d’une quête…
_Mais pourquoi…
_J’ai besoin de vous : pour rétablir l’équilibre…
_Entre ?
_Le Bien et le Mal…
_Et comment ?
_Grâce à ceci ! »
Une puissante lueur nous éblouit et nous sombrâmes dans un sommeil lourd peuplé de rêves incohérents – nous nous voyions marchant sur des routes qui s’amenuisent peu à peu – et de douleurs atroces. Soudain le décor changea…
Une voix forte crie à nos esprits :
« _ Rendez-vous à Berheilden au plus vite ! »
Nous ne savions pas où cela pouvait bien être mais s’il fallait s’y rendre nous irions…9h37, jour 3, les révélations.
Ils descendirent sur le quai, l’homme roux mais de type méditerranéen les entraîna au dehors.
10h18. Ils s’étaient regroupés autour d’une table dans un coin de la pièce dans la chaleur réconfortante du restaurant. Leur discussion animée menée dans une langue étrangère au pays semblait les rendre confiants. Ils parlaient d’une quête, d’un voyage à la recherche de quelques trésors perdus dans un vieux château transylvanien. Je m’approchai.
« _Pardonnez cette intrusion, messieurs, mais j’ai perçu votre conversation…
_Monsieur ? » Leurs visages se crispèrent, les sourcils se froncèrent, la surprise les étreignit.
« _Je voudrais vous citer ces vers de Charles Baudelaire…
_Trop aimable.
_ « Amer savoir, celui qu’on tire du voyage !
« Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,
« Hier, demain, toujours, nous fais voir notre image :
« Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui. »
_Voilà, très bien, merci et bonsoir.
_Nous nous reverrons bientôt, messieurs, je m’appelle Destin…
_Et ?
_Et je pourrais être le votre.
_Merci de nous l’apprendre, si vous vouliez nous laisser à présent… »
Je sortis, les dés étaient lancés, l’histoire était en marche…
22h04. Bartolomeo, durant le voyage, nous avait mis au courrant de ce qu’il savait. Durant une vente aux enchères à Vienne, il avait acheté un livre écrit en magyar ancien. Ce manuscrit décrit un château transylvanien qui serait selon le livre une véritable caverne d’Ali Baba. D’après ses recherches il n’aurait jamais été visité, les bonnes gens du coin considérant le dernier propriétaire des lieux, le Comte Tepes, comme une sorte de vampire ; ces affirmations semblant être confirmées par une foule de disparitions inexpliquées survenues depuis des siècles. C’était pour cette raison que Bartolomeo avait fait appel à nous.
J’étais là, assis dans l’herbe, seul, mon gilet pare-balle et mes armes traînaient négligemment, ma cape noire rejetée sur les épaules et mes pensées pour seules compagnes.
« _Tu y penses encore ? dit Chaps.
_A ?
_Ta sœur.
_Oui, je soupirai, elle avait dix-huit ans quand elle est partie pour fuir les parents, la monotonie. J’avais dix-sept ans, c’était la vielle de la rentrée, elle allait être en Terminale…Pourquoi ? La question m’a obsédé des jours, des nuits, des mois, jusqu’à aujourd’hui, je ne sais même pas si elle se souvient de moi…
_Arrête, c’est ta sœur quand même !
_Alors pourquoi ? Pourquoi est-elle partie ? Pourquoi ne pas avoir parlé, ne pas m’avoir fait confiance ?
_Le pire, c’est que je me pose la question…
_Pourquoi les avoir écoutés, eux ?
_Tu poses les réponses mais tu connais déjà les questions.
_Tu as encore inversé.
_Désolé,…
_Non, ce n’est pas grave, tu sais à force…
_Dis tout de suite que je fais ça tout le temps !
_Oui.
_Merci.
_Pas de quoi. » Nous nous regardions dans le blanc des yeux et éclations simultanément de rire. Chaps me laissa pour aller dormir sous la tente. Je regardai le château pensif :
« Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
« Pars, s’il le faut. L’un court, et court, et l’autre se tapit
« Pour tromper l’ennemi vigilant et funeste,
« Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit… »
Il faudrait que j’arrête de réciter du Baudelaire c’est parfois déprimant….
Je rêvais. Nous observions la porte d’entrée du manoir, nous entrions, une douleur froide nous traversa comme une intrusion….Je me redressai dans mon sac de couchage, le souffle cour, je ne connaissais pas mon adversaire mais je le haïssais déjà…9h37, jour 2, le départ.
Ils partirent, le quai se vida peu à peu, seule une compagnie de jeunes demoiselles dont les robes ressemblaient à des prés fleuris resta là, abandonnée, en pleurs, l’une d’elles, malgré les avertissements répétés de l’agent de sécurité, agita doucement un mouchoir blanc comme un adieu…
10h18, le paysage défile…
Ivan et Bartolomeo battaient les cartes, Boris joua Polyushka à la guitare, Chaps et Vlad philosophaient sur l’inconstance des femmes, Loup – qui venait de rompre – récitait un poème :
« Si j’avais su, que, un jour, je voudrais pleurer,
« Mais que les yeux secs et le cœur mit en peur
« J’aurais voulu la mort dans un espoir sauveur,
« Jamais je n’aurai crié vers toi pour t’aimer… »
Je griffonnai dans un coin la suite, l’esprit ailleurs…
22h04. Nous avions pris le train pour Budapest, le groupe s’endormit paisiblement dans le wagon-lit. Etendu sur ma couchette, je rêvais.
Nous étions tous assis dans un restaurant de Buda. Nous trinquions au succès de notre quête. Soudain, un homme s’approcha de notre table et nous déclama des vers de Baudelaire avant…
Je me réveillai…9h37, jour 1, la décision.
Mon portable sonna, je décrochai, Bartolomeo :
« _Tu vas retrouver la « fine équipe » ?
_Oui, pourquoi ?
_ Besoin d’un coup de main…
_Quel genre ?
_Habituel….
_On se retrouve au Café du Commerce dans quarante minutes, sois à l’heure.
_J’y serai. »
Je raccrochai, l’échange a duré un peu moins de neuf secondes, ce fut presque trop; je tirai ma pipe, la police n’aura pas su qui nous étions mais il n’était pas bon de trop en dire au téléphone par les temps qui couraient, la répression était de plus en plus sévère et toujours plus aveugle : les ennemis du pays se confondant très souvent avec ceux du Parti…quand je pense que j’ai soutenu ce candidat qui aujourd’hui m’a enfermé dans la peur, la médiocrité et l’individualisme… La radio déversa un flot de statistiques sur les éloignements économiques et sur les colonies de réinsertions par le travail manuel, autant de démagogie et d’absurdités me soulevaient le cœur ; un speaker du ministère de l’information loua enflammé la pratique du collectivisme oligarchique lancé par le gouvernement. Désabusé j’attrapai 1984 de Orwell : « Les meilleurs livres sont ceux qui racontent ce que l’on sait déjà. »
<!--[if gte vml 1]><v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> <v> </v> <v> <o> </v><v> <v> <w> </v><![endif]--><!--[if !vml]--><!--[endif]-->10h18 L’homme s’avança doucement, il était de taille moyenne, trapu, cheveux noirs tirant sur le châtain, sourcils protubérants, yeux noisettes, nez cyranesque, il portait une large et longue cape noire; son visage s’illumina lorsqu’il vit entrer le dernier arrivant. Grand, maigre, crâne étroit, pommettes saillantes, sensuel, vaniteux, hautain, violent jusque dans le regard, il était pareillement vêtu de noir. Profitant du mauvais positionnement de la caméra de surveillance, il lui fit signe de s’approcher.
« _Vlad… égal à toi-même…
_Je n’ai pas vu le temps s’écouler…
_Bon, assis toi, les autres attendent. »
En effet, plus ou moins cachées par l’obscurité cinq autres personnes étaient attablées.
« _Alors que devra-t-on faire ?
_Comme d’habitude…
_On devra tuer qui ?
_Personne, en théorie…j’ai découvert un château abandonné en Transylvanie…
_Et tu veux qu’on vienne, qu’on tue tout le monde et qu’on récupère tout ce qu’on trouvera afin que tu puisses revendre les objets ainsi découverts dans le but de soutenir ton commerce d’achat-vente-échange d’armes et d’antiquités, c’est ça ?
_Exactement.
_Tu vois, j’ai saisi le principe…
_Une question : on risque quoi ? demanda Ivan.
_Théoriquement rien, le château est abandonné, dit Chaps.
_Et en pratique ? » objecta Boris.
Vlad leva la main, le silence se fit quasi instantanément :
« _Y a-t-il quelque chose d’impossible que nous ne puissions réaliser ? »
Un ange passa.
« _Qu’en penses-tu ?
_Je pars.
_Il faudrait régler quelques détails avant…
_Tu peux nous équiper ?
_Oui.
_Je pensais à des détails que nous n’avons pas évoqués : argent, logement, langue, heure de départ du train, coût unitaire du billet par rapport au salaire moyen de la masse salariale russe sur une période donnée P ainsi qu’en parallèle avec le radio médian qui…
_Chaps ?
_Oui ?
_Tais-toi !
_Mais on n’a pas parlé des prorata…
_On s’en fout et j’ai mal à la tête. »
Silence.
22h04, le même jour.
« _Chéri tu me promets de faire attention ? »
C’était la cinquième fois, au moins, depuis que je lui avais dit que je partais sans elle qu’elle me posait la question.
Blottie contre moi comme par peur de l’extérieur, Violaine, ma fiancée depuis quatre mois, semblait à la fois triste que je ne l’emmenai pas avec moi et apeurée à l’idée de me laisser partir. Je caressai ses longs cheveux parfumés. Je baissai la tête, l’embrassai et lui promis de rester bien « sage » , « prudent » et surtout « diplomate ».
« _Et comment allez-vous sortir du pays, je croyais que le Solitaire avait promulgué une loi interdisant de voyager sans une autorisation spéciale du Ministère de la Négociation ?
_ Et bien – je devai avouer que je n’y avais pas trop réfléchi – Bartolomeo va nous fournir des sauf-conduits en bonne et due forme afin de nous absenter pendant une dizaine de jours… »
J’éteignis la lumière, elle s’endormit rapidement, la tête posée sur ma poitrine, je ne trouvais pas le sommeil. Enfin, après avoir longuement médité les yeux perdus dans la nuit je m’assoupis.
Je me tenais sur un quai, sac en bandoulière, valise dans une main, veste et pantalon beiges, chaussures marron, casquette assortie, moustache fine. Une femme se tenait près de moi, la mienne, elle était au bord des larmes mais resta à côté de moi imperturbable. Un détail me frappa : le train était presque vide, j’y entrai, je déposai mes bagages, je redescendis, je l’embrassai une dernière fois puis remontai, les larmes aux yeux je la saluai depuis le compartiment : elle, seule sur le quai au milieu de cette foule hostile, agita un mouchoir blanc comme un adieu. Je m’assis et pleura : je n’en pouvais plus. Je me sentais vide et isolé… je me réveillai à ses côtés…
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