Elles se reprirent et se mirent en rang avec les autres élèves de leur classe. Les capitaines de la Chambre et quelques professeurs passaient parmi eux pour prévenir tout débordement inopportun.
« Chers élèves, la voix du directeur semblait les embrasser tous tout en ne parlant qu’à chacun en particulier, les récents évènements qui se sont produits dans notre établissement ont amené un vide dans nos institutions. Afin d’y remédier, j’ai décidé de nommer un nouveau CPE en lieu et place de son prédécesseur démissionnaire. L’homme que j’ai choisi satisfait aux conditions que je crois nécessaires pour occuper au mieux ce poste. Certains parmi vous le connaissent, il s’agit de Monsieur Jim Harkes, ci-devant entraîneur de l’équipe B de notre club de soccer. »
Un court silence suivit cette déclaration.
« Mais c’est notre père, souffla Phoebe à Pierce.
_Oui mais je ne sais pas pourquoi je vois assez difficilement Ekichi en surveillant en général.
_Toi aussi ?
_Silence dans les rangs ! »
Un homme de taille moyenne au cheveux blonds vêtu d’un jean délavé, d’une paire de santiags, d’un tee-shirt de Led Zeppelin et d’un blouson de cuir noir s’avança micro à la main.
« Merci à tous d’être présent et merci aux professeurs et aux capitaines de préserver le calme et la sérénité de cet établissement. Je serai bref : mon bureau sera ouvert à tous ceux qui voudront obtenir des renseignements ou des explications. »
Il marqua une pause.
« Je demande par ailleurs aux capitaines de venir dans mon bureau. »
Il serra le poing puis leva le pouce.
« Retournez à vos activités. »
Les élèves se dispersèrent.
Wladimir rassembla les capitaines et ils montèrent au bureau du CPE. Ekichi les reçut cinq minutes plus tard.
« Vous vouliez nous voir, monsieur ?
_Oui. Tu es Wladimir, le premier membre, n’est pas ?
_Oui, monsieur.
_J’ai été à ta place il y a quelques années, difficile comme travail, non ?
_Oui, merci monsieur.
_Cette manière d’organiser le temps scolaire est saine et bénéfique de mon point de vu pour les élèves mais je ma demande si une augmentation des membres de la Chambre à seize membres ne serait pas une bonne chose en pratique.
_Il faudrait rajouter trois personnes dans ce cas là, commença Ollic. Comment les désigner ?
_Je propose que les trois candidats soient présentés par au moins un capitaine et soutenu par au moins un autre avant de passer quelques tests, dit Hans.
_Aurais-tu un ou plusieurs noms à soumettre ?
_Shin Itchie, Vlad Häfner et Jimmy Trabert. »
Un silence gêné suivit ses propos.
Shin, Jimmy, Pierce et John discutaient au bord d’un terrain de football durant la pause.
« A quel style de musique appartiennent les chansons que vous avez écrites ?
_Pop-Rock ou rythme and blues en fonction du texte.
_R&B ? » s’étonna John que la description des anciens chanteurs du groupe avait légèrement refroidi dans son ardeur première.
« Non, rythme and blues comme les chansons des Stones première génération.
_Un peu comme Satisfaction…
_Oui mais avec un niveau inférieur.
_Normal, on parle quand même des Stones, le troisième meilleur artiste et de la deuxième meilleure chanson de tous les temps.
_Quelles chansons on interprèterait ?
_Casino Room, An another lover, Let me down et d’autres mais je ne sais pas encore lesquelles, peut-être exclusivement des reprises. On verra avec Hans. »
Hans arriva justement l’air soucieux. Il prit Jimmy et Shin à part.
« Le nouveau CPE propose d’augmenter de trois le nombre de capitaines de la chambre et j’ai déposé vos noms pour les postes avec celui de Vlad. »
Il leur fit un clin d’œil.
« Wladimir a adoré… Particulièrement ta candidature, Shin.
_Trop d’honneur. »
Shin marqua une pause.
« Qui est ce fameux Vlad ? »
Hans et Jimmy se regardèrent amusés et lui donnèrent une tape dans le dos de manière très synchronique.
« Vlad est le meilleur après Wladimir selon le classement de Leila, il est également le capitaine du deuxième club de Kendo.
_Pourquoi n’est-il pas devenu plutôt un membre de la chambre ?
_Pour devenir membre en temps normal, il faut battre en combat singulier un membre devant les douze autres dont le capitaine dit « régulateur. » Vlad a défié trois fois Wladimir en deux ans et il a perdu trois fois.
_D’ailleurs vous devrez vous affronter toi et lui pour connaître votre rang d’entré, glissa Hans à Shin.
_Que je me batte contre lui ? s’étonna Shin.
_C’est la condition qu’a posé Wladimir pour ne pas s’opposer à ma proposition.
_Tu ne crois pas que tu aurais pu commencé par là ? demanda Shin.
_Moi aussi, je devrez me battre ? l’interrogea Jimmy.
_Non, ne t’inquiète pas. »
Roman sauta sur Hans pour lui frotter le crâne sans ménagement.
« Tu aurais pu me prévenir pour ces deux là !
_On est toujours là au cas où, rappela Jimmy.
_Félicitation, leur dit James en leur tapotant l’épaule. Shin, tu viens de récolter la plus grande somme de problèmes de toute ta vie, bravo.
_Je dois prendre ça pour un compliment ? questionna Shin autant pour lui-même qu’à la cantonade.
_Bah, ne t’inquiète pas on te donnera un coup de main, » le rassura Pierce en levant le pouce entouré de Kate, James et Aspidistra. Shin sourit puis chercha Jimmy du regard.
« Il est là-bas avec Phoebe, » lui indiqua John. Shin opina du chef.
« Où est mon stupide disciple ?
_Ah, la douce voix de Chaps, » s’exclama James en se retournant.
« Douce ? » pensa Shin.
« Que vouliez-vous, maître ?
_Pourquoi as-tu accepté de faire partie de la chambre ?
_Je n’ai pas accepté…
_Ah bon, alors ça va ! Je croyais que tu avais pris la grosse tête et que tu avais posé ta candidature.
_Non, Hans l’a donnée sans m’en parler et je vais donner suite.
_En fait tu as vraiment la grosse tête… Bon, le directeur veut te voir alors dépêche toi, stupide disciple.
_Oui. »
« Qu’est-ce que je lui ai encore fait ? Bof, on verra plus tard, » songea-t-il en passant à côté des terrains de tennis et trouvant Jimmy et Phoebe dans une situation plutôt préjudiciable pour eux.
« Je passe, continuez, ne vous dérangez surtout pas pour moi, » souffla Shin en se retenant de rire ou de leur apprendre à respecter les convenances.Au même moment, au dojo du club seisen, la discussion allait bon train.
« C’est pratique quand même que vous ayez un dojo pour vous, plus besoin d’aller sur les toits pour être tranquilles, » soupira Leila de plaisir.
« Grâce à qui ? » demanda Hans un sourire aux lèvres.
Les deux se chamaillèrent gentiment dans un coin. Jimmy entra.
« Hans, hum, hum…. Hans !
_Euh, oui ? Pardon, je…
_Je sais. Tu connais les Red Diamonds ?
_Le groupe des attardés décolorés qui prétend faire du rock avec une batterie pourrie, une basse inexistante et une seule guitare tenu par un énuque incapable de chanter juste plus de deux mots d’affiler ?
_Ils ne peuvent pas assurer leur prochain live.
_Quelle perte considérable pour l’humanité ! J’en verserai presque une larme. »
« Ils parlent de quoi ? questionna Shin
_Du « super » groupe de rock du lycée ? précisa Pierce.
_Hans et Jimmy avaient eux aussi un groupe en troisième mais les autres membres ont quitté l’établissement et ils l’ont dissous. »
« Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ?
_On les remplace, on a deux semaines pour trouver une guitare, une batterie et un chanteur potable.
_Pourquoi vous ne chantez pas vous-même ? » l’interrogea Chaps.
Après quelques explications simples mais musclées délivraient par Roman, James et Pierce, il apparut clairement à Chaps que le sujet était tabou.
« Je suis batteur,annonça John, si vous voulez un coup de main ça doit pouvoir se faire.
_Ca nous intéresse en effet, répondit Jimmy amicalement.
_Hum… »
Hans semblait peu convaincu.
« Tu prends la guitare mélodique, Pierce ?
_Je ne suis pas très chaud. J’accepte si vous arrivez à recruter un vrai chanteur cette fois.
_Tout le monde peut faire des erreurs dans la vie, non ? s’enquit Jimmy.
_Une erreur de ce calibre sur scène c’est un suicide collectif avec préméditation et circonstances aggravantes, répliqua Hans.
_Il était mauvais à ce point ? demanda Shin.
_Pire que tu ne puisse un jour l’imaginer, affirma Hans.
_Tu pourrais chanter à sa place, Shin ? »
Silence.
« Tu pourrais aussi jouer avec la vielle Melody Maker de Père Innocenti, non ? »
Silence.
« Tu as déjà joué dans un groupe, Shin ? l’interrogea Jimmy.
_Non.
_Tu chantes justes ?s’enquit Hans.
_Je crois.
_Tu peux jouer en chantant ?
_A peu près. »
Hans jeta un regard à Jimmy et hocha la tête.
« On lui fait passer un bout d’essai ? le questionna Jimmy.
_D’accord, on va aller dans la salle de musique, il y a toujours une guitare là-bas. »
Ils s’y rendirent et Hans sortit d’un placard une vieille guitare. La caisse de résonance ronde et légèrement bombée de celle-ci était particulièrement claire en son centre et sombre sur les bords. Il l’accorda et la régla puis la tendit à Shin :
« Joue. »
Shin la prit et commença à jouer quelques accords au hasard puis sa gamme sans passion apparente.
« Joue une chanson, précisa Jimmy.
_D’accord. »
Il s’arrêta quelques instants, soupira en fermant les yeux puis recommença à jouer. Les notes s’élevèrent dans les aires bientôt suivit des premières paroles :
« I see a red door and I wanted painted black, no colours anymore I wanted to turn black… »
« Intéressant, pensa Jimmy, il ne transmet aucune joie ni aucun sentiment par sa guitare ou sa voix. L’un et l’autre ne déversent que souffrance et tristesse par la musique. Techniquement, il n’est au niveau ni de Hans ni de Pierce mais il n’en est pas loin et sa voix est bonne. » Il fixa Hans dans le blanc des yeux.
« On le prend, on ne trouvera pas beaucoup mieux de toute façon et au moins il est à peu prés normal.
_Vous avez eu des problèmes de chanteur auparavant ? » demanda Kate.
Hans et Jimmy ne lui prêtèrent aucune attention, Pierce lui répondit sobrement :
« Un rappeur afro décoloré, un punk sentimental et un rockeur chauve et grabataire, ils n’ont vraiment pas eu de chance dans le bar musical où ils jouaient parfois.
_Un bar musical ?
_L’an dernier, à l’époque où ils étaient encore avec leur groupe, ils ont été pris pour un concert en première partie d’une soirée à thème. Alors cet été quand le patron les a rappelés pour animer le bar quelques soirs par semaine, ils ont accepté et leurs problèmes de musiciens ont commencé.
_Je comprends, dit Chaps. Une dernière question : tu es si bon que ça à la guitare Pierce ?
_Je me débrouille.
_Intéressant. »
Peu avant le début des activités sportives et culturelles de l’après-midi, le directeur fit une annonce avec le haut-parleur de l’établissement.
« Je demande à tous les étudiants de se réunir dans la cour d’honneur de notre lycée afin que je leur présente le nouveau Conseiller Principal d’Education. »
Phoebe, Kate et Aspidistra la gagnèrent prestement.
« Vous pensez que le proviseur va venir en personne ?
_Aucune chance, il ne se montre jamais d’après ce qu’on dit. On raconte même que seul(e) son assistant(e) connaît sa véritable identité.
_Vraiment le type de personne que je ne pourrais pas supporter, soupira Aspidistra. Je ne peux pas souffrir les hommes qui font tant de mystères. Pourquoi vous me regardez comme ça ? »
Phoebe et Kate pouffèrent de rire et Kate lui répondit :
« Parce qu’avec Shin je crois que pour ce qui est des mystères tu risques d’être servie. »Chaps se reposait tranquillement dans la salle du dojo pendant que Pierce, Hans et John s’entraînaient. Il bailla paresseusement et se releva lentement.
« Arrêtez-vous ! Shô vient ici.
_Qu’est-ce qui se passe ? Que veux-tu, Chaps ?
_Ils sont nuls.
_Trop aimable, on peut savoir pourquoi, s’enquit Hans.
_Tous les arts martiaux sont complémentaires hors ils vous manque quelque chose pour pouvoir vous battre dans la même cour que Shô, Shin ou moi. Et cette chose, c’est la détermination à tuer et cette qualité primordiale pour maîtriser n’importe quel art martial est la base suprême du kendo.
_Mais un sabre n’est-il pas forgé pour protéger la vie ? demanda innocemment Pierce.
_Oui et non, le sabre est un instrument de mort, le kendo un art de tuer. Quelles que soient les belles paroles que l’on raconte pour l’expliquer, telle est sa profonde vérité. Vos propos sont ceux de personnes qui n’ont jamais été contraint à donner la mort. Ce n’est donc qu’un idéal utopique même si j’ai tendance à le préférer à sa véritable nature. Si vous voulez être prêt pour le tournoi, vous devrez maîtriser le sabre et pour cela vous aurez à réussir une épreuve. »
Il passa dans une pièce attenante et en ressortit avec trois shinais en main. Il les lança à chacun des trois puis s’éclaircie la voix.
« Vous devrez parvenir à toucher Shô au moins une fois, vous avez une semaine. Commencez ! »
Tous se regardèrent pendant que Chaps se rasseyait pour dormir. Shô se racla la gorge bruyamment et se mit en garde.
« Allez, amenez-vous ! »
Les trois prirent leur katanas à deux mains et se jetèrent sur Shô qui les renvoya dans leurs plates bandes en trois coups.
« Trop lents, trop faibles, trop rigides. »
« Il est toujours égale à lui-même, se dit Chaps dans son for intérieur. Ses élèves ont toujours étaient les plus endurants car ses leçons sont les plus éprouvantes physiquement. S’ils arrivent à le toucher dans la semaine alors le tournoi sera vraiment intéressant. » La porte coulissa et Shin entra suivi de Nicolas. Chaps se leva et prit son shinai.
« On commence le cours, petit frère ?
_D’accord.
_Je suis dans la pièce d’à côté, » indiqua Shin.
Bientôt des bruits de courses et de sauts irréguliers se firent entendre de cette pièce. Un long silence se fit alors entendre. Tous tendirent l’oreille puis une bourrasque sembla passer et après un court instant Shin en émergea et silencieusement il s’assit dans un coin.
« Les techniques de l’école sont bien difficile à maîtriser, n’est-ce pas Shin ? » La réflexion de Chaps le fit sourire.
La leçon de Shô s’acheva une petite vingtaine de minutes plus tard lorsque la sonnerie marqua le début des cours de la journée, de toute façon aucun des trois n’auraient tenu plus cinq minutes. Avant que les élèves quittent le dojo, Chaps prit Hans, Pierce et John à part.
« Une dernière petite chose, les sabres ont tous une âme qui se cristallise dans le nom que lui donne celui pour lequel la lame est forgée. Réfléchissez chacun à un nom et à une forme pour votre katana pour la fin de la semaine. Comprenez bien qu’une lame sans nom ne pourra jamais dépasser un sabre nommé. »
Shô approuva d’un signe de tête et ils se séparèrent.
« Tu crois qu’ils arriveront à te toucher une fois chacun avant le fin de la semaine ?
_Franchement ? Non. Ils sont nuls et complètement à côté de leurs pompes quand ils essaient de se battre et en plus ils ne tiennent même pas correctement leur katana.
_Tu aurais pu leur apprendre, non ?
_Et puis quoi encore ? S’ils veulent devenir des hommes, ils devront se réaliser par eux-mêmes.
_Si j’avais été pareil je serais mort.
_Mais tes élèves avaient du potentielle, en tous cas l’un d’eux.
_Qu’est-ce qui faut pas entendre. Allez à ce soir. »
Aspidistra se pencha sur Shin est lui souffla tendrement à l’oreille :
« Shin, Shin, Shiiin, tu dors ?
_Hummm…
_Imbécile heureux, on est en cours d’histoire avec la prof la plus sadique à l’Ouest de l’Atlantique ! Réveilles-toi !
_Je retiendrai pour votre appréciation du trimestre votre engagement à dynamiser cette classe, Miss West. Mais dans l’immédiat, la prof la plus sadique à l’Ouest de l’Atlantique vous dit : dehors ! Et le travestit transsexuel comateux avec. »
Et ils se retrouvèrent dehors, accoudés aux murs froids et parallèles du couloirs. Cette attristante vision de l’oppression professorale n’ayant strictement que peu d’intérêt pour discussion ésotérique, Shin préféra garder le silence jusqu’à leur « délivrance. »
Il se servit de ce moment de silence pour récapituler la liste de ses professeurs : Sœur Josette de Lacroixgamer en Histoire et Géographie, Mr Philip Mocambe – surnommer foufou-good ou Dark Macumba ou encore Iron Mocambe par ses élèves – en Economie, Mr Peter Aubaint – dit Aubinator – en Droit, Mr James-Andrew Psychko – sans jeu de mot de circonstances – en Mathématiques, l’exquise Miss Amanda Labbédoquine en Langue et Civilisation Anglaise, Mr Francis Maldinpert en Français et Art Théâtral, le « magnifique » – et minuscule – Mr Hai Lathan en Physique-Chimie et la « surprenante » Miss Juliette Rancoul en Biologie. « Une belle brochette de personnes qui aime leur métier à s’en faire interner, » pensa-t-il.
L’attitude hostile de Sœur Josette remontait au début de septembre quand il avait osé remettre en cause une idée qu’elle défendait avec acharnement. Malgré des résultats plus que corrects, il ne parvenait pas à revenir en odeur de sainteté. Il se désintéressa de cette idée et entra dans la salle de cours. Il passa devant la Sœur en chantonnant une musique de film très connue quand elle l’attrapa par le col et le remit à la porte.
Le cours qui suivit était celui de Biologie. Mlle Rancoul était à la fois paranoïaque, schizophrène, névrosée, psychotique et portée à avoir des poussés de colère noire et incontrôlable. Ce cours-ci ne fut pas une exception : d’abord parce qu’il commença par un violent excès de fureur, tout autant motivée par un excessif « amour » de ses élèves et par une constante désagréable à noter trop sévèrement – et trop souvent – ces derniers, et qu’il se poursuivit par une énième interrogation surprise.
La troisième heure fut celle de la Physique Chimie avec Mr Lathan. Celui-ci fut égal à lui-même. Quelques interjections plus tard, il lançait une bordée de ses phrases cultes entrées dans la légende du lycée :
« Je lis dans ton esprit… Gros dégoûtant ! » ou alors « Je vais répondre dans quelques secondes à ta question. – quelques secondes plus tard – C’était ça ? Non ? Quel était ta question, jeune néophyte ?
_Est-ce que je peux allez aux toilettes ?
_Oui. »
Et beaucoup d’autre comme cette inoubliable :
« Ma discipline est comme ces quatre murs quand on rentre dedans on se fait mal ! »
Le cours de cet honorable enseignant n’aurait d’ailleurs sans cela qu’un intérêt médiocre, se résumant à la compréhension par une minorité nantie d’un cerveau moyen en état de marche de quelques théories physico-chimiques régissant une partie de la vie sur Terre. Ce qui en convenait l’impassible majorité silencieuse eut été peut-être préférable dans un certain sens.
Mais le summum du paroxysme de l’effort intellectuel quotidien que devait fournir en offrande aux dieux capitalistes du travail les forçats de la 2-7 n’était pas à chercher durant une heure de cours mais plus à l’intercours précédant la leçon de Mr Mocambe. Il était en effet difficile même pour un groupe aussi soudé de fainéants de ne pas faire le travail demander si gentiment par le Maître. Cependant, et pour des raisons encore obscures, ce dernier n’était pas dupe.
Pendant la pause de midi, Mike Streenningam – chanteur, guitariste et leader des Red Diamonds, un groupe de rock amateur du lycée – vint voir Jimmy pendant sa pause déjeuner.Les membres de l’équipe B du lycée Thomas Jefferson était en ébullition lorsque Shin entra dans les vestiaires. Tous allaient et venaient entre leur place, le mur où était affiché le tableau du tournoi municipal et la place de tel ou tel coéquipier. Shin comprit rapidement la raison de ce remue-ménage : jusqu’en demi-finale, aucun adversaire ne pouvait être particulièrement dangereux, semblait-il. Il posa ses affaires à sa place, félicita pour la xième fois Franck pour sa dernière prestation puis commença à se changer. Ekichi leur fit part de ses impressions sur le déroulement probable de la compétition puis la séance débuta. Elle s’acheva à 18h30. Shin et Pierce allèrent alors au 6ième dojo. Les autres membres étaient déjà là, regroupaient en cercle au centre de la pièce.
« Allez, gamin plus vite le mouvement du poigner.
_Pense à utiliser les muscles de ton dos.
_Appuie ton attaque de tout ton poids. »
« Qu’est qu’ils sont encore entrain de faire ? » Shin s’approcha en pensant aux différentes raisons possibles pouvant expliquer cette excitation. Il se figea en entrant dans le cercle et en voyant qui s’y entraînait au maniement du shinai.
« Nicolas ? Qu’est que tu fais là ?
_Il s’exerce au sabre, ça se voit, non ? Mon petit frère se débrouille bien, en fin de compte ? »
Tous se tournèrent vers Chaps.
« Ton petit frère ?
_Bien sur, Nicolas est mon frère. Ca se remarque, non ? »
Devant les regards que lui lancèrent les autres il amorça un début d’explication :
« On a les mêmes parents, vous savez… »
Shin vola alors à son secours :
« C’est vrai, ils sont frères. D’ailleurs, Nicolas, comment va ma petite Lili ?
_Bien, mais elle aimerait bien que tu passes de temps en temps à la maison.
_Je viendrais ce soir en vous raccompagnant… »
Ces mots s’enfoncèrent dans le cœur d’Aspidistra comme une froide lame d’acier, elle referma la porte du dojo qu’elle avait entrouverte puis partit les larmes aux yeux.
Kate l’attendait à la porte du lycée.
« Que se passe-t-il ?
_Il en aime une autre, cria-t-elle sans s’arrêter.
_Une autre ? Qui ? Jusqu’à nouvelle ordre Georgina était plutôt une mère pour lui, » pensa Kate en la rattrapant. Elle lui prit le bras et la força à se retourner. « Explique moi, maintenant : Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »
Aspidistra rougit en baissant les yeux, penaude.
« J’ai voulu aller le voir pour ce qui c’est passé à midi mais au moment où j’allais entrer je l’ai entendu demander « comment allez sa petite Lili, » je n’ai pas osé continuer. Il va la voir ce soir, je crois. Je ne sais pas pourquoi j’ai réagi comme ça mais j’ai craqué…
_Je comprend. Tu as dit qu’il devait passer la voir ce soir ?
_Oui en raccompagnant Charles et Nicolas.
_Pourquoi ne pas les accompagner alors ?
_Mais je ne peux pas, ce serait gênant, enfin tu…
_Qu’est-ce qui serait gênant ? »
Chaps arrivait juste derrière elles.
« Si tu veux venir, je n’y vois aucun inconvénient. Seulement…
_Seulement ?
_Prépare-toi à avoir un choc.
_A propos de ta sœur ?
_Oui et pas que… »
Il tourna les talons et s’avança vers le club.
« On en a plus pour longtemps. »
Une petite dizaine de minutes plus tard, les membres du club se séparaient devant les grilles du lycée. Chaps, Nicolas, Pierce, Aspidistra et Shin prirent le chemin de la banlieue-est doucement dans le crépuscule flamboyant de ce début d’automne. Personne ne soufflait mot, Shin et Aspidistra marchaient chacun d’un côté du groupe. Puis Pierce annonça que c’était là qu’il prenait une route différente et il les salua. « Plus que quatre personnes, dont trois connaissent un secret dont je ne sais rien, » songea Aspidistra avant de rompre la monotonie du parcours :
« Nicolas, où habitez-vous précisément en définitive ?
_Sur la 87ième rue, prés du vélodrome et de la salle d’enregistrement et de concert Mantount.
_D’accord…
_Shin te ramènera chez toi après, Aspidistra, fit Chaps.
_Oh ! tu sais, je…
_C’est bon, il pourra le faire, non ?
_Ouais, » grogna Shin sans les regarder.
« Oh ! mais comme c’est mignon, il boude le petit bout de chou, hein ? »
Nicolas avait commencé à taquiner Shin tout en essayant de lui frotter les côtes, ce qui évidement termina mal. Ils arrivèrent enfin devant une maison de briques rouges avec un étage, de petites fenêtres et un jardinet : l’archétype de la maison familiale du quartier.
Chaps poussa la porte d’entrée en criant :
« Dad, mum, on est là. Shin est passé dire bonjours.
_Ma petite Lili, tu es ici.
_Shin, crétin ! »
Un petit brin de fille – 1mètre quarante au très grand maximum – venait de débouler dans le hall en frappant sans ménagement au niveau des genoux.
« Pourquoi tu ne viens plus à la maison ? Tu ne m’as même pas appelé pour mon anniversaire.
_Oui, mais je n’ai pas vraiment eu le temps, s’excusa Shin en prenant la petite dans ses bras. Allez, on tourne !
_Non, Shin, pas la toupie… »
Elle riait alors qu’il la faisait sauter dans les airs pour la récupérer ensuite. Aspidistra se fit alors cette réflexion en elle-même :
« Une petite sœur… pour lui, Lili est la petite sœur tendre, affectueuse et un peu garçonne qu’il n’a jamais eu. Et dire que j’ai été jalouse d’une fille de huit ans à peine, j’ai honte. »
Les parents de Chaps arrivèrent alors : Peter, le père ex-joueur de rugby et patron d’une petite agence d’assurance, et Margaret, sa femme et son associée pour l’agence de l’assurance. Les rapides présentations qui suivirent s’achevèrent durant le souper auquel fut galamment conviée Aspidistra. Shin la raccompagna ensuite chez elle.
Sur le chemin du retour, ils n’échangèrent pas un mot restant à distance respectueuse l’un de l’autre. Sur le pas de sa porte, Aspidistra se retourna vers lui et lui indiqua quelque chose dans son dos. Il tourna la tête et elle en profita pour se lover contre sa poitrine.
« Je t’attendrai aussi longtemps qu’il le faudra. »
Il se crispa mais elle s’était dégagée elle passait l’embrasure de sa porte. Il resta là un peu décontenancé puis ferma les yeux et repartit.
« J’en ai pas fini avec elle, je crois. »
Derrière la porte, Aspidistra pleurait. Jude et Elspeth descendirent et l’aidèrent à regagner l’appartement. Là, Jude la fit s’asseoir.
« Nous ne pouvons rien faire d’autre que ce qu’il nous impose. Nos sentiments ne doivent pas interférer alors je sais que ce sera difficile pour toi mais reprends toi, s’il te plaît. Si ce n’est pas pour nous, fais le pour elle. »
Il y eut un soir, il y eut un matin…1. mickey4 le 14-06-2009 à 10:03:51 (site)
moi aussi je fait dans la romance , mais pas aussi bien que toi et je ma fatigue pas au temps ,petit par petit bout .Sur toi c'est beaucoup plus sérieux . bon week
Shin avait du mal à comprendre ce qui avait bien pu lui passer par la tête la veille au soir quand il avait raccompagné Aspidistra. Il se souvenait d’avoir rouler avec elle sur sa moto pendant un petit moment. Une étrange sensation se dégageait de ce souvenir : douce et amer à la fois, comme s’il avait voulut que cet instant ne s’arrêta jamais alors même qu’il était une souffrance. Mais il y avait quelque chose au de-là de celle-ci, il l’avait bien comprit lorsque Aspidistra l’avait quitté. Il n’en restait pas moins qu’il ne voulait en aucun cas recommencer cette expérience de conduire une moto avec un poids mort constamment sur les épaules. « Attitude très dangereuse, soit dit en passant, » pensa-t-il tout en beurrant sa tartine de pain grillé.
« Je ne suis vraiment qu’un idiot. Je mettrai les choses au clair avec Aspidistra aujourd’hui. Je sens que ça va encore poser des problèmes. »
Cette prédiction était on ne peut plus réaliste. Lorsque Shin s’assit à sa place à côté d’elle, elle fit d’abord mine de l’ignorer. « Bon, ça se présente mieux que je ne l’aurais cru, » pensa-t-il. Il tenta alors de lancer la conversation :
« Au fait, Aspidistra, tu sais pour hier…
_Oui ? »
Ses yeux brillaient d’une lueur particulière où la joie, l’espoir et l’attente se mêlaient en un feu indomptable.
« Il faudrait qu’on en parle tout à l’heure…
_D’accord. »
Il eut clairement l’impression que cette idée ne lui convenait pas du tout mais son acquiescement paraissait naturel. « Elle n’a rien compris du tout, » se dit-il en lui-même.
Quand la cloche se fit entendre, Shin se leva et Aspidistra le suivit. Ils montèrent sur les toits. Là Shin se retourna pour entamer la conversation mais… « Je dois prendre les devants. « S’il ne fait pas le premier pas, à toi de te lancer ! Tu l’aimes, non ? » m’a dit Kate et avant Phoebe m’avait fait remarquer « qu’il a vraiment beaucoup d’affection » pour moi. » Elle serra les points. « Soit spontané pour réussir ! » Les mots de Shin résonnèrent dans son esprit et elle se jeta en avant attrapant Shin au cou. Celui-ci se raidit et referma instinctivement ses bras autour de sa taille. Aspidistra ferma les yeux et approcha ses lèvres des siennes.
« Non… Non… Aspidistra, s’il te plaît, non ! »
Les mains de Shin se crispèrent sur ses hanches, il rejeta Aspidistra en arrière puis après un moment d’hésitation courut vers l’escalier qu’il descendit quatre à quatre. Aspidistra resta prostrée, une seule image défilait en permanence devant ses yeux : l’expression de terreur qui avait embrumé le regard de Shin au point de faire couler quelques larmes le long de ses joues.
« Pourquoi ? » Articula-t-elle péniblement entre deux sanglots.
Un étage plus bas, Shin versait toutes les larmes de son corps qui se répandaient en de longs sillons sur son visage. Tout son corps tremblait.
« Pardon, Aspidistra… pardon… mais je ne dois pas… »
Dans l’ombre du muret servant de rambarde dans l’escalier, deux personnes échangèrent un sourire triste et entendu.
Kate traversa la classe et le couloir comme un ouragan, puis gravit les escaliers sans s’arrêter. Elle passa à côté de Shin sans un regard puis déboucha sur le toit.
« Aspidistra… »
Elle l’a prit entre ses bras.
« Là, je suis là… calmes-toi…
_Kate, il… il m’a…
_Mis une veste. Oui, c’est à peu près ça. »
Aspidistra pleura de plus belle, se détourna de Kate et s’appuya contre les barreaux de la rambarde du toit.
« Il pleure aussi, sais-tu ? En bas, ses larmes tombent sur le sol en silence avec la régularité d’un coucou suisse. »
Aspidistra n’eut aucune réaction.
« Il n’a pas voulu te blesser. Pierce me l’a dit lorsque vous êtes sortis : « il va refuser, il ne peux pas accepter pour l’instant. » Je lui ai demandé pourquoi. Il m’a répondu qu’il « n’en avait pas la force, » qu’il « ne pourrait pas te protéger mieux que Georgina » et que « tant qu’il n’en sera pas capable il ne se posera même pas la question. » Je lui ai fait remarqué que c’était absurde. Il a répliqué qu’il n’était qu’absurdité et qu’il disait souvent que « l’esprit a ses devoir que le cœur refuse. » C’est à ce moment-là que je suis venu te voir. »
Les pleurs d’Aspidistra s’étaient quelque peu calmées.
« Pourquoi ? Peu m’importe d’être ce que je suis si je ne peux l’être avec celui que j’aime…
_Tu le seras, un jour tu le seras, j’en suis sûre.
_Quand ?
_Quand il aura trouvé les réponses à ses questions, quand il aura cherché au plus profond de son âme et de son cœur, quand il aura accepté ses propres sentiments, non pas comme une faiblesse, mais comme une force et quand il n’aura plus une centaine de balais-brosses dans le … .
_ Kate !! »
Un étage plus bas, Shin se essuyait ses yeux d’un revers de manche, serrait les poings et redescendait les escaliers le visage fermé et le regard embrasé d’une froide colère. Il entra dans la classe, ouvrit son sac, en tira une pochette à dessin et pensa en lui-même :
« Il est plus que temps, arrête de fuir et force le destin à te satisfaire, toi aussi tu as le droit à la paix… »
Il sortit.
Chaps et Shô le virent entrer dans le dojo du club et en fermer la porte de l’intérieur.
« Tu penses qu’il va les apprendre ?
_Je pense que d’ici peu j’aurais du mal à me battre tranquillement contre lui, répondit Chaps.
_Il va devenir si fort que ça ?
_Copier ce style de combat est plus dur que tu ne le crois, même pour lui.
_Pourquoi ?
_A côté de la vitesse qu’il nécessite, son iai est d’une lenteur affligeante. Et ces attaques sont pour la plus part exécuter sabre au clair. »
Shô frissonna.
« Tu as peur ?
_Non, je tremble d’excitation rien que d’y penser. »
Aspidistra et Shin s’assirent à leur place habituelle même s’ils s’ignorèrent comme preuve d’un malaise particulier. Aucune parole ne fut échangée. Les regards étaient discrets, maladroits. Les attentions forcées par une courtoisie superflue ne faisaient que rajouter une tension inutile et palpable aux moindre mouvement. Chacun accueillit la fin de la journée comme une délivrance. Shin se rendit à l’entraînement du club de football tandis que Aspidistra rejoignait le dojo du 1er club de Karaté.
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