Les muscles de Licmael se contractèrent, sa peau se tendit, ses yeux s’allongèrent légèrement, ses cheveux se dressèrent sur sa tête en pique et une fine cicatrice lui barra la joue droite. Ses yeux brillaient d’une lueur particulière, une lueur de haine et de fureur, de colère et de rage.
« _ Tu as progressé, Deriam, depuis la dernière fois. Mais aujourd’hui j’aurais ma revanche.
_ Cette voix…murmura-t-elle, cette voix, c’est impossible ! Tu devrais être mort…
_ Je devrais, mais tu es bêtement tombée dans mon piège en donnant ma bague à Licmael. Et lui a été assez intelligent pour l’utiliser et me laisser diriger les opérations. Maintenant, je vais me venger et te tuer…
_ Qu’est-ce qui se passe ? demanda Loup à Zaléie.
_ Je vais avancer une hypothèse, répondit celui-ci, je pense qu’à sa mort le père de Licmael et de Deriam – Ydfroog – a enfermé une partie de son esprit et de sa puissance ; c’est la bague que Deriam a donné à Licmael et que celui-ci porte. En activant les pouvoirs de la bague, Licmael a réveillé l’esprit de son père ce qui peut potentiellement être dangereux…
_ Pourquoi potentiellement ? » questionna Chaps pour qui Licmael était déjà dangereux au naturel.
« _ Et bien à côté de lui au naturel, Licmael énervé apparaîtrait doux comme un agneau. » Il y eut un profond silence.
« _ C’est un berserker, en fait ? interrogea Ivan.
_ Pire.
_ Cool, » acheva Vlad.
« Ces gars sont vraiment pas humains, » pensa Adual.
« _ Ydfroog était connu pour ses axés de rage et de haine, je vous conseille de vous mettre à l’abri, dit Zaléie.
_ D’accord, » répondirent-ils et ils se reculèrent de quelques pas.
La puissance de Licmael avait été décuplée par l’activation des pouvoirs de la bague mais ce n’était pas le plus important : il était devenu une véritable montagne de muscles et d’os – surtout de muscles d’ailleurs. Les deux adversaires se faisaient face.
« _ Viens, » murmura Ydfroog.
L’Ombre se jeta sur lui mais au dernier moment elle sauta et lui lança un coup de pied de côté de toutes ses forces. Ydfroog le para en levant l’avant-bras et l’utilisa comme un bouclier, il n’avait pas bougé d’un pouce. Les deux ennemis se fixaient intensément droit dans les yeux. Il baissa soudain son bras déséquilibrant Deriam puis lui porta un direct du droit qui l’envoya s’écraser à quelques mètres de là.
Elle se releva péniblement en pensant : « Si je ne trouve pas un moyen d’éviter ses coups je suis perdue. Réfléchis, sa parade était lente, je dois trouver son point faible et vite, » elle esquiva une attaque en se roulant sur le côté, « son attaque était puissante mais lente, il faut que je capitalise l’à dessus. »
« _ Il a un point faible… souffla Chaps.
_ Un point faible ? s’étonna Boris.
_ Oui, je pense le connaître également, dit Loup.
_ En fait, il est aussi rapide qu’une tortue : sa masse musculaire est beaucoup trop importante et maintenant sa vitesse a été totalement sacrifiée à cause de ça, réfléchit Vlad.
_ Et il va perdre, » acheva Ivan.
« Ca fait froid dans le dos » pensa Valentino « il sont définitivement pas humains. »
L’Ombre se jeta à nouveau sur Ydfroog, mais elle feinta deux fois avant de frapper, déséquilibré il fut rejeté en arrière baissant sa garde, elle en profita et cria : « Igni columna ! » Une immense colonne de feux s’éleva là où se tenait Ydfroog. Deriam usa de toute sa puissance pour porter la température au plus haut degré possible. Aucun animal vivant ne pouvait plus s’en sortir en vie : Licmael/Ydfroog était mort.
Soudain le ciel se couvrit et trois éclairs frappèrent la colonne, il sembla qu’ils furent absorbés par elle mais alors dans un tonnerre de fin du monde auquel se mêla un cri tout empli de haine et de souffrance, la colonne fut soufflée de l’intérieur par une explosion qui rejeta les trois éclairs à la surface de la terre levant un nuage de poussière qui enveloppa l’endroit où se elle tenait.
Peu à peu le nuage se dissipa et un homme apparut, lévitant bien droit, les points fermés, bras tendus le long du corps, les avant-bras légèrement pliés vers l’avant, la tête penchée, une crinière de cheveux de jais descendait en cascade jusqu’en bas du dos, une aura de puissance incroyable émanait de lui et des flammes rouges et ors dansaient autour du mystérieux guerrier.
« _ Un Seigneur des Arcanes, souffla Zaléie.
_ Incroyable, » murmurèrent Adual et Valentino.
« Cool, » pensèrent les compagnons.
Deriam pointa sa baguette sur lui mais il disparut et réapparut devant elle tout en la frappant au ventre. Elle fut pliée en deux par le choc et avant qu’elle ne réagisse il lui porta un second coup au visage qui la fit s’élever dans les airs. Une nouvelle fois, elle ne fut pas assez rapide pour comprendre ce qui lui arrivait lorsqu’il l’attaqua encore une fois au ventre, l’envoyant s’écraser au sol. Il la regarda une dernière fois puis brandit sa baguette pour le coup de grâce mais elle se tordit sur le sol afin de pouvoir sortir sa baguette et cracha : « Daemoniacus invocatio ! » Un cercle rouge sang se dessina sur la pierre et une tête cornue titanesque en émergea, le corps de la chose était d’apparence brutale, affichant une carrure massive de couleur sang, il maniait une large hache à double tranchant et mesurait plus de deux mètres cinquante de haut. Il se tourna vers Licmael et le désigna de sa hache en signe de défi tout en poussant un rugissement horrible. Licmael marcha vers lui calmement. L’abomination le frappa au cou mais la lame n’atteignit jamais son but car il l’arrêta en la bloquant dans la paume de sa main gauche. La chose réprima un hurlement de panique lorsqu’il posa sa main sur son buste mais il était trop tard, doucement Licmael souffla : « Lindorn ! » La puissance du sort fut si intense quelle balaya le monstre le renvoyant instantanément au royaume des Enfers…
Il continua de marcher vers Deriam, arrivant devant elle, il tendit la main lui caressa le front puis il dit : « Dismalento ! » Une lumière violente l’entoura et il sembla qu’une partie d’elle-même lui était arrachée, elle poussa un long cri alors que ses vêtements se déchirèrent et brûlèrent d’un feu magique – Vlad plissa les yeux mais se rendit compte qu’on ne voyait plus rien (la commission pour la sauvegarde de la pureté des adolescents avait déjà agit) – puis elle fut enveloppée d’une brume blanche et elle s’éleva jusqu’à Licmael. Celui-ci la prit dans ses bras, elle portait à présent un linge blanc immaculé, et revint vers eux. Lorsqu’ils les atteignirent, il ne leur dit qu’une chose : « Rentrons, elle a besoin de repos. » Et il s’évanouit…« Et tu ne peux pas imaginer à quel point tu avais raison » pensa Licmael.
« _ Que vas-tu faire maintenant ? demanda-t-il.
_ Te tuer. Elle leva son épée au-dessus de sa tête. Meurs ! » cria-t-elle en lui enfonçant sa lame dans le corps.
Un vent glacial souffla sur les compagnons.
« _ Euh…il n’était pas censé avoir un plan B ? demanda Chaps.
_ Mais il est vraiment mort ? s’enquit Vlad.
_ Vous pensez qu’on peut la tuer ? questionna Ivan.
_ La question serait plutôt est-ce qu’on doit la tuer ? rectifia Boris.
_ On la tue, ordonna Loup.
_ Ainsi soit-il, acheva Bartolomeo alors qu’ils tiraient leurs armes et se jetèrent sur l’Ombre.
_ … Ils sont complètement fous ou c’est moi qui hallucine ? pensa tout haut Zaléie.
_ Je conseille une approche stratégique mettant en place un tir soutenu de couverture, action qui nous permettrait non seulement d’user du meilleur de ce qu’on peut appeler notre avantage absolu mais également de sécuriser de façon durable notre situation physique, dit Valentino.
_ En gros tu nous conseilles de rester derrière et de lui jeter des sorts sans prendre trop de risques, interrogea Adual.
_ On applique le plan, commanda Zaléie.
_ Quel plan ?
_ Celui qu’il vient de sortir.
_ Tout dans le courage à ce que je vois. »
L’Ombre observait Licmael. « C’est tout ? songea-t-elle. Il n’y a…rien d’autre. Je l’ai tuer aussi vite. » Elle se retourna et vit les compagnons. « Je vais avoir de nouveaux compagnons de jeu, » murmura-t-elle.
Elle esquiva sans difficultés une flèche d’Ivan, para tour à tour l’épée de Loup, la hache de Boris et le marteau de Bartolomeo, dévia les sorts des trois mages et regarda d’un air désabusé les étranges boules, que lui lançaient Vlad et Chaps, s’enfoncer dans le sol autour d’elle sans la toucher, avant qu’elles n’explosent. Mais elle parvint à s’en sortir indemne. Elle s’apprêtait à passer à l’attaque sérieusement lorsque…
« _ Lindorn ! » Le sort rata l’Ombre de peu mais désintégra son épée dans une gerbe d’étincelles blanches. Elle se retourna, apparemment ravie, et dit :
« _ Tu es encore parmi nous mon cher frère ? L’acier n’est pas trop froid ?
_ Tu sais c’est difficile à dire compte tenu du fait que tu ne m’a pas toucher, lui répondit Licmael qui se tenait assis sur un rocher à quelques mètres de là.
_ C’est impossible tu devrais être mort à l’heure qu’il est…
_ Mais je suis mort…enfin presque, cracha Licmael, qui se trouvait derrière l’Ombre son épée en travers du corps. Je me battrai jusqu’à la mort, s’il le faut. Dejicere ! » cria-t-il, même si à chaque mouvement l’épée le faisait souffrir atrocement. Elle dissipa prestement le sort, et pointa sa baguette sur lui. « Caedere, » fit-elle. Le sortilège frappa Licmael – 2 – aux jambes, il tomba en avant et l’épée s’enfonça jusqu’à la garde, du sang s’écoulant le long du pommeau.
« Une question, si je puis me permettre, c’est qui ce type qui te ressemble et qui agonise dans une flaque de sang ? Sa puissance magique est inférieure à la tienne mais j’aimerais savoir comment tu lui as donné ton apparence alors répond !
_ Tout simplement parce que ce n’est pas un homme mais une simple pierre qui ne vit que grâce à la bague que tu lui as confiée et à un petit sort d’animation. D’ailleurs à ce propos, il leva sa baguette, levites. » Le corps animé s’éleva et la lame qui était plantée en lui se retira. Celui-ci lui lança un clin d’œil puis retira la bague de son doigt et la lui donna, après un bref salut il redevint une pierre.
« _ Merci, » souffla Licmael tout en glissant la bague de son père à son doigt. Il ressentit une légère sensation de chaleur et d’oppression mêlée. Au moment où il reposait les yeux sur elle une voix grave et puissante résonna dans sa tête : « Licmael, mon fils, tu te bas contre ta sœur à ce que je vois, et tu sembles être légèrement en dessous de son niveau d’après ce que j’ai compris, tu veux un coup de main ou je te regarde mourir pour de bon sans rien faire…
_ Père ?!? Qu’est-ce que tu fous dans ma tête ? Et qu’est-ce que c’est que ce plan foireux entre tous ?
_ Bon alors, déjà minus, ceci n’est pas un plan foireux mais la seule, ta seule solution pour t’en sortir en vie, et me présenter ta petite amie – fiancé ou femme, j’en sais rien – et cette solution passe par moi, c’est-à-dire que tu as besoins de moi. Et pour ce qui est du fait que je suis dans ta tête, en fait une partie de mon esprit, quasiment la totalité en fait, a été lié à ma mort à cette bague ce qui me permet d’habiter l’esprit de celui qui la porte, comprit ?
_ Ouais ça devrait aller, bon maintenant dodo, je dois lui donner une petite leçon à ma façon…
_ Tu devrais accepter…
_ Pas pour l’instant ! »
Il lança un regard assassin à Deriam – l’Ombre – puis marmonna une série d’invocations étranges tout en faisant décrire à sa baguette de nombreux symboles cabalistiques… Deriam réagit avec promptitude en dessinant un cercle de protection dans les airs avant de jeter une boule de feu qui se dissipa instantanément. Elle se baissa instinctivement au moment où le maléfice de Licmael allait la toucher malgré sa protection. Un mur de protection enchanté entourait à présent Licmael, flanqué de quatre tours hautes et d’un donjon qui renforçait encore un peu plus sa défense, il était virtuellement intouchable… Deriam roula sur le côté, plongea, sauta, glissa pour esquiver les sorts, se détendit et couru en zigzag mais rien n’y fit, elle ne pouvait pas rivaliser avec lui, elle prit donc une option différente : elle sauta dans les airs et s’envola…
« _ Lâche l’affaire, fiston, voler demande une certaine maîtrise des arcanes magiques, maîtrise que malgré tes énormes progrès et un don certain tu n’as pas encore…
_ Je t’emmerde, comprit le vieux !
_ Ouverture, hurla l’Ombre. Tolere ! »
Licmael réagit, comme par instinct, pointant sa baguette vers elle, il cria :
« _ Discutere ! Tartidas ! Confusio ! Compedes ! Caedere ! Le premier sortilège dissipa celui de Deriam, le second l’atteignit au ventre puis les autres la frappèrent tour à tour la rendant lente, confuse, avant de l’entraver et de l’envoyer mordre la poussière.
_ Pas mal pour un gringalet asthmatique et qui n’a jamais rien appris !
_ Je ne suis pas un gringalet asthmatique… »
A quelques mètres de là, les compagnons avaient tranquillement repris leurs partis de cartes, les mages avaient décidés d’un commun d’accord de les considérer comme des fous ou en tout cas comme des simples d’esprit… « Ces gars sont pas humains, c’est pas possible autrement ! » pensaient-ils au fond d’eux-mêmes.
« _ Tu vois que je peux être bon, je l’ai envoyé à terre en un coup et il ne me reste plus qu’à lui porter le coup de grâce !
_ Le coup de grâce dis-tu… Alors pourquoi est-ce qu’elle te fonce dessus à l’instant présent ?
_ Pardon, mais qu’est-ce qu’elle fout debout ?
_ Rappelles-toi que c’est ma fille, elle a dû hériter de quelques une de mes qualités naturelles.
_ Bon tu disais que tu pouvais me donner un coup de main dans ce genre de situations…
_ Bien entendu, laisse moi t’envahir puis laisse moi gérer comme je l’entends.
_ D’accord, » répondit Licmael à contre cœur.Licmael et l’Ombre se faisaient face. Le temps semblait figé, le vent même s’était tu, il glissait silencieusement dans les cheveux de chacun. A dix pas d’eux, les mages et les compagnons avaient enjoint l’Empereur à un repli stratégique, ils se disputaient à présent le droit de combattre l’Ombre si Licmael ne parvenait pas à la vaincre, les mages les dévisageaient incrédules et se disaient en eux-mêmes : « Assurément, voilà quelque chose d’incroyable : ces hommes-là rient et s’amusent devant la mort alors que nous qui connaissons et le péril et les moyens de le combattre tremblons et recherchons un échappatoire… » Loup se leva, étira ses muscles du cou et des bras, échauffa ses jambes, puis se retourna : « J’irai en second, » dit-il. Personne ne répondit. Chaps tira un jeu de cartes et commença une partie avec Ivan, Vlad et Valentino qui se « résigna » à faire le quatrième, Bartolomeo prit son évangile et se plongea dans l’étude du 13ième chapitre de St Mathieu, Adual fit apparaître une guitare pour Boris puis avec Zaléie, il se reconcentra sur le combat…
Aucun des deux n’avait bougé, ils se fixaient si intensément que même leurs yeux semblaient figés.
« _ Je crois qu’ils attendent la musique de fond, dit Chaps.
_ Tais-toi et joue, répondit Ivan. »
Vlad tira son harmonica et commença l’air d’Il était une fois dans l’Ouest. Il joua trois ou quatre minutes puis se tus. Lorsque la dernière note tomba, Licmael s’élança en avant, lame nue, et frappa son adversaire d’une botte détournée de bas en haut attaquant de front vers la tête, l’Ombre para le coup de son épée… Elle enchaîna les coups à une vitesse impressionnante, Licmael avait les plus grandes difficultés pour parer les coups, il recula, esquiva, encaissa les attaques mais ils résistait, il parvint à frapper l’Ombre au ventre d’un coup de pied qui la laissa interdite quelques instants. Profitant de ceci, Licmael lui porta une botte fatale. Voyant que la garde de son ennemie était baissée, il frappa d’un revers de sa lame à la gorge de l’Ombre.
« _ Il se débrouille bien en définitive, dit Chaps en relevant la tête.
_ Ouais, répondit Vlad tout en regardant les cartes de Chaps, ils vont peut-être continuer encore longtemps on devrait parier réellement.
_ Non, trancha Ivan en jonglant avec ses pièces.
_ Comment pouvez-vous savoir si cela se passe bien si vous ne regardez pas ? demanda Valentino qui profitait de chaque instants pour jeter un coup d’œil au combat.
_ Tais-toi et joue, » ordonna Ivan d’une voix qui n’admettait aucune objection.
L’Ombre laissa sa tête glisser en arrière, l’acier froid caressa sa chair, coupa sa peau en une fine ouverture au niveau de la jugulaire mais celle-ci n’était pas profonde et elle n’en fut pas gênée.
« _ Dommage, c’était bien tenté, dit Vlad.
_ Tais-toi et joue, » coupa Ivan.
Licmael et l’Ombre se fixèrent encore. Ils remirent leur épée au fourreau et tirèrent leur baguette. Simultanément, ils les levèrent :
« _ Dejicere ! cria l’Ombre.
_ Obtundere ! » tonna Licmael.
Les deux sorts se rencontrèrent dans une gerbe d’énergie, celui de l’Ombre prit le dessus mais Licmael l’esquiva.
« _ Frangere ! hurla-t-elle.
_ Parma, » fit-il instinctivement.
Son bouclier dévia le maléfice.
« _ Nebula, » murmura-t-il. Une brume magique les enveloppa.
« _ Te cacherais-tu, petit frère ? Aurais-tu peur ? dit-elle.
_ Seul un fou serait confiant lorsque la mort rôde dans la brume, répondit une voix à peine audible.
_ Licmael, dissipe ce brouillard immédiatement, rugirent en cœur Ivan, Chaps – qui ne pouvaient plus jouer – Vlad – qui ne pouvait plus tricher – et Bartolomeo – pas pour les mêmes raisons.
_ Mais vous êtes fous, dit Zaléie, c’est une idée remarquable.
_ Je dirais même…, commença Adual.
_ On en a rien à faire, à cause de ça on ne voit plus les cartes et on ne restera pas ici pendant des heures à ce tourner les pouces, répliqua Ivan.
_ Et puis déjà que les voies du Seigneur sont impénétrables alors si en plus vous m’enlevez la lumière, expliqua Bartolomeo.
_ Bon, je vais voir ce que je peux faire. » C’était Zaléie qui avait parlé, il prit une pierre, la plaça devant lui puis murmura : « Mutare…Lucerna…Lucis. » La pierre se métamorphosa en lampe puis un petit jet de lumière l’alluma, Zaléie la posa au milieu des joueurs.
« _ Voilà, ça vous convient ?
_ Il manque un petit quelque chose, trois fois rien, pensa tout haut Valentino, il fixa sa baguette sur la lampe : Levites. » La lampe s’éleva dans les airs et se stabilisa à une trentaine de centimètres au-dessus du sol. « Voilà qui devrait être parfait, marmonna-t-il en se rendant compte qu’il n’avait qu’une paire de deux, on reprend ? » Et ils se remirent au jeu, Boris et Bartolomeo les avaient rejoint pour profiter de leur lumière. Zaléie et Adual arrêtèrent leur regard sur la brume, aucun bruit, aucune lumière et aucune émotion ne filtrait le mur qui s’élevait face à eux. Loup, à quelques mètres de là, assis en tailleur, semblait se concentrer intensément.
« _ Nul homme n’est égal dans sa marche vers le combat, dit Adual.
_ Et pourtant rien n’est plus long ou oppressant, » commenta Zaléie.
A cet instant, Loup se releva, se retourna, fit quelques pas vers eux, s’avança jusqu’à Vlad, puis se rassit à côté de lui, prit ses cartes et lui tendit un livre. Vlad tourna et retourna l’objet, l’ouvrit, fit un clin d’œil à Loup puis s’écarta quelque peu.
« _ Qu’est-ce que c’est ? demanda Valentino.
_ Un livret d’amour romantique à l’usage des adultes de plus de 18 ans, dit Loup.
_ Vlad, ces manuscrits impies te perdront, indiqua Bartolomeo.
_ Et tu me sauveras à l’heure dite, » acheva Vlad.
Soudain un cri retentit dans le brouillard : « _ Discutere ! » La brume se dissipa peu à peu mais ce qui émergea ne correspondait pas aux attentes des compagnons.
L’Ombre se tenait bien droite au-dessus du corps apparemment brisé de Licmael. Elle avait sa baguette pointée vers lui et il semblait qu’ils étaient entrain de ce parler.
« _ Tu as perdu, Licmael.
_ Il semblerait.
_ Tu souffres ?
_ Non, je me marre comme au premier jour, ça ne se voit pas ? »
L’Ombre posa le pied sur le ventre de Licmael.
« _ Tu devrais apprendre le respect, petit frère ! » Elle appuya violemment et il cracha une gerbe de sang. Elle tira quelque chose d’une poche intérieure.
« _ Avant de mourir, père me donna ceci et me dit de te le transmettre quand je te reverrais, c’est une bague, met-là. Licmael passa la bague à son doigt. Y a-t-il un effet particulier ? » questionna-t-elle. Il avait ressentit une vague impression de chaleur mais il répondit : « Non, pourquoi ?
_Pour rien, je pensais que notre père l’aurait peut-être investie d’une puissance particulière. »
Loup est le premier sur ses pieds, il se place entre le nouveau venu et l’Empereur, les autres se relèvent et pointent leurs armes vers l’étranger.
« _ Bartolomeo, Boris, Chaps, Ivan, Loup, Vlad, ça fait plaisir de vous revoir – un silence suit.
_ Le Semiel, murmure Valentino.
_ Licmael ! font d’une seule voix les six compagnons.
_ Oh mais sombre gland tu ne pouvais pas arriver plus vite, crie Chaps.
_ Attention, hurle Ivan en décochant une flèche sur l’ombre qui vient de se relever, celle-ci la dévie grâce à son épée.
_ Alors mon cher frère, tu es prêt à mourir ?
_ Je ne te laisserai pas leur faire de mal. Deriam, préfères-tu mourir ou te ranger de notre côté ?
_ Tu n’as pas encore compris petit frère, si j’ai tué nos parents ce n’est pas pour me plier à ta volonté… Je vais te tuer et tu me supplieras de t’achever comme nos ascendants l’ont fait…
_ Jamais je ne te supplierai.
_ Et que pourrais-tu faire d’autre, ta puissance frôle peut-être les 100000 unités mais la mienne atteint les 125000, que pourrais-tu faire ?
_ Me battre et mourir s’il le faut mais je t’aurais assez affaibli pour que les autres puissent te vaincre.
_ Pauvre petit frère tu resteras toujours un utopique mais ce lieu marque la fin du voyage pour toi et tes amis, car je vais vous tuer. »
Fin du voyage, début d’une guerre entre le bien et le mal, entre la vie et la mort, pour la liberté…Chaps et Vlad discutent à voix basses dans un coin de La lune endormie, une des nombreuses tavernes de Brevt. Ils s’étaient retrouvés grâce à une tentative de vol de Vlad sur…Chaps et qui s’était soldée par un grand éclat de rire rapidement interrompu par l’arriver d’une patrouille. Après avoir échappés à celle-ci ils se sont échoués dans ce tripot afin de mettre au point un parcours rapide et discret pour rejoindre Berheilden au plus vite…
« _ Je te dis qu’il faudrait qu’on passe par les montagnes, explique Vlad, regardes : Brevt, Brâme, Zurlach, Forfrant et Berheilden. Si on marche bien on peut y être en quatre jours avec des chevaux.
_ Je ne dis pas non mais je me demande si en passant plus au sud avec un guide ce ne serait pas plus prudent, répond Chaps.
_ Excusez-moi messieurs, je crois que vous parlez de voyage ?
_ Oui, pourquoi ?
_ Et bien, voilà : je dois me rendre à Berheilden par une route rapide et sûr, cependant je suis seul et je n’ai pas les moyens de m’offrir une escorte… Vous semblez vous entendre dans l’art du combat, moi dans celui des affaires, faisons route ensemble nous sommes complémentaires.
_ Vous vous appelez ?
_ Urdenfraundelt, mais appelez moi Frank.
_ Vlad.
_ Chaps, nous allons à Berheilden également, quand partirons-nous ?
_ Demain, pour Forfrant, puis en canot jusqu’à Berheilden.
_ Entendu. » Et ils restèrent à discuter sur les différents détails du voyage.
Les murailles de la ville se détachent de la brume matinale et les portes s’ouvrent à nouveau, Berheilden s’éveille pour un nouveau jour. Au sud dans les méandres du Reik des voiles apparaissent et un nuage de poussière s’élève, un cavalier solitaire marche vers la ville, il arrive de Munach, au nord un canot descend le fleuve, à l’est plusieurs membres d’un groupes s’avance. Sur le mur, trois hommes en blanc discutent :
« _ Ils arrivent.
_Oui, mais pas tous, il en manque un.
_ Il viendra…il doit chercher à s’entraîner pour la forme…
_ On attend qu’ils soient tous là pour leur expliquer ou on le fait tout de suite ?
_ Le plus tôt sera le mieux, au pire on réexpliquera ensuite.
_ Allons les chercher, maintenant.
_ Bien. » Et ils disparurent dans les ruelles au pied des murs.
Bartolomeo, Boris, Chaps, Ivan, Loup et Vlad furent réunis dans une vaste pièce qui servait d’antichambre à la salle du trône. Les accolades furent rapides. A présent, ils attendent patiemment qu’on leur explique le but de leur voyage.
Les trois hommes en blanc entrent, ils semblent détendus, l’un d’entre eux prend la parole :
« _ Salutations, avant de vous expliquer toute l’histoire permettez nous de nous présentez : nous sommes Adual, Valentino et Zaléie mages et conseillers de l’Empereur Pirdon III et c’est nous qui vous avons fait venir ici…
_ Pour le rétablissement du très saint équilibre du je-ne-sais-plus-trop-quoi, coupe Boris.
_ Valentino, qu’est-ce que tu leur à raconter comme conneries ?
_ Non mais j’avais besoin d’un peu de temps pour concentrer assez d’énergie alors j’ai blablater un peu…
_ Tu ne changeras jamais, ce n’est pas possible… Bon on va tout vous expliquer : vous êtes ici parce qu’on a besoin de vous.
_ Pourquoi ?
_ Pour la guerre qui se prépare. Vous êtes des sorciers, vous avez un potentiel de puissance de combat largement supérieur à la moyenne et en plus vous avez déjà l’habitude de vous battre ensemble avec à peu près n’importe quoi face à peu près n’importe qui, c’était tout bénéfice pour nous, résume Adual.
_ On se calme, qu’est-ce que la « puissance de combat », contre qui allez-vous vous battre, et pourquoi devrions-nous vous aider ? demande Ivan.
_ La puissance de combat représente la force, l’habileté, la capacité de combat et la puissance magique d’un combattant : un soldat normal a un puissance de 150 à 200 unités, un chevalier entre 500 et 2000, certains guerriers atteignent 3000 unités, un sorcier oscille entre 1000 et 30000 unités en moyenne, certains arrivent à 50000 grâce à un entraînement poussé, nous avons chacun une puissance de 80000 unités, grâce à des dons naturels particulièrement développés et un long apprentissage, répond Zaléie.
_ Et nous ? fait Loup.
_ Nous estimons votre potentiel à un peu plus de 80000 unités sans entraînement particulier.
_ Contre qui vous battez-vous ? questionne Chaps.
_ Contre le Royaume du Sud, et son Monarque Maudit, ainsi que ses armés noires…
_ Il dispose de pouvoirs largement supérieurs au notre, et ses serviteurs, les Anges Noirs, au nombre de douze sont également très puissants, explique Adual.
_ Pourquoi nous faire venir alors ?
_ Il existe une ancienne légende qui veut que lorsque le monde sera au bord du chaos une compagnie de puissants guerrier-mages se lèvera, ils seront la réincarnation des plus puissants combattants que les deux mondes aient connus : les cavalier-sorciers, répond Valentino.
_ Qui étaient-ils ?
_ Des combattants d’une force dépassant l’imagination, on dit même que lorsqu’ils étaient poussés au bord de la folie par les exactions de leurs adversaires ils se transformaient et devenaient encore plus fort, plus puissants, enfin j’en ai jamais vus donc je ne peux pas vraiment vous en dire beaucoup, poursuit Zaléie.
_ Oui, il y a cinq siècles maintenant qu’ils sont partis vers le monde réel et on disparu, achève Adual.
_ Et vous pensez que nous pourrions être…
_ Leurs descendants. »
Un long silence suit cette dernière phrase.
« _ Hum, il faudrait vous présenter à l’Empereur, dit Adual.
_ Suivez nous, ordonne Zaléie.
_ Et ne parlez pas tant que l’on ne vous a pas adresser la parole, conseille Valentino.
_ Et ne suivez pas son exemple, insiste Zaléie. »
Il frappe trois coups secs à la grande porte d’or, puis entre et marche jusqu’au trône à cinq pas de celui-ci il s’agenouille et baisse la tête, tous l’imitent, alors le seigneur dit :
« _ Soyez les biens venus mes amis en cette heure sombre, relevez-vous et asseyez-vous à mes côtés, j’ai entendu beaucoup d’histoires vous concernant et j’aimerai démêler le vrai du faux.
_ Certainement Sire, cependant nous devons vous dire qu’un des membres de notre équipe, le Semiel, n’est pas encore arrivé et…
_ Et bien il nous rejoindra, venez mes amis, j’aimerai entendre vos récits pour égayer mes vieux jours. »
A ce moment un messager fait irruption dans la salle et cour se jeter aux pieds de l’Empereur, il transmet son message en bégayant :
« _ Le tournois international de magie s’est achevé, Sire, et le champion est désigné…
_ Est-ce le vieux Tahegae qui l’a emporté ?
_ Non, Seigneur.
_ Ah ! Et bien amène moi le vainqueur pour que je le félicite.
_ C’est que Sire il n’est pas venu…
_ Pardon !?!
_ Oui, il a dit qu’il devait d’abord faire quelque chose avant de se présenter devant vous.
_ A-t-il donné un nom afin qu’on puisse l’accueillir comme il se doit ?
_ Oui, il a dit s’appeler le Semiel, Sire. »
Cette révélation plonge la foule dans un grand malaise quand soudain :
« _ Sire… Un sorcier du Sud… aux portes de la ville… il dit être venu en ambassade. »
Un profond silence gagne l’assemblée mais l’Empereur se lève lentement :
« _ Je vais y aller, il marque une pause, cependant vous m’accompagnez ! dit-il en fixant les trois mages et les six compagnons. Vous devriez pouvoir la maintenir en respect, je pense…
_ Oui, Sire, dit Valentino.
_ Mais se sera dur, ajoute Adual.
_ A cœur vaillant rien d’impossible, fait Loup, allons ! Nous avons à faire. »
Ils sortent, la population semble inquiète, et rentre prestement dans ses habitations lorsque les chevaux s’approchent. Aux portes ils mettent pieds à terre et passent hors des murs. Dans la plaine, une ombre noire les attend, elle lève les yeux vers eux et les jauge du regard.
« _ Vous vouliez me voir ?
_ Oui, j’aurais préféré que vous soyez seul mais puisque vous êtes venu avec votre escorte… Je vais m’amuser un peu… »
Avant qu’aucun n’est pu esquisser le moindre geste, elle pointe une baguette de bois sur eux et prononce une série d’incantations. Ils sont tous jetés au sol, attachés par des liens magiques qu’ils ne peuvent rompre. Seul l’Empereur reste debout, l’ombre se tourne vers lui et oriente sa baguette vers lui quand soudain :
« _ Lindorn ! » crie une voix derrière l’ombre.
Un puissant éclair de lumière blanche la frappe dans le dos et l’envoie au sol, assommée. Libérés des sortilèges, ils se relèvent pour voir qui les a ainsi aidé… Un homme, enroulé dans une longue cape noire, un capuchon rabattu sur la tête, une baguette de bois vers pâle à la main, leur fait face.
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